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La famille PILLON

Page extraite de l'album GIVERNY AUTREFOIS
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Cette page est un peu particulière, car elle s'inspire du recueil de souvenirs
d'ALBERT PILLON, "Ma jeunesse à Giverny". Né en 1931, Albert vécut au village
jusqu'à 25 ans, puis émigra au Québec où il rencontra son épouse. Il faut
sans doute chercher dans ce changement de vie et de continent la
motivation qui l'encouragea à rédiger "Ma jeunesse à Giverny",
au bénéfice de sa descendance canadienne.




En plus de 200 pages, l'auteur évoque de façon vivante la vie de son grand-père berger et de
ses parents, ainsi que ses propres souvenirs des 25 années de sa jeunesse givernoise.
Le quotidien du village défile sur la période 1900-1950. Merci à Albert Pillon pour sa
contribution, sa disponibilité et sa gentillese qui ne s'est jamais démentie
depuis notre première rencontre en mai 2014.

Rédaction, documentation, photographie et mise en page de Jean-Michel Peers.
Extraits de "Ma jeunesse à Giverny". Dessins de Albert Pillon et archives photos de la famille Pillon.


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Albert François PILLON

La période givernoise de la famille Pillon commence à la fin du 19ème siècle
avec Albert François Pillon et Blanche Aneïde Ledanois.



John Leslie Breck, New Moon, 1889

"La famille Pillon est une famille de bergers. Tout comme les saltimbanques, ils allaient de village en village au gré
des demandes des cultivateurs et ils ont marqué plus particulièrement les villages de Bois-Jérôme et de Giverny."

Ci-dessus, Albert François Pillon et ses moutons, peints par John Leslie Breck en 1889.
Ci-dessous, photographié sur plaque de verre négative vers 1900.



Son troupeau ne comptait pas moins de 500 têtes. Les animaux vendus pour la viande ainsi que la
laine tondue chaque année étaient d'un bon revenu pour la famille. Le grand-père Pillon possédait
de nombreuses petites parcelles sur Giverny et Bois-Jérôme sur lesquelles il installait le
parc à moutons. Certaines parcelles plantées de pommiers donnaient au berger son cidre et
le droit de distiller pour obtenir le calvados qu'on prend tous les matins avec le café.
Ainsi coulait le beau temps, de champs en champs, en mouvance continuelle, des Ajoux
à la plaine du Vexin, en passant par les Bruyères de Cossy ou le Fond des Marettes.



En dehors de l'hiver à la bergerie, le berger passait ses nuits dans une
cabane en bois avec roues et brancards pour être tirée par des chevaux
lors des déplacements de parcelle à parcelle. Cette cabane était munie
de deux fenêtres, d'un couchage et d'un tout petit poêle à bois.

La famille Pillon vivait à l'actuel 103 de la rue Claude Monet. La maison ouvrait au nord,
face à la grande porte cochère de la Ferme de la Côte, que l'on aperçoit à l'avant-plan.
A droite, on reconnait les colombages peints de la maison Tersinet au hameau.



On retrouve le côté est de leur maison sur la gauche du tableau peint en 1888
par Dawson Dawson Watson, et intitulé Giverny (Coll. Daniel J.Terra)




En 1910, la maison Pillon fut entièrement détruite par un incendie, mais reconstruite aussitôt,
ce qui prouve que le grand-père avait de l'argent pour ce faire. La nouvelle construction
avait une toiture plus basse et la façade fut placée au sud, à l'opposé de ce qu'elle était,
permettant ainsi d'ouvrir la maison sur le quartier du pressoir, face à la maison Guillemard,
la maison Tersinet et sur la voie qui deviendra plus tard la rue Claude Monet.



Le 15 mars 1919, à l'âge de 59 ans, Albert François Pillon décède. Il sera le dernier berger
de la lignée Pillon puisque le troupeau et tout ce qui s'y rapporte sera alors vendu.
Il laisse un fils unique de 19 ans, Albert Adrien Pillon. (photo de l'entête de la page)
Notons que les bergers ne disparurent pas pour autant de Giverny. La famille Boscher-Guillemard
nous a confié un document exceptionnel sur la page La Maison du Maréchal-Ferrant
avec le troupeau de Gaston Boudeville remontant la rue du Colombier
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L'APRÈS-GUERRE

"La vie semble facile dans le Giverny d'après-guerre et les jeunes s'amusent et dansent allègrement.
Les voitures roulent dans les rues et les fils GENS du moulin à farine voisin de la gare, font grand tapage.
L'hôtel Baudy a repris ses activités... la musique et les danses du nouveau monde marquent
les soirées et les dimanches qu'on fête à grand bruit."


Albert Adrien devient apprenti jardinier aux pépinières Féron. C'est l'époque où Giverny voit arriver de nouveaux habitants
en résidence secondaire, notamment Armand Picard , dont la grande maison et le jardin demandent beaucoup d'entretien.
"C'est un défi de taille pour le jeune Pillon qui se découvre une autre passion et devient vite maître dans
l'art de jardiner, de greffer et de tailler les arbres, réputation qui le suivra tout au long de sa vie"


En 1920, Albert Adrien est au service militaire à Villacoublay, près de Paris.



Une fois ses obligations militaires terminées, il retrouve la nature et ses jardins chez Féron.
En 1921, la famille Légé vient passer les vacances d'été à "La Musardière", leur résidence
givernoise qu'ils firent construire au début des années 1900, à deux pas de la maison Pillon.
Une jeune alsacienne, Marguerite Barth, les accompagne.



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Albert Adrien et Marguerite PILLON

Albert Adrien et Marguerite se marient le 18 novembre 1922. Il a 22 ans et elle en a 20.
De cette union naîtront Germaine en 1923, Albert (l'auteur) en 1931 et Jean-Jacques, en 1933.
Albert continue comme jardinier aux pépinières Féron et entretient aussi la propriété Picard.
Marguerite crée dans leur maison du pressoir une entreprise d'alimentation,
genre coopérative, qui installe des points de vente dans les villages.



Ce ne fut, hélas, pas un succès. Le commerce ferme en 1926.
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" Le 6 décembre 1926, Claude Monet décède à l'âge de 86 ans et cet événement n'affecte en rien la quiétude des villageois.
Si toute la population l'accompagne à sa mise en terre, c'est un peu par curiosité, pour voir qui sont les amis de Monet.
Mais c'est aussi par tradition parce que tout villageois qui décède est accompagné à sa dernière demeure par tous.
Lui qui adorait les fleurs a cependant refusé qu'il en soit déposé sur sa tombe, une tombe bien modeste qui
d'ailleurs sera même négligée au cours des ans. La disparition de Claude Monet a bien sûr marqué le milieu
de la peinture qui se manifestait surtout dans la capitale, mais comme il vivait retiré derrière ses murs
et enfermé dans ses ateliers, la vie à Giverny n'en a pas été troublée outre mesure.
Ainsi viennent et partent les grands hommes !
"
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La cousine Hélène



Le 19 février 1929 décède Hélène Berthe Pillon, née à Giverny en 1879. Fille de Pierre Benjamin
Pillon et de Angeline Thérèse Ledanois, Hélène était célibataire et exerçait le métier de
couturière. L'acte de décès fut établi sur déclaration de son cousin Albert Pillon en
mairie de Giverny, et contresigné par le maire, Alexandre Gens.



