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Jean M. Ollivier | all galleries >> Scraps et souvenirs >> Secret pin's >> Dans le secret des Ollivier >> Compilé des meilleurs écrits et récits >> 12_montagne > Au sommet de l'Ossau (Récit de l'ascension et du bivouac)
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14 juillet 1964 jmo

Au sommet de l'Ossau (Récit de l'ascension et du bivouac)

Ossau - Pyrenees

Récit de l'ascension

Un « grand » projet est dans l’air, fomenté depuis les collines dominant le Foufouland au SW du chalet : de cet endroit, l’Ossau magnifique et provoquant s’offre en entier. Et si, au lieu d’aller bêtement à Pau sur la place de Verdun assister au traditionnel feu d’artifice du 14 Juillet, nous allions le faire au sommet de l’Ossau ? Il y aurait au moins un public assuré, celui du Foufouland, en tout cas ceux qui seront présents, car plusieurs membres de cette communauté sont partants pour participer à l’entreprise sur le sommet de la belle montagne. Chiche !
Il faut donc s’y préparer. Nourriture et boissons pour deux jours, matériel de bivouac conséquent (même en été il fait froid à plus de 2800 m). A quoi il faut rajouter évidemment toute la pyrotechnie (fusées, feux de bengale, pièces tournantes etc.) et de quoi se tenir au chaud, certains préconisant des fagots de petit bois pour entretenir un feu au sommet toute la nuit. Rien que ça !
Nous sommes tout un groupe à être enthousiasmé par l’entreprise, et tout le monde s’y prépare minutieusement, ce qui occupe largement la journée précédant l'ascension.


Mardi et Mercredi 14 et 15 Juillet 1964 – Feu d’artifice et bivouac sur l’Ossau.

