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Jean M. Ollivier | all galleries >> Scraps et souvenirs >> Secret pin's >> Dans le secret des Ollivier >> Compilé des meilleurs écrits et récits >> 12_montagne > Ensemble des faces N et NW de l'Ossau - Tentative Embarradère juillet 1962
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25-26 Juil 1972 jmo/264

Ensemble des faces N et NW de l'Ossau - Tentative Embarradère juillet 1962

Les piliers de l'Embarradère sont au centre

Mardi à vendredi 24 au 27 Juillet 1962 – Ossau, tentative au pilier Nord
du Piton de la Fourche.
Equipe : Hervé-Jean
Véhicules : la 2 CV d’Yves Butel pour transporter le matériel,
Super-Néocide pour Hervé et Jean.

Matériel énorme, bien chiadé à l’avance…
Le père d’Hervé accepte de nous le monter à Aneu le soir du 24 Juillet.
Il est accompagné de Mme Butel et de sa fille Marie-Hélène.
De notre côté, Hervé et moi, faisons une étape aux rochers d’Arudy pour
récupérer du matériel dans la voie du Chasseur Alpin (?) et arrivons de
nuit à Aneu. Les sacs nous attendent sur le parking improvisé du Brousset.
Ecrasés par le poids des sacs nous montons péniblement à Pombie et dormons
au bord du lac. Nous pouvons admirer un lever de Lune splendide sur
la muraille de Pombie. Elle a grande allure. Le lendemain matin le petit
peuple qui sort du refuge nous regarde avec étonnement, voire avec
crainte parce qu’il ressent comme une culpabilité dans le fait que
nous n’ayons pas été accueillis dans le refuge super-bondé et donc
rejetés dehors à dormir à la belle étoile. S’ils savaient ! Mais nous
ne les détrompons pas, nous les durs de dur.
C’est malgré tout l’occasion de retouver la paire d’Anglais déjà
entrevus lors de notre précédent séjour du 17 au 19 Juillet 1962,
ainsi que les deux sympathiques aspis Philippe Sol et Claude Valleau.
Ils rentrent du Tozal les veinards. A la vue de notre matériel ils
se doutent de quelque chose et nous souhaitent bonne chance.
Vers 9h30 nous nous ébranlons lentement vers les faces Nord. Nous
atteignons notre « camp de base » vers 13h, fatigués par le portage.
Le camp de base est une sorte de Quèbes qui ne dit pas son nom, car
aucun berger n’y a sans doute séjourné. C’est un énorme bloc planté
au milieu d’une immense caillasse stérile où même les isards ne
s’aventurent pas. Il présente l’avantage d’offrir un « toit ». Il
nous plaît beaucoup à cause de son caractère sauvage, isolé et
rustique. Bien mieux que Pombie. Et à pied d’œuvre de surcroît.
Nous l’inaugurons en faisant une petite sieste sur… le toit !
Dans la soirée nous poussons une petite reconnaissance vers le
Pilier, dont nous gravissons deux longueurs. Le paradoxe est que
nous avons eu le plus grand mal à prendre pied sur le petit éperon
initial qui touche le pierrier et conduit à la vire d’où démarre le
Pilier, une grande vire en partie herbeuse. Le névé a fondu et les
premiers mètres sont lisses et pauvres en prises. Ça commence bien !
Avec un cœur rempli de respect j’aborde la première longueur du colosse.
Elle est herbeuse et en mauvais rocher et ne comporte qu’un seul pas
délicat. Hervé se charge de la seconde longueur composée de petites
dalles pas toujours faciles à escalader. Nous nous arrêtons sous les
premières grandes difficultés et posons là du matériel d’escalade.
Un rappel en fil d’araignée nous dépose sur la grande vire herbeuse.
Un second rappel nous amène ensuite au pied du petit éperon de base.
Nous laissons la corde de rappel en place.
Le lendemain 26 Juillet, n’ayant pas vraiment récupéré, nous ne démarrons
que vers 9 h. Cette fois nous portons nos sacs car nous projetons de
nous engager plus avant dans la paroi et éventuellement d’y bivouaquer.
Nous remontons le rappel laissé en place à la force des poignets [Pas
de poignées type JUMAR à l’époque). Cet échauffement brutal nous essouffle.
Les deux longueurs grimpées hier soir nous semblent beaucoup plus difficiles
avec un sac pesant sur le dos, ce qui n’est pas fait pour nous rendre la forme.
J’attaque la troisième longueur qui commence par un rétablissement peu
commode sur une vire herbeuse. S’en suivent quelques fissures parallèles
qui fendent la paroi jusqu’à un inquiétant surplomb noir et fissuré.
Sa structure fracturée n’est pas rassurante, mais il n’y a pas d’alternative,
il faut le franchir. Je remonte les fissures, sautant de l’une à l’autre,
et parviens difficilement à me caler sous le surplomb et à laisser aller
mes états d’âme.
De ma position Hervé est loin et semble « à l’intérieur » de la paroi,
chose déjà perçue à la Cima Ovest d’Arudy. Partout des lignes fuyantes
vers le vide. Je ressens de la fatigue, le surplomb me paraît au premier
abord impossible et, atteint par une surprenante baisse de moral, je
souhaite qu’il le soit. Je voudrais bien redescendre, exactement comme
l’alpiniste de Samivel QUI-NE-SE-SENT-PAS-TRES-BIEN au pied de la fissure
(Sous l’œil des Choucas – 1933). Mais je continue à monter, presque
contre mon gré. A l’aide de quelques pitons et de contorsions diverses
je surmonte l’obstacle et continue par une belle escalade libre, aérienne