Hélène était propriétaire d'une maison contiguë à la ferme Hervieux (côté est),
qui fut léguée à la commune. En guise de reconnaissance, son nom fut donné
à une rue qui part de la rue Blanche Hoschede-Monet, longe les serres
et les plantations de la Fondation Monet pour rejoindre la rue du
Château d'eau et se poursuivre jusqu'au chemin des Mayeux.
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LE KRACH BOURSIER DE 1929

Une période sombre suit le krach boursier. La plupart des gens riches venant à Giverny
sont touchés et leur train de vie doit se réduire. Les pépinières Féron font faillite.
Heureusement, la famille Picard embauche les Pillon. Albert Adrien, que le passage aux
pépinières a formé au métier de paysagiste créera et entretiendra le jardin; Marguerite,
assurera la préparation des repas de fin de semaine et l'entretien de la maison.
Le couple y a travaillé et habité sporadiquement entre 1929 et 1940 (puis
en continu de 1944 à 1946) et fut le témoin privilégié d'un mode de vie
aisé, très "parisien" qui tranchait avec le Giverny de l'époque.

Au jardin, il y avait presque tout à faire. La maison, terminée en partie en 1913,
fut agrandie en 1923, avec plusieurs dépendances. Quant à la cuisine, l'origine
alsacienne de Marguerite cadrait bien avec celle d'Armand Picard, alsacien lui aussi.
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LES BELLES ANNÉES

La nouvelle vie de la famille commençait sous des auspices favorables. Il y avait du travail,
et qui plus est, dans un cadre agréable, avec des patrons qui, chose rare à l'époque,
considéraient leurs domestiques comme faisant partie de la famille, enfants compris.
... "Mes parents et nous, les enfants, prenions les repas avec Monsieur et Madame Picard et tous
leurs invités. Les instructions d'usage nous avaient été données à nous, les enfants; ainsi nous
avons eu l'avantage et le plaisir d'apprendre ce qu'on appelle les bonnes manières!"





1935 - Entrelacés dans les branches du cèdre pleureur, une essence rare du jardin des Picard,
à gauche, Albert-Adrien et Marguerite, à droite, Germaine (12 ans),
assis au centre Jean-Jacques (2 ans) et Albert (3 ans 1/2)



Monsieur et Madame Picard

[Armand Picard] "est un négociant de brevets d’inventions à Paris où il possède deux
appartements Rue St-Lazare. Un lui servant de bureau, l’autre de résidence. Sa femme, d’environ
30 ans plus jeune que lui, rencontrée alors qu’elle était vendeuse chez un fleuriste parisien,
est originaire de Franche Comté. Elle est d’un dynamisme sans pareil et rien ne semble l’effrayer.
Elle est animée par deux passions, une pour les chiens, l’autre pour la conduite automobile.



Le couple possède une voiture de luxe, de marque Hotchkiss, dont le volant à droite caractérise
la majeure partie des automobiles de l’époque. Et puis, forte de l’aisance financière de son mari,
Madame Picard se découvre une autre passion et se lance dans l’élevage de poules rares et autres
gallinacés aux origines lointaines et exotiques. Le but de cette aventure est de présenter ces
oiseaux dans tous les concours possibles et ainsi faire grand état des grands prix obtenus."


Le travail ne manque pas...



ALBERT, l'auteur, à 6 ans (photo d'école, classe de Monsieur Bouquet)

"Mon père entretient le potager situé de l’autre côté de la rue du Milieu ou
poussent tous les légumes, les herbes et les petits fruits que l’on puisse imaginer. En même
temps, il plante un nombre incroyable d’arbres fruitiers, tant dans le potager que sur la partie
ouest de la propriété où sont situés les enclos à poules; il greffe lui-même la plupart de ces
arbres et on retrouve là de nombreuses variétés de cerisiers, pommiers, poiriers, pruniers,
framboisiers et même mûriers. Avec ça, les pelouses sont tondues, les allées en gravier bien
ratissées et les fleurs et rosiers sont partout en abondance, ce qui en fait un parc magnifique..."


L'entretien des poules demande aussi beaucoup de travail; tout d'abord, il faut construire une
multitude d’enclos grillagés, équipés chacun d’une cabane en bois répondant aux conditions
spécifiques d’élevage de toute cette faune. Ensuite, il faut nettoyer les enclos, et,
les veilles de concours, nettoyer les poules, lisser leurs plumes,
bref, les présenter sous le meilleur aspect.

Les poules étaient une telle passion pour Madame Picard que, pour assurer leur protection,
son mari avait obtenu en 1924 de la mairie de faire creuser, à ses frais, un tunnel sous
la voirie pour permettre aux poules de passer d'un terrain à l'autre en toute sécurité!
Voir le plan et la délibération du conseil municipal sur la page Armand Picard

"Monsieur Picard travaille à Paris mais revient souvent à Giverny en semaine et surtout pour y
passer le week-end. ll voyage par le train, qu’il prend à Vernon, jusqu’à Paris St-Lazare et sa
femme va le chercher ou le conduire à la gare en voiture. Les samedis et dimanches sont
toujours bien actifs alors que de nombreux visiteurs au profil important viennent rencontrer
Monsieur Picard. Ma mère, dont les compétences de cuisinière ont déjà conquis bien des gens,
se retrouve presque toutes les fins de semaine à préparer les repas pour tout ce beau monde,
aidée par mon père et Germaine. Et quand tout se termine, souvent tard le soir,
la petite famille retrouve la tranquillité dans sa maison du Pressoir."

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1936 - SINGER

La situation économique et sociale devenait catastrophique en France.
Toute la société en était affectée, y compris Armand Picard.

"Mes parents étaient exaspérés de ne pas entrevoir l'amélioration de leur situation. Par contre,
le jardin et la chasse fournissaient les victuailles nécéssaires et les lapins de garenne, dont mon
père connaissait les moindres secrets, contribuèrent à ce bien-être alimentaire. Ainsi, la famille
n'a jamais souffert de la faim comme cela accablait la population en général, mais surtout celle
des centres urbains."


Albert Adrien part travailler chez Singer, à Bonnières, à 7 km de Giverny.
Il est embauché au service de l'ébarbage des pièces sortant de fonderie.
Une nouvelle vie commence, bien différente de celle de jardinier chez Picard.
Marguerite commence à travailler à l'auberge du Vieux Moulin, chez Renault.



"De temps à autre, nous allons chez les Picard, ou plus exactement c’est Madame Picard qui vient
nous chercher le dimanche. Il n’y a plus de poules et les concours sont chose du passé. De plus,
Monsieur Picard vieillit et la vie se fait plus tranquille. La présence de mes parents semble les
réconforter et ils souffrent certainement que nous ne restions plus avec eux. Selon l’habitude,
ma mère s’affaire à préparer le repas avec le lièvre que mon père a tué la veille. Madame
Picard, qui ne la quitte pas d’un pas dans la cuisine, ne cesse de parler avec elle. En compagnie
des chiens, nous écoutions ce bavardage mon frére et moi, assis sur une sorte d’estrade dans un
coin de la cuisine. Pendant ce temps, Monsieur Picard et mon père font une promenade dans le
parc, admirant tous les arbres qui ont maintenant bien grandi. Puis ils se retrouvent dans
la salle à manger où ils poursuivent leur conversation. Le repas traîne en longueur et
même si nous avons hâte de sortir de table, nous nous conformons a la règle et
attendons le signe de Monsieur Picard qui, ma foi, ne tarde pas à nous libérer."

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1939 - L'ANNÉE NOIRE - DÉCLARATION DE GUERRE

L'ambiance est lourde au village: les hommes parlent de militaires, d'Allemagne,
d'armées qui ont envahi des pays, mais la vie continue.

