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16-Jun-2025

Année 1948 Cancéru Vignemale St Maur

Année 1948

Juillet - Août 1948 – Finis les camps volants, vive le
gîte en dur à Canceru
Robert, Maïté, Jean-Marie (6 ans 10 mois), Christine
(5 ans et 5 mois), Pierre (1,5 an), Hélène (4,5 mois).
Visites de Mamie (63 ans) et Loulou (23 ans)
Famille Laplagne, Josette, son frère, sa sœur aînée
Paulette.
Ascensions réalisées en cette année 1948 :
Col de Riou
Campbasque
Viscos

Aout 1948 – Monné de Cauterets
Robert, Chatou

Jeudi et Vendredi 26 et 27 Août 1948 – Vignemale
Robert, Chatou

Octobre 1948 – Seconde rentrée des classes à Saint Maur
en 10ème (CE1). J’y retrouve Hervé Il a eu la politesse
de « m’attendre ». En réalité il redouble. Comment ? Cet
expert en écriture cursive n’a pas passé le cap ? Cette
classe doit être vraiment difficile.

Etre à l’heure ou mourir.. de honte

Cette année je refuse catégoriquement de traîner cette soeur
rétive qui n’arrêtait pas de me mettre en retard. Car, si
j’étais moi-même vexé de ne pas être ponctuel, il fallait de
surcroît que ces bonnes « Dames de St Maur » bornées m’infligent
des châtiments cruels sans chercher à voir et à comprendre
que j’étais enchaîné tous les matins et tous les après-midis à
un boulet fatal qui m’empêchait d’avancer. J’avais déjà le sens
des responsabilités car je n’ai jamais abandonné en route cette
soeur qu’on m’avait confiée et qui freinait des quatre fers tout
le long du parcours. Deux fois par jour, oui deux fois par jour !
Le repas de midi se prenait à la maison, quelle idée ! Et la course
reprenait pour être avant 14 heures dans la cour de l’école.
Inconscients ces parents. La distance tout d’abord. Elle peut paraître
dérisoire à un adulte ou pour des enfants qui ont parcouru de
longues distances à pied en montagne style Marcadau ou Vignemale.
Ici à Pau c’est plat, donc effort nul selon les parents. Les parents ?
Notre mère était-elle vraiment d’accord pour cette solution
économique mais non dépourvue de dangers. Sans doute un diktat
du père, comme d’habitude. Comme c’est mignon deux enfants de 5 et
juste 7 ans qui se rendent à l’école en se tenant par la main.
Image d’Epinal qui cache une réalité bien plus dure.
Mais pour bien comprendre il faut rétablir le contexte de l’époque
Traverser la route de Bordeaux (Avenue Jean-Mermoz aujourd’hui)
sur laquelle les voitures prenaient de la vitesse - car on était
en sortie de ville - présentait des riques non négligeables. Fallait
viser juste entre bus, camions et autres véhicules légers lancés à
toute allure. Pas de passage-piéton en ces temps archaïques, ni de
feux rouges, la jungle. Il nous avait été bien recommandé de n’adresser
la parole à personne, de ne jamais accepter des bonbons, surtout si
c’est un homme et surtout pas de monter dans une voiture de quelqu’on
que nous ne connaissions pas. Nous devions tracer notre chemin en
faisant abstraction de presque tout ce ui nous entourait, sauf des
bagnoles évidemment. Cependant, lorsque passait sur la route une instit
de Saint-Maur sur son petit vélo (il y en avait une qui habitait près
de chez nous) et offrait gentiment de prendre Christine sur son porte-
bagage, comment refuser, quelle chance, quelle économie de baffes et
de vexations. J’arrivais à les suivre en courant derrière leur équipage
vélocipédique...
Comment réagir quand un individu malfaisant qui nous suit me crache
dessus un ignoble glaviot jaune et visqueux qui s’accroche à mon mollet
droit et glisse telle une limace jusqu’à ma cheville ? Je ne pense pas
qu’il ait fait cela volontairement ou même qu’il s’en soit aperçu,
ou alors sa stratégie de séduction était à revoir. Il ne s’est pas
excusé et a passé sa route sans nous regarder. Il ne me restait plus
qu’à trimbaler sa merde, peut-être grouillante de staphylocoques,
jusqu’à la prochaine fontaine pour m’en débarrasser. Et passer la
journée avec une socquette mouillée autour du pied.
Les enlèvements d’enfants ont toujours existé. Mais dans quel monde
ces parents écervelés vivaient-ils ? A mon sens ils étaient déjà
encoconnés dans leurs éternelles disputes qui les faisaient vivre
dans un monde parallèle, sans voitures, sans route nationale, sans
pédophiles... un monde qui n’existait pas simplement peuplé de leurs démons.
Rescapés inconscients de tous ces dangers, bien réels ou supposés,
il nous fallait maintenant affronter les rigueurs et la discipline
d’une institution d’inspiration religieuse [les profs, les dames
de Saint Maur, sont des laïques, ndlr] où il n’est pas question
d’arriver en retard. Ainsi les vrais ennuis pour moi commençaient
à la porte principale de Saint-Maur que je trouvais imenquablement
close. Il fallait sonner et implorer la gardienne de cette
énorme porte - qu’un éléphant enragé n’écornerait même pas - de
nous laisser
entrer ma soeur et moi par le minuscule huis de secours. La soeur
tourière,
peu amène, faisait chaque fois remarquer que nous étions en retard -
au cas où nous ne l’aurions pas remarqué - , que normalement elle
ne devait pas nous ouvrir, et que la prochaine fois nous trouverions
porte close si nous continuons à nous pointer hors des heures
d’ouverture. Une fois dans la place, au lieu de courir, comme ma
soeur, rejoindre mes petits camarades, je devais me présenter à
une sorte de garde-chiourme haineux qui commençait par m’administrer
une baffe bien sentie avant de me faire chaque fois un cours de morale,
toujours le même. Enfin, me tenant par l’oreille, la duhègne me
conduisait dans la classe dont elle commençait à connaître le
chemin par coeur. Mon calvaire n’était pas terminé, loin de là.
Pour renforcer le chatiment corporel ne manquait plus que le châtiment
de la honte L’instit, courroucée par l’interruption de ses cours
à cause d’un arrivant - encore lui ! - qui, selon elle, essayait de
se distinguer par tous les moyens des bons petits élèves bien sages
toujours bien à l’heure - saisissait mon oreille libre pour me conduire
dans un coin de la classe où elle m’obligeait à me tenir debout, dos
tourné, jusqu’à la fin de l’heure de cours, en guise de punition
supplémentaire bien méritée et exemplaire pour ceux qui oseraient
m’imiter en trangressant les règles de l’école. La honte, oui, car
cette punition à répétition n’était pas méritée. Et les ricanements
des petits écoliers, dont je ne pouvais voir les visages hilares,
m’enfonçaient un peu plus dans ma honte et ma colère. Comment peut-on
faire cela à un enfant ? Ces brimades ont provoqué chez moi une sorte
de phobie de tout ce qui est institution établie et a renforcé ma volonté
bien installée de ne pas les respecter.
Une anecdote supplémentaire illustre bien le je m’enfoutisme de nos
parents à notre égard. Tout commence par un repas de midi pris dans
la maison familiale rejointe à pas de course à l’issue de la matinée
de classe à Saint-Maur. C’est aujourd’hui un « repas d’affaire » organisé
par le paternel qui a invité une « huile » de la première importance.
L’idée de la convier dans un restaurant de la ville ne l’a même pas
effleuré. Bien plus économique à la maison grâce à la cuisinière «
aux ordres » gratuite et toujours disponible. Un service spécial pour
les mômes, pourquoi faire ? Ils n’ont qu’à se mettre à table avec les «
grands », fermer leur gueule et rester invisibles pour nous laisser
parler « affaires » mon invité et moi. Tant et si bien que le repas
s’étire en longueur et qu’il devient impossible d’arriver à l’heure
à Saint-Maur. Terreur. Les parents nous larguent sans nous fournir
le moindre mot d’excuse écrit, simplement en nous disant qu’il suffira
d’expliquer aux nones la raison du retard. Ce qui démontre qu’ils n’ont
aucune idée des affres qui m’attendent.
J’élabore alors un plan B. Mamie ! Notre grand-mère habite quasiment
sur le parcours de l’école. Elle sera compréhensive, elle, du moins le
pensè-je en allant la solliciter. Ma confiance ne fut pas déçue, car
elle nous sauva du désastre. Elle nous accompagna jusqu’à Saint-Maur et
négocia avec les garde-chiourmes, respectueux d’une grand-mère, quand
même ! Ils n’allaient pas la mettre au coin, elle. Et pour donner une
idée du retard qui était le nôtre, nous arrivâmes à l’heure de la sortie !
Le paternel n’en sut jamais rien, lui qui porta plus tard un jugement
plutôt méchant sur notre chère grand-mère [voir le Cahier Vert : La mère
(Marie-Madeleine Sarrailhé. 1885-1958), issue d’une vieille famille [les
Sarrailhé] autrefois aisée, était bien brave bonne et bien gentille,
mais d’une faiblesse totale avec ses enfants.]

