Vendredi 26 Octobre 1962 – Gourette, Sarrières et Coutchets.
Equipe : François-Jean
Véhicule : Super-Néocide
Photo : Anfoy au sommet du Sarrières
Je pars avec François. Le temps est incertain et il souffle un fort vent
du Sud. Nos préférences allaient pour l’Ossau, mais voyant ce dernier
encapuchonné nous nous rabattons à Gourette, libre de brouillard. Mais
que faire ? Va pour le Sarrières pour se mettre en jambe.
Nous y montons péniblement en multipliant les haltes, secoués que nous
étions par le vent violent. Au sommet, à l’abri d’un bloc, nous baffrons
et fumons en attendant une accalmie qui ne vient pas. Quelques gouttes
de pluie ne sont pas pour nous encourager. Néanmoins nous entreprenons
de suivre l’arête Sud et tout se passe bien. Grosse partie de rires sur la taillante.
Nous nous vautrons ensuite dans les hautes herbes. Le vent est toujours
là et un peu de pluie s’en mêle. Nous constatons que les dalles des Coutchets,
en face de nous, sont sensiblement à la même altitude donc faciles à atteindre.
Afin de les examiner de plus près nous traversons le cirque de Gourette dans
toute sa largeur. Au pied des dalles nous commençons à grattonner, à monter
un peu, puis un peu plus et finalement nous décidons de monter jusqu’en haut.
Il est 16h30, nous sommes fin octobre, il va falloir faire fissa pour ne pas
être pris par la nuit. Nous nous lançons donc à toute vitesse et bientôt
nous encordons afin de franchir un pas délicat avec un piton d’assurance.
Au-dessus l’escalade se poursuit en terrain moyen qui n’en finit pas.
La pluie a repris et le jour baisse rapidement. François est crevé et monte
lentement. Je souffle comme un phoque mais je me sens bien. L’arête terminale
en bon rocher est plus longue que je ne l’imaginais. Un dernier ressaut et
c’est le sommet, curieusement perché.
Vu d’ici le Penemedaa est formidable, le Pene Sarrières, perdu au loin,
est insignifiant. Le Ger nous domine de sa vaste masse. A l’Est l’horizon
s’éclaire de couleurs bizarres et fantastiques, mélange de coucher de soleil
et des lueurs métalliques d’un orage en pleine activité. Derniers soubresauts
d’un jour mourant. Lumières sur Gourette et Laruns. Vite, vite… Un long
rappel nous dépose au pied du ressaut sommital. Une traversée d’arête, parfois
délicate et en rocher pourri, nous conduit à un second rappel qui permet de
descendre le dernier mur avant le col des Coutchets. Au cours du rappel dans
ce mur obscur apparaît brusquement une fenêtre claire laissant entrevoir le
Penemedaa. Vision surréaliste. François se demande s’il n’est pas victime
d’hallucinations.
La descente vers Gourette se fait dans le noir presque complet. Nous trébuchons
tous les trois pas dans ce terrain torturé mais nous arrivons à bon port. 8 (?)
bouteilles (de quoi ?) suffisent à peine à étancher notre soif.
Le retour en moto dans la nuit ne manque pas de piquant et s’ajoute à notre
fatigue. Entre Rébénacq et Gan un barrage de police (OAS ?) contrôle tout le
monde. Et au Foufouland l’accueil est toujours aussi chaleureux. J’ai
l’impression de vivre plusieurs vies.
A El Patio Mam ne m’attendait plus.