" Malgré toutes les rumeurs plus ou moins pessimistes, il est toujours un grand nombre de
visiteurs qui viennent encore à Giverny passer le week-end. Ils font le bonheur des hôtels
et des auberges qui sont nombreux pour un tel petit village de 300 habitants :

Chez Renault, au "Vieux Moulin", on reçoit des gens plutôt modestes
mais pleins de joie de vivre et surtout avides d’en profiter;
L'hôtel Baudy est plus huppé et la clientèle qui se veut bien paraître, fait grand étalage
de toilettes en se pavanant à la terrasse, à l’ombre des tilleuls, ou en s’adonnant au très chic tennis.
Le bureau de tabac (Mazé) avec ses quelques chambres fait la joie de familles qui apprécient
son caractère intime et se délectent de la bonne et copieuse cuisine qu'on y sert.
La Maison Rose est une pension de famille nichée au fond d‘un jardin entouré
d’un très haut mur; il est dit que les gens viennent là en cachette,
ce qui en fait le sujet préféré des mauvaises langues du pays.
Quant à l’Hostellerie qui est à l’autre bout du pays en direction
de Vernon, on y reçoit, paraît-il, une clientèle bien spéciale.

Mis à part chez Renault, où nous allons chercher maman après son travail, c’est l’hôtel Baudy qui
retient toute notre attention. Il y a là beaucoup d’animation et on y voit toujours de nombreuses
voitures, toutes plus rutilantes les unes que les autres, dont certaines sont même découvertes,
avec leurs occupants qui s’en vont gaiement les cheveux au vent."


Un jour, le garde-champêtre colle contre le mur de la maison Guillemard, en face de
la maison Pillon une petite affiche blanche portant deux drapeaux français entrecroisés.


en-tête de l'affiche

Quelques jours plus tard, Albert Adrien rentre un soir à la maison
annonçant que la Société de Tir a été dissoute et que tous les fusils et
toutes les munitions ont été ramassés par les gendarmes.

"LE DIMANCHE APRES-MIDI 3 SEPTEMBRE, toute la famille se rend chez Monsieur Picard.
Nous le trouvons dans la salle à manger assis tout proche d’un poste de radio. C’est un meuble
en hauteur avec un cadran illuminé et une voix d’homme sort de la partie basse ajourée recouverte
d’une toile chamarrée. Cette pièce est naturellement sombre mais ce jour là, le ciel lourd
la rend presque lugubre. Monsieur Picard a chaleureusement reçu les tantes alsaciennes et
converse avec elles, sûrement en alsacien, puisque lui aussi est originaire de cette province.
Sans rien comprendre de ce qui se dit, nous sentons que leurs propos sont sérieux, voire
inquiétants. Tout le monde est assis, comme écrasés par un poids énorme qui rend tout
mouvement pénible, sinon impossible. Soudain, un son semblable à un martèlement sort
du poste de radio. Monsieur Picard tourne un bouton pour en augmenter l’intensité.
D’une voix grave et solennelle, un homme annonce que
"La France vient de déclarer la guerre à l'Allemagne"
.
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1940 - ANNÉE DE TOUTES LES HORREURS

Les premiers bombardements arrivent avec le printemps sur Vernon. L'auteur a 9 ans et son père
Albert Adrien en a 40 ans. Il est mobilisé à Evreux, où il monte la garde au terrain d'aviation.
Malgré une infirmité à l'oeil droit, sa réputation de fin tireur acquise à la société de tir de
Giverny le place au rang d'instructeur d'un groupe de tireurs d'élite.

" Bien que fin causeur dans la vie, mon père n'est pas homme de long discours. Son caractère
contemplatif ne lui fait tenir que des propos clairs, nets et précis, sans emphase ni emportement."

Son caractère s'exprime dans les nombreuses lettres qu'il envoie à sa famille.

Le lundi 10 juin, la famille Pillon rejoint la famille Lansival, leurs voisins de la Ferme de la Côte.
Tous rassemblent leurs affaires sur une charrette bâchée, avec le cheval "Verdun" dans les
brancards et la jument "Margot" en avant. La maison est abandonnée. C'est l'exode
vers le sud: Chateaudun, d'abord, puis Sellette, dans le Loir-et-Cher.
Assez rapidement, le Maréchal Pétain, nouveau chef de l'Etat ordonne à
tous les réfugiés de regagner leur domicile. Les deux familles rentrent
rapidement à Giverny. La maison a été "visitée", mais rien de grave.
La vie repart, rythmée par les quatre litres de lait quotidiens
des fermes voisines Duboc et Ledanois.

Alors que Vernon est en ruines, Giverny reste un lieu calme. L'usine Singer a réouvert et
Albert Adrien a repris son travail, cette fois-ci avec Germaine, qui a 17 ans.

C'est à Noël, sans père Noël, que la famille réalise combien la vie n'est plus la même.
" A ce moment bien précis, quand nous sommes toute la famille bien au chaud dans la salle à manger
où le poêle MIRUS ronronne sous l’action des bûches qui brûlent à l'intérieur, avec une flamme
vive qu’on voit à travers des petites fenêtres garnies de feuilles de MICA, une fois de plus nous
nous considérons bien gâtés quand beaucoup souffrent déjà douloureusement du manque de tout."

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1941 - PREMIÈRE ANNÉE D'ISOLEMENT

L'hiver est très rude. Monsieur Lansival fabrique des luges rudimentaires pour les jeunes.
Ils descendent depuis le haut du Grand Val. Jean-Marie Toulgouat, avec sa luge
de montagne haute et effilée glisse plus vite que les autres.

"Si l'occupation allemande n'est pas une réalité dans le village, elle est par contre de toutes
les conversations et personne n'est indifférent à la situation. Les troupes sont quand même de plus
en plus visibles avec de fréquents passages de convois dans nos rues... Ils s'arrêtent rarement dans
le village mais sont en permanence à Vernon où déjà des rumeurs d'arrestations sauvages sont
rapportées. D'ailleurs, Monsieur Evans, Anglais et propriétaire de l'hôtel Baudy de Giverny
a un jour été emmené par une patrouille et n'est jamais revenu au pays. Ce n'est que
plus tard que nous apprendrons son décès suite à des tortures et autres
mauvais traitements subis à la Kommandantur"


Les tickets de rationnement limitent la quantité de produits alimentaires par personne, mais ni le
boulanger, ni l'épicier n'appliqueront ces mesures à la famille Pillon, pas plus que les fermes
Duboc et Ledanois pour le lait. Autosuffisants depuis toujours avec leur jardin et les
lapins sauvages au retour de la chasse, la vie ne change pas, sauf que, par
manque de fusil, les lapins sont attrapés au collet!

L'usine Singer ferme et Albert Adrien est embauché chez Bata à Vernon-Saint-Marcel. Peu
motivé par la ligne de production de chaussures, il retrouve rapidement son vrai métier de
jardinier chez les patrons, ce qui lui convient beaucoup mieux que le travail à l'usine.

Au village, une fois l'école terminée, les garçons profitent des beaux jours pour jouer ou,
comme ici, parader joyeusement dans la rue sur deux magnifiques boeufs. On remarquera le
nouveau panneau Giverny ( lettres noires sur fond jaune) installé par les allemands.


A gauche, Albert Pillon, suivi de Raymond Leroux et Jean-Jacques Pillon.
A droite, André Plat, suivi de Fernand Leroux


L'époque des cerises est aussi un de ces moments privilégiés qui réunit les enfants. Les cerises
blanches chez Ledanois, les cerises jaunes et rouges chez Roch, rue du Colombier, les bigarreaux
rouge sang du potager Picard. C'était un des nombreux arbres fruitiers greffés, taillés et
entretenus par Albert Adrien durant les années trente, lorsqu'il y travaillait.