Mardi lever 4h30. Tout le monde gagne Aneu qui en voiture, qui en moto. Pour ma part j’y monte en moto, la 500cc RGST, avec Chantal et deux gros sacs. Il fait beau et frais, la route va bon train. Peu avant d’arriver à Gabas, dans un virage pris à vive allure, la route prend tout d’un coup une allure bizarre, d’un blanc moutonneux ondulant. ?!! Ciel mais c’est bien sûr, Une transhumance en plein mois de juillet, c’est plutôt rare. La moto stoppe in extremis au milieu des moutons, sans dommage ni pour eux ni pour nous. Le berger n’a pas l’air étonné.
A Aneu, au parking du Brousset (aujourd’hui interdit) tout le monde se regroupe et les charges sont réparties à peu près équitablement. Puis la caravane s’ébranle, les participants ployant sous leurs sacs arborant sur le rabat de gros fagots, un accordéon, des pétards et des fusées pour les objets les plus remarquables. Stupeur des touriste qui nous voient passer…
Montée lente à petits pas jusqu’au col de Pombie, première pause. Je rencontre Sylvain Sarthou, grand pyrénéiste, accompagné d’une fille que je ne connais pas. Du col jusqu’au lac de Pombie le sentier descend légèrement, ce qui plaît à tout le monde. Nous choisissons de nous restaurer au bord du lac et de nous détendre un peu avant d’attaquer le plat de résistance qui nous domine maintenant de 800 mètres. Nous repartons aux environs de midi. Serons-nous dignes ? Car d’ici l’Ossau n’est plus cette montagne iconique aperçue depuis le Foufouland. C’est un colosse défendu par des parois immenses et redoutables, hérissé de pointes et d’aiguilles. Certains, parmi ceux qui ne sont jamais venus si près de cette montagne, pensent que l’aventure s’arrête ici, tellement la suite leur paraît improbable, sans solution apparente
Seul un itinéraire permet de se faufiler dans ce dédale d’obstacles qui ont l'air insurmontables et de pièges mortels, la voie dite normale, elle-même escarpée d’ailleurs. Elle a eu son lot de victimes, à tel point qu’un préfet des Basses-Pyrénées de l’époque fit poser des « crampons » dans les passages d’escalade les plus exposés. Des abrutis, intégristes d’un pyrénéisme dit pur, les ont enlevés. Il faudrait les replacer. Me revient aussi en mémoire l’accident mortel de mon ami Paul Nougué dans cette voie normale il y a deux ans.
La prochaine pause a lieu au col de Suzon, juste avant les fameuses « cheminées » (qui n’en sont pas) de la voie normale. Les plus timorés peuvent encore renoncer devant l’ampleur du problème qui se révèle maintenant dans sa rude réalité. D’autres, déjà fatigués, déposent, en pleurs, leur chargement de fagots. Mais tout le monde y va. Courage ! Les cheminées ne font peur à personne, finalement. Chantal, opérée récemment de son annulaire gauche suite à un grave accident, et portant attelle et pansement, se débrouille remarquablement bien. En montant nous croisons les visiteurs du jour, très interloquée de nous voir ainsi équipés. Les fagots suscitent rires et commentaires ! Nous faisons la connaissance de Jean-Paul et Charles Bourdeau, deux frères que nous retrouverons bientôt sur nos rochers d’Arudy et avec lesquels nous entretiendrons des relations durant des décennies.
Et après une patiente et longue montée sur le Rein de Pombie l’équipe au complet se retrouve au sommet. C’est déjà une belle victoire. Chacun s’organise ensuite pour aménager son petit coin pour la nuit, si possible à l’abri du vent. Pour le moment le temps est doux, il fait encore soleil et rien ne laisse présager la rudesse de la nuit à venir.
Le repas du soir est organisé autour d’un brillant feu de bois qui suscite la gaité et les rires. La nuit venue il est temps de tester nos munitions. Les Foufoulandais sont certainement à poste là-bas dans la plaine pour assister au spectacle. Au milieu des rires et des hurlements nous allumons force feux de bengale, lançons des fusées multicolores, faisons péter des bombes type mortier.
Tout cela est bien bon mais les effets sont dérisoires. La scène du théâtre est bien trop immense pour être éclairée par nos minuscules fusées et sonorisée par nos pétards à deux balles. Nous sommes déçus. Mais que dire du public qui attend tout là-bas, très loin, la langue pendante, les fulgurances d’un feu d’artifice de légende. Les plus sympas nous diront qu’il leur avait semblé apercevoir une lueur fugace au sommet de l’Ossau, à moment donné, .c’est tout. Idiotie ! Nous aurions du penser que l’on n’assiste pas à un feu d’artifice, si grand et si beau soit-il, à 50 km de distance. Alors, le nôtre ! Plutôt en rire. La prochaine fois on verra ce qu’on verra !
La bonne ambiance compense largement la déception technologique. Nous sommes heureux d’être ici, d’avoir la montagne pour nous le temps d’une nuit. Ces circonstances extraordinaires pour la plupart d’entre nous ont la vertu de nous transporter dans un monde qui ressemble à nos rêves.
Les rigueurs de la nuit nous ramènent aux dures réalités de la montagne. D’aucuns ont eu froid, d’autres se sont plaints de la dureté du sol et des cailloux et tous se réveillent avec la légère gueule de bois de ceux qui ont mal dormi. Mais tous sont de bonne humeur. Le lever du soleil a été splendide, des braises chaudes du feu d’hier soir sont suffisantes pour chauffer le petit déjeuner. Je fais enrager un ingénieur chimiste [sans doute le beau-frère de Gérard Blaise] en lui montrant, avec la plus mauvaise foi qui soit, que l’eau peut co-exister dans ses trois états simultanément en plongeant de la neige dans de l’eau en ébullition. A moitié endormi l’homme de l’art proteste mollement.
Bien calés après un petit déjeuner copieux et prêts à affronter la descente nous sommes repérés par un chasseur à réaction de type Mirage qui ne trouve rien de mieux, sans doute voulait-il participer lui aussi à la fête, de nous aligner après être descendu à l’altitude du sommet et de simuler une attaque en nous fonçant dessus dans l’effrayant rugissement de ses tuyères. Il est passé tellement bas que nous nous sommes couchés par terre. Petit coquinou, va ! Les plaisanteries les plus courtes étant les meilleures il n’a pas récidivé et a disparu dans le lointain. Très impressionnants ces engins.
La descente s’est faite très lentement avec toute la prudence nécessaire.
Le temps s’annonce orageux aujourd’hui. Quelques nuages suspects et des grondements lointains nous le confirment. Nous souhaitons bonne chance à ceux qui montent vers le sommet et qui sont étonnés de nous voir rentrer si tôt, pensant que y étions montés le matin-même.
Bref arrêt au refuge de Pombie, puis, à Aneu, François et Schmull rentrent au Foufouland en 2 CV. Chantal et moi les suivons sur la moto. Il fait une chaleur torride dans la plaine. Un bon thé foufoulandais nous requinque agréablement.


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