et athlétique. Avec trois pitons j’installe un relais, assis sur une
petite marche taillée dans une sorte d’arête verticale. A droite un vide
vertigineux. Hervé m’apprendra plus tard que je suis resté 1h30 dans cette longueur.
Pour sa part, il met ¾ d’heure dans la même longueur, en second. Je me
gèle à l’attendre. Nous n’arrivons pas à hisser le sac, aussi nous
l’abandonnons. Je n’ai pas l’intention de monter bien haut aujourd’hui.
Hervé enlève ensuite avec brio une longueur soutenue. Je n’ai pas le
courage d’enchaîner la suivante. Qu’à cela ne tienne, il repart grâce
à son moral « autrichien » mais bute bientôt sur une fissure surplombante
d’aspect très rébarbatif. Il lui faudrait de gros coins de bois que
nous ne possédons pas. Il redescend.
Il est 14h, le soleil commence à nous toucher et nous réchauffer. Nous
sommes gelés. Je décompresse et regarde avec attendrissement, au loin
là-bas au milieu des pierres, tout petit, notre refuge orné d’un caillou
rose sur son toit. On dirait qu’il nous regarde. Je voudrais prendre sa
place et regarder à mon tour vers les parois. Tout d’un coup j’eus hâte
de quitter cette paroi inhumaine qui ne nous réservait rien de bon pour
la suite. Les pointillé
s pouvaient bien attendre ! A l’épreuve des faits la réalité nous écrase
de son implacable et dure logique. Et pourtant, en écrivant cela, le
désir me reprend de retourner me confronter à cette logique, la comprendre
et la vaincre. C’est tout l’intérêt de la vie humaine.
Trois rappels très aériens nous ramènent sur la grande vire. Nous nous
prélassons un bon moment au soleil, au-dessus d’une mer de nuages démontée.
Un dernier rappel permet d’atteindre le pierrier, mais la corde se termine
sur un névé très raide et bien dur bien que nous soyons en été. J’avertis
Hervé de se méfier car d’en haut le névé paraît presque plat. Evidemment
il n’écoute rien et dévalle le névé cul par-dessus tête pour finir par
s’écraser dans les blocs de la dure caillasse dans laquelle il rebondit
deux ou trois fois. J’accuse le coup et me remémore instantanément l’incident
de 1959 sur l’arête de Peyreget. Aura-t-il autant de chance ? Eh bien oui,
quelques plaies et bosses mais rien de grave. Il est solide, mais il vient
de perdre une vie de plus. Je ne sais pas s’il en a sept comme les chats, mais
il est certain qu’il en a dépensé pas mal. Qu’il devrait devenir plus parcimonieux
de ce côté-là.
De retour à notre refuge nous passons la soirée à admirer, au son d’une
flute et d’un harmonica, l’inoubliable coucher du soleil, se vautrant
sur une mer de nuages apparemment sans limite. Notre refuge est comme un
vaisseau prêt à prendre le large sur cette mer pour rejoindre les sommets
lointains qui, comme des îles, crèvent les vagues de l’océan de brumes.
La réalité et nos rêves entrent en symbiose et nous voilà prêts à appareiller.
Etouffés et lointains montent de Bious et de Peyreget les bruits familiers
de sonnailles. Elles ajoutent à l’atmosphère romantique qui règne
dans «notre» refuge.
« Ci, demeurons béat… à quoi bon monter puisqu’il faut redescendre ?
Laissons à de plus fous ces soins ambitieux… » (Samivel, Sous
l’œil des Choucas, 1933).
Les flux et reflux lents, puissants et silencieux, des nuages submerge
les montagnes environnantes, mais, magnanimes, ils nous épargnent.
Nous savourons, tranquilles et apaisés, le spectacle grandiose que nous
offre la nature. Le soleil, un moment, nous caresse de ses rayons
écarlates et lentement « se noie dans son sang qui se fige », sang
d’un mauve pur.
Nous prolongeons tard la veillée, laissant le ciel se peupler de ses
nombreuses filles les étoiles. Longtemps l’horizon reste lumineux.
Tout est silencieux. Le monde des hommes et ses caprices semble bien
loin de nous. Trop bête, minuscule et banal…
Le lendemain, après avoir goûté une dernière fois aux charmes de
«notre» refuge, aménagé à notre goût en déplaçant quelques pierres,
nous levons le camp. A nouveau chargés comme des bourriques nous
partons vers Aneu. Peu avant d’arriver au refuge de Pombie le
brouillard nous engloutit. C’est un symbole, nous regagnons le
monde. Nous restons un moment au refuge où nous récupérons les
restes de nourriture abandonnée par les touristes, en prenant
soin d’en laisser un peu pour notre ami le loir. Une vache pointe
son museau humide à la porte comme si elle désirait quelque chose.
Du sel peut-être ?
La pluie commence à tomber lorsque nous arrivons à Aneu. Elle ne
nous lâchera pas jusqu’à Pau, compliquant le pilotage de notre fidèle
coursier, Super-Néocide. Je me demande encore comment nous avons pu
y arrimer nos énormes sacs. Dans mon souvenir l’un des sacs était
attaché sur le porte-bagage et Hervé portait le sien sur son dos
tout en le calant sur l’autre sac.
Dans la Quèbes, cachée sous un caillou une boite de Tonimalt destinée
à voyager dans le temps contient un court message. Elle nous attend
pour le cas où nous reviendrions.

Pièce jointe : un croquis dans le texte de la progression dans
le pilier du Piton de la Fourche (4 à 5 longueurs).

Canon FT QL ,4.5x6

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