Le couple Picard ne quitte plus Paris, Il y restera pendant toutes les années d'occupation.
C'est Achille Colombe, un maçon retraité qui garde leur propriété en leur absence.
Durant cette période, Monsieur Colombe construit sa maison, "la Huchette",
attenante au jardin potager des Picard, de l'autre côté de la Rue du Milieu.


La "Délégation Spéciale"

"La vie suit son cours tranquille sauf que, surprise, en plein mois d’août,
une "Délégation Spéciale" composée de trois personnes vient d’être mise en place
à Giverny, par qui, et pour quoi faire. .. étrange!
Elle comprend donc :
ALBERT SALEROU : Un colonel retraité de l’armée française, né de mère allemande,
qui arbore fièrement le titre d’Officier de la Légion d’Honneur. Ce monsieur réside
maintenant à Giverny à cause de la guerre. Nous connaissons de vue ses enfants et ses
petits-enfants, autrefois de Paris. Tous les jeunes de cette famille sont à l’école avec
nous. Comme leur maison est à l’autre bout du village, à plus de 1 kilomètre de chez
nous, nous ne les fréquentons pas en dehors de l’école et en fait, nous ne les connaîtrons
jamais vraiment. Ce sont des gens qui nous apparaissent hautains et guindés qui, malgré
leur assiduité à la messe dominicale, ne nous sont guère sympathiques.
JEAN MARGANNE : Ce monsieur habite la ferme de la Réserve, située au milieu du
bois du même nom qui délimite le Fond des Marêtes, ce que nous appelons les Bruyères.
C’est un endroit isolé, totalement en dehors du village et toute personne qui l’ignore ne
saurait jamais dire que quelqu'un réside là. D'ailleurs, l’accès à cette propriété ne se fait
que par le côté nord du bois, en direction de Bois-Jérôme. Nous ne connaissons pas ce
monsieur qu’on ne voit jamais au village. Mon père et beaucoup d’autres, tous
chasseurs, ne l’apprécient guère parce qu’il leur a toujours interdit l’accès à son bois
(qu’on appelle le bois à Marganne) sauf pour y tenir de temps en temps une battue pour
le débarrasser des sangliers qui lui occasionnent beaucoup de dommages quand,
sporadiquement, ils deviennent trop nombreux. Ces battues sont aussi à l’avantage des
cultivateurs du village dont les cultures sont elles aussi bien saccagées. Sans ces
chasseurs, ce monsieur du bois aurait bien du mal à se défaire de ces sangliers voraces,
mais voilà, c’est tout ce que nous savons de lui.
ROGER TOULGOUAT : C’est un citoyen bien tranquille que l’on voit très peu dans le
village. Marié à Lily, la fille du peintre américain Théodore E. Butler, il est selon mon
père, un homme de conversation fort agréable. D'ailleurs sa philosophie qui le garde
proche de la nature l’amènera à expérimenter toutes sortes d’aventures, notamment
l’élevage de chèvres, une race à la robe marron clair dont nous hériterons nous-mêmes
d’un rejeton. C’est cela qui plait à papa et c’est toujours en bien qu’il nous en parle.
A cause de son désintéressement pour la vie du village et surtout de sa politique, tout le
monde, et mes parents en tout premier lieu, étaient surpris de le savoir intégré a un tel
organisme. Le fils, Jean-Marie Toulgouat, bien que plus âgé que moi de quelques
années, deviendra plus tard un très bon et très cher copain."


En cette période troublée, la "Délégation Spéciale" avait pour mission de protéger
tout ce qui touchait à Monet, ce qui se comprenait aisément. (cf B.Cottereau),
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Comme chaque année, le rituel du ramassage des pommes à cidre commence fin octobre. Adolphe Guillemard
est à la manœuvre avec son moulin à écraser les pommes et en extraire le jus. Celui-ci est descendu
à la cave et mis en tonneaux....... jusqu'au 2 février.


Albert Adrien mettant le cidre en bouteilles

C'est en effet la tradition de tirer le cidre le jour de la chandeleur et d'en mettre
une partie en bouteille, l'autre partie étant réservée à la distillation.

L'automne est humide et froid et les cours de catéchisme de Madame Gerbier qui se donnaient à
l'église ont lieu sous les combles chauffés de l'hôtel Baudy que Madame Evans met à disposition.



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1942 - UNE TRISTE ANNÉE

Les conséquences de la guerre se font plus visibles: réquisitions des chevaux, rationnement
des aliments, marché noir, distribution de biscuits vitaminés et de lait dans les écoles pour
compenser les carences alimentaires. Malgré le manque de café, remplacé par de l'orge grillé,
ou la farine, remplacée par le blé écrasé dans le moulin à café, l'autosuffisance à Giverny
était presque totale. Par contre la rareté des chaussures affecte tout le monde. On se débrouille
en bricolant des semelles dans de vieux pneus de voiture ou en façonnant des semelles en bois
fin, avec des fentes rapprochées pour leur donner de la souplesse. Chez les voisins Guillemard,
Adolphe a près de 40 ans. C'est un bricoleur de génie qui donne au jeune Albert, 11 ans, le goût
du bricolage. Cette année-là, Adolphe épouse Renée Boudeville, qui travaillait à la ferme Ledanois.
A peine plus âgée que Germaine, Renée était pour Albert comme une seconde grande soeur.
C'est dire si, une fois installée avec Adolphe en face de la maison, Albert y passait du temps.
Ce n'était pas toujours du goût de Marguerite, car, à la maison aussi, il y avait à faire...

Les allemands, avec une armée éparpillée sur toute l'Europe et en Afrique du Nord réquisitionnent
la production agricole à tout va. Pour les givernois, il y a le jardin, bien sûr, mais aussi la pose
de nasses dans l'Epte, relevées le lendemain remplies à ras bord d'ablettes qui remontent la
rivière pour frayer. Avec un peu de chance, les nasses du Petit Rû permettent aussi d'attraper
des brochets de bonne taille. Mais, le lapin reste la valeur sûre pour se procurer de la viande.

" Les lapins de garenne sont toujours bien présents. En plus de ceux attrapés au collet tendus le soir
par papa et que nous allons chercher le matin, c’est une véritable expédition qui est organisée chaque
dimanche. Avec papa, André Gillot, son copain Tranquille Marinello et bien d’autres du village,
nous partons tous à l’exploration des terriers et nous emmenons le furet que nous élevons avec
grand soin dans une cage sous le hangar. Chacun apporte le sien ainsi que son lot de "poches",
ces filets à coulisse que nous étendons sur chaque trou du réseau de terrier des lapins."





La Défense Civile oblige tous les hommes du village à rejoindre le corps de pompiers. Rassemblement
dans la cour d'école, distribution des uniformes et des casques de pompiers, puis exercice avec la
pompe à incendie au bord du ru. L'auteur, avec quelques jeunes, a suivi ces "manoeuvres", dont
il garde un souvenir amusé tant l'improvisation était grande et le matériel inadéquat...
jusqu'au jour où un feu de cheminée se déclara chez Pillon. Personne n'alla chercher
la pompe à incendie. Malgré les flammes sortant du toit, il a suffi de tirer de l'eau
à la pompe, de mouiller des sacs de jute et de les enfiler dans la cheminée pour
boucher la base de la cheminée afin de stopper toute arrivée d'air.
Et le feu fut éteint!

En octobre, il y a beaucoup de nouveaux à l'école, car les familles possédant un pied-à-terre
à Giverny quittent les grandes villes , question de sécurité et de ravitaillement. Parmi ces
nouveaux, les enfants Piguet, qui vivaient en famille, mais aussi des enfants hébergés par
des familles givernoises, comme chez Potelet, le garde champêtre, les Lansival à la ferme
de la côte et les Duval. En novembre, la petite centrale électrique du moulin de Limetz qui
alimente Limetz, Bennecourt et Giverny ne peut plus fournir. Les vents forts de ce début
d'hiver ont abattu les poteaux de la plaine. Pour s'éclairer, les Pillon se débrouillent.
Mais, sans électricité, pas de radio, donc pas d'informations de Londres. C'est dur!

