Mardi, Mercredi, Jeudi 4, 5, 6 Juillet 1961 – Tentative à l’Éperon Nord du Petit Pic.
Equipe : Etienne Saix, Robert, Jean
Nous couchons mardi soir à Aneu avec l’intention de grimper l’éperon Nord intégral du Petit Pic d’Ossau, ouvert le 24 Juin 1953 par les Ravier. Pourquoi cette course ? je n’ai pas noté les motivations. Il peut y en avoir plusieurs. Ce soir mardi le temps est incertain, plutôt mauvais.
Mercredi matin hésitations liées au temps. Sera-t-il beau ? Notre patience est récompensée, il s’éclaircit et nous pouvons partir à 6h30. 3h plus tard nous sommes au pied de la paroi, après être passés par le col de Lie.[D’emblée l’horaire est mauvais, passe encore pour faire la Voie des Vires, mais l’Eperon Nord du Petit Pic…].
Mais il est là l’Éperon, bombant le torse dans sa partie supérieure. Il semble opposer là une barrière redoutable. Etienne, très dégonflé aujourd’hui (il est en train de draguer profond une minette), prétend qu’il n’y a pas de fissures pour passer. Comment peut-il juger de si loin ? Cet éperon fait 600 m, autre chose que la face Ouest du Penemedaa… Allons sur place nous rendre compte.
Papa choisit d’être en tête pour la partie inférieure. Je le suis, Etienne en queue. La partie inférieure de l’éperon est une infection de premier ordre : glissant, terreux, herbeux. Enfin, après avoir parcouru une belle dalle, nous arrivons sur la grande terrasse de la face Nord de la Fourche, où nous cassons la croûte [c’est sur cette terrasse qu’un énorme bloc a failli nous écraser, François et moi, lors d’une tentative à l’éperon Nord justement, en 1972, le 25 Juin – voir plus loin].
Nous gagnons ensuite le fil de l’éperon : une fissure, une dalle en A1, une belle longueur en IV et nous voilà à ce qui nous semble être une bifurcation. A droite un grand surplomb (j’ai noté LE grand surplomb). Etienne attaque mais renonce après 3 mètres, renforcé en cela lorsque le père annonce qu’il y a encore 200 mètres comme cela. A gauche on s’écarte du fil de l’éperon mais il semblerait que ce soit la voie Ravier. Etienne remonte une fissure qui lui donne beaucoup de mal, trouve un piton noir (nous avons déjà trouvé de nombreux anneaux de rappel), vire à gauche et s’empanne. Il croit sa dernière heure arrivée. Il place deux pitons plats et fais marche arrière à toute vitesse en avertissant 20 fois d’un dévissage imminent. Il est inquiétant le bonhomme et c’est pas le moral qui l’étouffe. D’après lui c’est impossible, on ne peut pas continuer. Papa va voir mais n’insiste pas tout en affirmant le passage faisable. Les deux loubars se gardent bien d’envoyer le récent vainqueur de la Cima Ovest (d’Arudy), moi-même. Il est 16 h, plus le temps de rien si nous ne voulons pas bivouaquer. C’est alors la fuite. Deux grands rappels sur l’éperon, un peu de libre et nouvel arrêt sur la grande terrasse où nous re-cassons la croûte au soleil, juste au-dessus d’une magnifique mer de nuages longeant les a-pics fantastiques des faces Nord du Grand Pic d’Ossau. La descente continue dans un terrain croulant, rappel sur un piton branlant. A 20 h nous prenons pied dans la caillasse. Le coucher de soleil sur les faces Nord est saisissant. Les nuages semblent s’éloigner.
A 21h30 nous arrivons au refuge de Pombie. Voilà près de 15h que nous nous activons. Il y a un seul occupant dans le refuge, assez taciturne [Merde ! s’est-il dit, moi qui croyais être tranquille].
Le lendemain il fait un temps formidable. Mais nous n’en profitons pas, fatigués que nous sommes. Nous aurions pu aller au Doigt de Pombie récupérer 10 pitons et 10 mousquetons laissés (abandonnés ?) par Patrice (de Bellefon) [information de source indéterminée].
En descendant vers la voiture nous rencontrons Pierre Laplanche ( ?), toujours aussi sympa, accompagné par un gars d’Agen, copain de Christian Boiseaux et un peu blablateur aussi…
Joint au récit manuscrit un fragment d’anneau de rappel (en chanvre) trouvé dans la partie médiane de l’éperon Nord.