J’ai donc rechigné avec véhémence en cette nouvelle année scolaire
pour conduire ma soeur à l’institution matin, midi et soir, ayant en
mémoire ce parcours vexatoire du combattant battu et humilié. Je n’avais
pas eu les mots pour expliquer cela à mes parents.
Donc pour la prochaine année à venir il faut que ça change. Afin
d’économiser un aller-retour quotidien fastidieux, facteur de retard
supplémentaire les parents nous inscrivent à la cantine de midi.
Il va donc nous falloir aller au réfectoire. Et pour cela amener
nos couverts personnels, rien que ça, sont-ils pauvres !
J’ai le souvenir que les menus ne me plaisaient pas, que nous
mangions au lance-pierre, qu’il y régnait une discipline de fer,
interdiction de parler etc. J’ai donc rapidement déclaré forfait
et repris la marche de midi rapidement et en solo, Christine restant
au réfectoire afin de lui épargner, la pauvre petite, cet insupportable
trajet de mi-journée.
La nouvelle année s’annonçait pour moi sous les meilleurs auspices,
avec un sentiment de liberté retrouvée et la joie d’enfoncer mon petit
camarade Hervé retrouvé avec mes nouvelles connaissances et à mon tour
lui apprendre des choses, le soupçonnant d’en être resté au petit e
et au 8 en écriture cursive, bagage bien suffisant selon lui pour
aborder sa carrière scolaire.


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