"Noël et la fin de l’année approchent et lorsque l’instituteur nous demande de faire
un dessin de notre choix, alors que d’habitude un sujet nous est imposé, je pense
immédiatement à papa et décide que ce sera son cadeau de Noël. Tout de suite
je sais ce qui lui fera plaisir et c’est ainsi que ce dessin est né."



"lnutile de décrire sa joie qui était immense dès qu’il a ouvert son cadeau et j’étais
tout fier de lui avoir procuré tant de plaisir. Peu de temps après, maman a mis
ce dessin sous verre et l’a accroché dans la salle à manger où il est resté
pendant pratiquement quarante ans."


Bien plus tard, lors d'une visite au Canada, sa maman a apporté avec
elle ce dessin ainsi que la photo de son grand-père gardant les moutons:
deux témoins du passé qui prenaient une grande place dans la maison de Giverny.
______________________

1943 - LE DÉBUT DE LA FIN POUR L'ALLEMAGNE

Les allemands envahissent la "zone libre" et la résistance se renforce, comme à Bois-Jérôme,
où ALFRED PERRET est très actif. Bata ferme et Albert Pillon retrouve du travail chez Activit,
qui fabrique du caoutchouc à Saint-Marcel. Fumeur invétéré, il supporte mal la poussière
dégagée à l'usine et est muté au service du transport. Albert Pillon sillonnera ainsi
les routes de Haute-Normandie pendant plus d'un an mais rentre souvent très tard.
En homme discret, il ne s'attardera jamais à en donner la raison.

Leur fille, Germaine, se marie cette année là avec André Gillot. Celui-ci est enrôlé
de force dans le S.T.O (service du travail obligatoire). Cette période est
pénible pour Germaine, enceinte, dont la grossesse est difficile.


Michel Saint-Denis, dit Jacques Duchesne,
la voix de "Les français parlent aux français"


Heureusement, les informations de la BBC mettent du baume au coeur: l'armée allemande est
défaite à Leningrad et c'est la déroute en Afrique du Nord. Dans le ciel de France, l'aviation
alliée multiplie les raids tandis que la DCA allemande et ses projecteurs, installés sur le
plateau illuminent les nuits. Bientôt, les bombardements s'intensifieront sur Vernon.

Avec le printemps, la famille Pillon cultive ses parcelles, rue du Milieu, sur la côte et dans
les Ajoux. Pour les légumes, pas de problème, par contre, plus de bon pain, la farine étant
réquisitionnée. Le boulanger de Limetz n'a plus que du maïs pour le faire et le résultat est
médiocre. En plus, il est rationné et il faut aller le chercher à la salle des fêtes,
car le boulanger n'a plus d'essence pour les livraisons.

Plus tard dans l'année, les horaires irréguliers dont Albert Pillon
faisait mystère eurent leur explication, comme le relate son fils....

"Depuis que papa travaille avec le camion de l’ACTIVlT, il rentre rarement tôt le soir à la
maison à cause de ce foutu camion qui tombe souvent en panne, nous dira-t-il, ou bien parce
qu’il lui faut attendre de longues heures pour que le chargement soit finalement complété.

Pour nous les enfants cela s’avère tout à fait logique puisque nous avons sous les yeux ce
camion Guillemard qui est la plupart du temps en panne. Mais pour le reste, c’est le mystère
complet. Personne ne s’inquiète donc outre mesure. Sauf qu’un soir nous surprenons mon père
en train de raconter à maman comment les Allemands avaient fouillé leur cargaison et les
avaient menacés de les tuer sur place lui et le chauffeur s’ils ne disaient pas tout ce
qu’ils avaient vu et fait dans les forêts. Il n’en fallait pas plus pour aiguiser notre
curiosité et à force de ruse et de simulacre, nous avons écouté bien d’autres conversations
fort explicites qui nous ont révélés tous les à côtés de l’emploi du temps de notre père.

Bien sûr il y avait le transport du charbon de bois, mais ce charbon de bois était fait
dans les forêts, majoritairement par des jeunes gens qui fuyaient le S.T.O. et aussi par
les maquisards qui étaient fort recherchés à cause des actes de sabotage qu’ils perpétraient
un peu partout au détriment de l’armée allemande. Tous ces gens devaient vivre dans la
clandestinité pour continuer leur action et c’est dans les bois qu’ils pouvaient le mieux
échapper aux Allemands. Nourrir tous ces gars était une entreprise colossale et les
transporter en secret d’un secteur à l’autre n’était pas choses faciles et ce camion
comme beaucoup d’autres prenait une part active dans ce trafic. Les Allemands n’étaient
pas dupes et ils opéraient des fouilles systématiques de tous les camions et leur procédure
était de glisser leur fusil muni de baïonnette entre les rangées de sacs, avec les conséquences
qu’on imagine s’il leur arrivait de toucher quelqu’un. Mon père et son compagnon
ont à plusieurs reprises vécu des moments dramatiques quand des résistants étaient
effectivement cachés sous le chargement sans que la fouille allemande ne les trouve.
C’est le plus souvent la nuit que ces transports clandestins s’effectuaient, en
pensant que les chances de passer outre aux barrages étaient les plus grandes.

Ainsi, papa passera un peu plus d’un an à aider à sa mesure cette force de l’ombre
dont on ne connaîtra vraiment les effets bénéfiques que beaucoup plus tard."


Les vacances de 1943

Les vacances arrivent et cet été 1943 sera chaud. L'activité des jeunes du village
est centrée autour de la plage de sable fin sur la Seine, entre la sortie de l'Epte et
l'embouchure du bras de Seine. La présence de BEPPINO MARINELLO et de ses copains
est l'occasion d'apprendre à plonger et de s'exercer à la nage pour ensuite, traverser
la Seine! Le défi se réalisa, en prenant bien soin de repartir 3km plus en amont, afin
de compenser la dérive due au courant. Les enfants du village s'occupent comme
ils peuvent. Le moulin des Chennevières n'est plus habité depuis longtemps par son
propriétaire, le peintre Stanton Young. C'est l'occasion de pousser la porte d'une
dépendance à l'entrée, qui n'était pas fermée à clef, et de jouer aux explorateurs.
Au milieu du bric-à-brac, le jeune Albert découvre des cannes de golf. Il se fait
d'abord gronder par son père, qui lui explique ensuite qu'il avait vu un jour le
peintre taper des petites balles blanches, et que ce sport s'appelait le golf.
50 ans plus tard, ayant émigré au Canada, le jeune Albert découvrit avec
joie ce sport lié par hasard à un bon souvenir de jeunesse avec ses copains.

Le 27 août naît Claude Gillot, fils de Germaine et André Gillot. Les jours précédant
l'accouchement ont été très durs, et le transport à l'hôpital de Vernon, épique.
Pas de véhicule, bien sûr, pas de cheval non plus, mais la charrette de PAUL PONT,
lui-même harnaché dans les brancards, et Albert Pillon poussant derrière.
Il n'y a plus de pont sur la Seine et la suite se passe en barque.

Cette deuxième moitié de l'année voit de nouveaux avions voler dans le ciel:
DC3, Spitfire, Mosquito et les "forteresses volantes" en altitude. Stukas et
Messerschmitts se font plus rares. Ces changements dans le ciel montrent
un rééquilibrage des forces engagées et un tournant dans le conflit. L'ennemi
est aux abois. La propagande entretenue par le Gouvernement de Vichy, qui
est à la botte de l'Allemagne, sème la confusion et crée un climat détestable.


Affiche collée partout sur les murs

Le rationnement est sévère et les produits sont de mauvaise qualité. Heureusement,
les fermes Duboc et Ledanois, voisines des Pillon, fournissent le lait et les oeufs.



Le jeune Albert (12 ans) est "engagé" par Monsieur Duboc pour faucher dans les blés
un passage pour les chevaux qui tirent la moissonneuse-lieuse, ce qu'il entreprend
avec la fille de la maison, Nelly. Un travail de "grand", pas peu fier de la confiance
que lui faisait le père Duboc pour accomplir cette rude tâche.

"Avec l'été qui se termine, la moisson est finie et les céréales sont maintenant
engrangées dans les fermes. Le temps de battre le grain commence et c'est la
grande effervescence chez les GUILLEMARD. Un matin de bonne heure on entend
la locomobile qui se met en route tirant derrière elle la grande batteuse toute
repeinte d'un rouge rutilant, ainsi que la presse à paille. Le convoi est mené par
ROLAND AUVRAY, un solide gaillard de presque 2 mètres et "fort en gueule"


Voir, à ce sujet, la page sur le battage du blé

A la rentrée, le jeune Albert entre dans sa dernière classe de primaire, avec, en vue,
le Certificat d'Etudes. Sa voisine de pupitre est YVETTE LEDANOIS, sa copine de
la ferme où il va maintenant chercher le lait. Un jour, un agneau rejeté par sa mère
est adopté et nourri au biberon par la famille Pillon. Après tout, ils avaient déjà
des poules, des lapins, une chèvre et deux chiens!

Pendant ce temps, Albert (père) continue à "chasser", sa passion, mais aussi par nécessité.
Parfois il part la nuit "récolter" des pommes de terre, mais les champs sont contrôlés et il
faut fouiller les buttes sans attirer l'attention. Il extrait les tubercules, sans arracher les
tiges qui émergent du sol, et ramène une cinquantaine de kilos à chaque expédition.
Heureusement, jamais de patrouille, mais une tâche dangereuse dans le noir.
Une nuit il faillit avoir les jambes sectionnées par la chaine d’un taureau
furieux qui tournait en rond dans le noir autour du pieu qui le retenait.
_____________________

1944 - LE DÉBARQUEMENT... LA LIBÉRATION

Albert Adrien travaille toujours pour Activit et son camion est mitraillé plusieurs fois
par l'aviation alliée qui se montre de plus en plus présente. Malgré les supplications de sa famille
pour arrêter ce travail, il avait, comme on l'a vu plus haut, de bonnes raisons pour continuer.
Suite à la destruction de ponts sur la Seine, les péniches sont à l'arrêt. Une dizaine de
familles de mariniers arrivent à Giverny pour y être logées dans les quelques
maisons inoccupées depuis le début de la guerre. En février, un imposant
convoi allemand traverse le village et passe la nuit chez l'habitant.

Une période difficile pour la maison Picard.

Durant la guerre, Armand Picard résidait à Paris. Sa belle propriété, où les Pillon avaient travaillé
de nombreuses et belles années resta inhabitée, seulement entretenue par Monsieur Colombe.

"C'était là le début d'un va-et-vient de militaires allemands qui s'installaient maintenant dans
toute la région. Debut mars on apprend que ROMMEL a établi son état-major au château de
la ROCHE-GUYON et que ses fréquentes visites à tous les chantiers du Mur de l'Atlantique le
font souvent passer devant chez nous. A ce moment aussi, un grand contingent de l'armée TODT
s'installe chez Picard, rue du Milieu. Beaucoup des pommiers et autres arbres fruitiers que papa
avait plantés voila bien des années sur le grand terrain entre la maison et la rue de la Dîme sont
coupés et les cabanes et les cages à poules de la Mère Picard sont abattues et démolies pour
faire place à plusieurs rangées de longs baraquements en bois où tous ces travailleurs vont loger.
C'est un groupe fort hétéroclite d'Allemands âgés ou avec un handicap qui ne pouvaient servir
dans l'armée régulière. II y a aussi des prisonniers politiques de diverses nationalités, tous vêtus
d'une salopette blanche et portant pour la plupart de vulgaires sabots. Ils travaillent à la carrière
de Vernonnet où Rommel fait exécuter d'importants travaux de défense. Puis, un moment plus tard,
un groupe d'Allemands portant des uniformes marron clair, contrairement à l'armée dont les uniformes
sont vert de gris, prend possession de la maison d'en face. II y a là plusieurs officiers sous les ordres
d'un jeune haut gradé qui demontre une arrogance sans pareil. II est le seul à toujours être accompagné
par une jeune femme, fort jolie ma foi, et d'un chien berger allemand dont la férocité est à l'égal de la
brutalité de son maître. Quelques vieux Allemands, eux aussi en salopette blanche, résident dans
la petite maison annexe où ma soeur a habité à peine un an plus tôt, et les garages et autres
dépendances sont transformés en atelier. A partir de ce moment nous ne mettrons plus
les pieds dans cette propriété et éviterons même d'y jeter le moindre coup d'oeil."


Cette même année, les hommes du village sont réquisitionnés pour abattre les peupliers du marais.
Des sections de 2 à 3 mètres de long sont fichés en terre dans la Plaine et les Ajoux. Ce que l'on
appela les "Asperges de Rommel" avaient pour but de rendre les plaines impropres à l'atterrissage
de planeurs. Cela n'a servi à rien. Par contre de nombreux peupliers reprirent racine !

Albert "Adrien" quitte son travail, qui était devenu dangereux et, à la joie de sa famille, peut enfin
leur consacrer plus de temps, ainsi qu'au jardin des Ajoux où il plante à tout va aidé par ses deux fils.
Ils assistent, peu rassurés, à des combats de chasseurs, en rase-mottes, qui se poursuivent en se
mitraillant. Les bombardiers aussi s'activent. Le pont de Bonnières disparaîtra le 30 mai.
Vernon n'est pas épargné. Le vendredi 26 mai...

BOMBES SUR VERNON


Collection privée

".....est une belle journée ensoleillée avec un magnifique ciel bleu où des vagues de bombardiers américains
qui scintillent très haut dans le ciel ne cessent de défiler vers Paris. Rendu en milieu d'après-midi, maman
mentionne qu'il serait judicieux d'aller chercher de la viande chez le boucher Boudet qui est maintenant installé
dans un hangar rue du Dr Chanoine à Vernonnet. C'est parfait parce que nous n'avons plus besoin d'aller à Vernon
et surtout à traverser la Seine sur le pont routier que les Allemands gardent avec grande attention. Au lieu de laisser
partir maman, je me propose de le faire parce qu'à 13 ans je suis assez grand pour faire une telle course, ce qui ne
me prendra qu'une bonne heure tout au plus. Après quelques hésitations, mes parents me laissent aller et je pars à
la course en emmenant la chienne avec moi. II est peut-etre 5 heures de l'après-midi et je passe Manitot allègrement.
Puis c'est la carrière qui était toute blanche auparavant, mais que les Allemands ont recouvert de filets verts, avec des
arbustes pour tenir le tout afin de dissimuler le chantier où travaillent les ouvriers de l'organisation TODT. C'est en arrivant
proche des premières maisons de Vernonnet que j'entends un bruit sourd d'avions venant de Rouen, puis c'est le tir nourri
de la FLAK allemande qui se dechaîne dans un vacarme indescriptible. Alors, c'est un bruit infernal qui commence avec
l'explosion des premières bombes. A ce moment je me lance dans le fossé ou je me blottis en serrant la chienne bien fort
dans mes bras. Ca n'est pas le tonnerre qui nous tombe dessus, c'est pire. Le bruit des bombes qui explosent en cascade
est absolument indescriptible, un bruit auquel se mêle celui des canons de la DCA et de la sirène qui hurle au-dessus de
Vernon. C'est une situation qui tient de l'inimaginable quand, soudain, il est deux explosions horribles qui se produisent à
peut-être 300 mètres de moi ce qui me soulève litteralement de terre et en retombant, je sens le sol qui vibre encore.
Puis... plus rien... sauf le ronronnement des avions qui s'éloignent dans le lointain. L'atmosphère est lourde, irrespirable,
et l'air opaque. II flotte un mélange de fumée et de poussière qui sent bien sûr l'explosif, mais aussi toutes sortes
d'odeurs indéfinissables. Le silence est surprenant, et je sors de mon trou, et je continue ma route. Quand je
passe le portail du boucher, il n'est personne dans le hangar. Le Père Boudet arrive avec son grand tablier
de boucher à petits carreaux bleus et blancs sur lui et c'est alors qu'il me dit: «Mais qu'est-ce que tu
fais là, toi?» Je l'entends à peine et à ce moment je fonds en larmes et commence a trembler de
tout mon corps. La sensation est indéfinissable et le boucher me tient alors bien fort par les
deux bras jusqu'à ce que je reprenne mes sens. A partir de ce moment je ne me souviens
plus de rien sauf que je me suis retrouvé à la maison avec un sac plein de viande.
"

Ce jour-là, 144 bombes de une tonne chacune furent larguées sur Vernon.
Deux de ces bombes ont démoli le pont routier et 44 personnes furent tuées.
Ce n'est que 60 ans plus tard qu'Albert, en écrivant ce livre de souvenirs
a pu exorciser ce souvenir d'enfant de 13 ans et en parler sereinement.
__________________

JUIN 1944, LE DÉBARQUEMENT

Bien que brouillés, les messages personnels de la BBC étaient le signe que quelque chose se préparait.
La famille habitait alors en face du hameau et assista à un branle-bas de camions qui ressemblait plus
à une fuite qu'à un simple départ. Les ordres fusaient de partout, et c'est dans l'énervement général
que l'organisation TODT quitta la propriété. Albert se contenta, une fois les lieux vides, de fermer les portails.

LA TRAGEDIE DES AJOUX

Dans la nuit du 7 au 8 juin, un bombardier anglais s'écrasait en flammes dans la plaine des Ajoux
à moins de 100 mètres du jardin de la famille. Les hommes du village ramassèrent les corps
mutilés à l'aube et les portèrent au cimetière. Les 7 malheureux aviateurs y reposent ensemble..


stèle de la tombe des aviateurs anglais au cimetière de Giverny

Voir aussi la page Les Ajoux et la Prairie où ce drame et
la mise à jour en 2004 de bombes enfouies sont décrits en détail.

LA LIBERATION DE GIVERNY

Le 25 Aoüt, les combats autour du village s'intensifient sous des tirs d'obus qui partent de tous
côtés. Les premiers anglais sont à peine dans le village que déjà des jeunes se rendent avec ardeur
à l'église pour sonner les cloches à pleine volée. A la fin du 2ème jour, TRANQUILLE MARINELLO
et PIERRE DAVENTURE hissent le drapeau français au mât de la mairie alors que l'est du village
essuie encore une pluie d'obus. Il a fallu 3 jours de rudes combats pour chasser les allemands,
ce qui laisse de vilaines traces dans le village et l'heure est maintenant à la réparation des dégâts.
Le bétail laissé dans les prés est en grande partie décimé et les hommes du village enterrent les
cadavres dans une fosse creusée par un bulldozer de l'armée anglaise.

Giverny est enfin libéré et, bien que la guerre se poursuive ailleurs, ......

......"le régiment de soldats anglais qui n'avait pas cessé de combattre depuis le débarquement du 6 juin
va s'accorder un repos bien mérité de deux semaines. Les soldats sont logés dans les maisons et les bâtiments
que les Givernois mettent immédiatement à leur disposition. Un large groupe va s'installer dans la maison en face
alors qu'un autre occupe la maison de la ferme de la Côte voisine de chez nous. La cantine mobile est installée
sous le hangar adjacent, et celui qui la dirige n'est autre qu'un cuisinier d'un grand hôtel de Londres. Mon frère
et moi allons passer tout notre temps avec cette bande de jeunes et joyeux lurons et aussi partager tous leurs repas.
Nous allons ainsi goûter à la cuisine anglaise et pour la première fois manger de ce pain d'épice parfumé aux clous de
girofle, ainsi que déguster leur délicieux plum-pudding avec de belles prunes bleues, le tout arrosé d'une onctueuse
crème anglaise. Et grâce suprême, nous boirons de ce thé qui est à la disposition du matin au soir.
Avec eux aussi je vais fumer mes premières cigarettes, ces fameuses Players'Navy Cutt
entassées dans de grandes boîtes métalliques rondes de 50 cigarettes."
...




Le pont de Vernon, détruit le 26 mai, a été reconstruit, ce qui permet aux convois d'acheminer hommes et matériel.
Sur cette photo du 1er Septembre 1944, on voit le Maréchal Montgomery traverser la Seine sur un pont Goliath.
Au fond, on devine la Collégiale et le bas de la rue d'Albuféra.


© Imperial War Museum, Londres

Mi-septembre les anglais quittent le village



Les combats qui eurent lieu à Giverny sont relatés dans le bel ouvrage de Benoît Cottereau.



Une vie de famille "normale" remplace enfin le chaos et petit à petit tout se réorganise. Albert et son
frère, Jean-Jacques, sont scolarisés à César Lemaître, à Vernon. Il n'y a ni car, ni train, ni bicyclette,
c'est donc à pied qu'ils font tous les jours les 6 km qui les séparent de l'école. Le pont de Vernon étant détruit,
la traversée de la Seine se fait en empruntant le pont Bailey sur bateaux, que les anglais ont construit.

Les inondations de l'hiver ont raison du pont qui est démonté. On emprunte une passerelle en bois qui avait
été construite sur les restes du pont routier démoli avant la libération, mais celle-ci ne résiste pas aux hautes
eaux et devient dangereuse. Ce sera en péniche que se fera la traversée en attendant un nouveau pont provisoire.

1945 - LIBRES.....

...mais, cependant, l'après-guerre, sur fond de résistance allemande au nord-est du pays, n'est pas bien belle:
marché noir, chasse aux collaborateurs, exécutions sommaires, trafics en tous genres avec les "surplus de guerre"
laissés par les alliés. De nouveaux billets de banque sont mis en circulation par les américains, prélude à une
mainmise administrative programmée, le plan AMGOT. Ces billets, imprimés aux Etats Unis, rappelaient les
dollars américains dont ils avaient la dimension et les coloris. De Gaulle, qui se méfiait du Plan AMGOT,
appelait ces billets de la "fausse monnaie". On dit aussi que l'absence de la mention officielle de
"République Française" remplacée laconiquement par "France" l'avait profondément agaçé.


Anecdote et photos des billets (1944), musée de la Base Aérienne 105 d'Evreux

En ces temps de transition, c'était toujours un problème pour aller à l'école à Vernon, où il fallait se rendre à pied,
surtout avec un hiver froid et pluvieux. La route goudronnée est inondée et il faut marcher le long de la voie
de chemin de fer. Albert a l'idée de rassembler ce qui reste de vélos dépareillés dans le village et, grâce à
Adolphe Guillemard (Dodolphe), la question des pneus -introuvables- est vite résolue... de vieux pneus
de camion, dans lesquels on coupe deux bandes réunies en force par un fil de fer... et voilà!




L'usine SINGER a repris ses activités. Albert Adrien reprend son poste à l'ébarbage des pièces de fonderie.
Le budget familial est plus confortable, mais on doit tout de même se débrouiller, ne fût-ce que pour
les vêtements, tricotés et cousus. Les chemises sont fabriquées dans de la toile de parachute.

L'ALLEMAGNE CAPITULE le LUNDI 7 MAI 1945

C'est évidemment un soulagement, mais il en faudra du temps pour réparer,
reconstruire et réorganiser le pays. Dans l'immédiat, c'est la joie et ...

"Tout le monde du quartier s'est réuni le soir devant l'épicerie pour danser au son de
l'accordéon de Jean-Marie Toulgouat et de Pierre Davanture à la batterie."


Vivent les vacances!

A tous points de vue, ces vacances seront spéciales. Avec la liberté retrouvée, à 14 ans, les vacances d'Albert et de
ses copains de Giverny seront forcément une grande bouffée d'oxygène... mais pas toujours avec prudence.


"Avec le beau temps revenu, nous reprenons nos courses folles dans les collines mais là les traces de la guerre
sont encore bien réelles. II est des armes et des munitions qui trainent partout: mitraillettes avec des caisses entières
de chargeurs pleins de balles, des fusils, des grenades, des mortiers avec leurs obus fusée, et plus dangereux encore,
des obus de canon et de mortier non éclatés qui pullulent dans les champs et les coteaux."




Les jeunes ont tout essayé: extraire de la poudre et fabriquer des fusées dans une section de bambou de 1m,
tirer au fusil de guerre, etc... Outre les accidents par maladresse, il y eut des accidents suite au passage
de charrues dans les champs. Très vite, les armes et les munitions furent ramassées. Pendant ces
vacances, Albert découvrira Paris, La Tour Eiffel et le Zoo de Vincennes pour la première fois
à l'occasion d'une semaine chez son copain ANDRE PLAT dont les parents avaient quitté
Giverny pour Maisons-Alfort. C'est là que la famille Plat accueillit de nombreux jeunes
givernois. Albert, un habitué des lieux, se souvient de leur extrême gentillesse.

L'école a repris, avec des vélos chaussés de vrais pneus! Les garçons sont en 5ème.
Comme il est question de réquisitionner les maisons vides, la famille Pillon revient
vivre dans la MAISON PICARD. Les baraquements en bois construits pour abriter
les ouvriers de l'organisation TODT, puis, occupés par les anglais pour y loger les
soldats allemands faits prisonniers, ont disparu. On ne sait qui les a démontés...

Les Picard reviennent chaque week-end. Ils ont fait remplacer toutes les vitres cassées par les
bombardements et fait refaire la toiture. Mais il y a beaucoup de travail pour retrouver un beau jardin.

"Nous allons habiter là pendant un peu plus d'un an et demi, et chacun va s'occuper à remettre en état cette
propriété qui a beaucoup souffert des occupations, d'abord par les Allemands, puis par les Anglais. Mon frère
et moi avons entrepris de dégager les allées en gravier du parc où la mauvaise herbe a proliféré pendant cinq
ans au point de tout faire disparaitre. A coups de pioche et de pelle, nous enlevons à peu près 15 centimètres
d'épais de végétation que nous transportons après dans une brouette. C'est un travail ardu et pénible que nous
faisons avec entrain, fiers de redécouvrir les beaux graviers blancs. Pour cela, le Père Picard nous remet chaque
dimanche un maigre 100 francs de l'époque, ce qui est bien peu, mais ajouté au peu que les parents reçoivent
aussi et à la paie hebdomadaire de papa, tout cela permet à maman de joindre plus facilement les deux bouts."


1946

Les Pillon quittent la maison Picard à la fin de l'année et réintègrent leur maison du Pressoir.
Les années se suivent, entre école et sorties avec les copains. Quelques uns d'entre eux se
retrouvent photographiés ci-dessous lors d'une sortie en autocar jusqu'à Trouville-Deauville.


Jean-Pierre Colleville, Alain Clément, Albert Pillon,
Jean-Jacques Pillon, Jacques Maillard, René Sommier


1948

Avec le brevet en poche, Albert s'inscrit au cours d'entrée à la SNCF. A la sortie, il est affecté à la gare de Gaillon,
puis à celle de Vernon. Pendant ce temps son frère Jean-Jacques devient apprenti dessinateur chez SAUVAL à Vernon,
mais passe aussi les concours de la SNCF et rejoint son frère. Pourtant, cet avenir qu'on leur avait fait miroiter à
l'entrée à la SNCF s'avère .... "de jour en jour la plus grande supercherie dont beaucoup de jeunes
comme nous sont les victimes. Nous sommes des bêtes à tout faire et personne ne nous
considère autrement que pour boucher les trous et faire le travail, sans plus."

_______________________________

1950 - LE SERVICE MILITAIRE

En 1950, Albert est envoyé pour 18 mois de service militaire dans les Forces Françaises en Allemagne.
Il y retrouve un autre givernois de ses amis, BEPPINO MARINELLO, de deux ans son ainé. On les
retrouve sur les deux photos qui suivent.




_______________________________

AU REVOIR GIVERNY

C'est là que s'arrête sa vie de jeune givernois puisqu'une fois démobilisé, Albert
sera muté d'une place à l'autre et ne reviendra à Giverny que pour voir ses parents.

En 1956, à 25 ans, il quitte définitivement la France et commence une nouvelle vie au Canada
avec la chance de pouvoir revenir plus tard à Giverny pour y faire de veritables pélerinages.
Ses visites régulières pour y retrouver des amis d'enfance et revoir le village, montrent
que Giverny est et restera pour toujours profondément ancré dans son coeur.
A suivre, sur la page ...73 ans plus tard



Drapeaux du mémorial Franco-Canadien à Courseulles-sur-Mer (Calvados)

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Patrick Pillon 07-Apr-2023 16:38
Bonjour
C'est presque incroyable de trouver ces témoignages sur Internet, dont des photos que je n'avais jamais vues : mon grand père, ma grand mère, mon père, mon oncle, ma tante...
La maison de Giverny, je m'en souviens très bien pour y avoir vécu 6 mois en 1970, et un an en 1982. A l'époque, la maison d'en face était juste l'ancienne maison de Claude Monet, fermée avec ses jardins à l'abandon. J'y suis retourné il y a quelques années et n'ai pas reconnu le Giverny que j'avais connu, remplacé par une sorte de centre touristique pour américains. C'est peut-être bien pour le village, mais ne m'a pas donné l'envie d'y retourner. Tant pis.
Cordialement
Patrick Pillon
Katherine SAlant 09-May-2020 22:05
This is VERY interesting but my French is not good enough to read it! Does it exist in an English translation?
Guest 19-Oct-2015 10:23
Bonjour, très intéressant témoignage,que j'ai trouvé en essayant de faire la généalogie descendante de Claude Monet, pour " fixer " les souvenirs de ma mère, à qui je vais faire lire votre texte, car elle aussi a passé sa jeunesse à Giverny. Jointe par téléphone, elle se souvient bien d'Albert Pillon ( Denise LE BIHAN, née en 1933, de la famille Porcher-Le Bihan ). Louis Hirel, voisin et second mari de ma grand-mère, était aussi dans la résistance locale, mais, hélas, je n'ai pas eu l'idée de l'intérroger sur ses souvenirs. agnes28250@hotmail.fr
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