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Mai 75 JMO

Face W du Petit Dru : les Pyrénéens grimpaient aussi dans les Alpes

Chamonix - Alpes

Avant-première à la face ouest des Drus (Eté 1938) .
Roger MAILLY

Si l'on en juge par le choix de leur itinéraire, il apparaît que Cazalet et Mailly firent preuve d'une rare audace, tant dans la conception de leur plan d'attaque que dans le début d'une réalisation exposée et difficile.
Guido MAGNONE

Eté 1938... Quatre Pyrénéens campent au Montenvers : Henri Sarthou, seigneur de la haute montagne, dont il parcourt les itinéraires les plus ardus selon son bon plaisir et sans souci des contingences ; Robert Chevallier, industriel de Bordeaux, le plus agréable des compagnons, à la ville comme en course ; François Cazalet : « l'homme aux doubles biceps », fabricant de pitons et d'escarpolettes ; et enfin, le signataire de ces lignes...
Nous avons réussi de belles ascensions classiques, et maintenant nous caressons un projet plus audacieux : une grande première !...
La face nord des Jorasses ?... A Chamonix, on dit que ce ne sera pas encore pour cette année. Il y a beaucoup de glace. Pierre Allain vient d'en faire l'expérience à ses dépens... (Mais quelques jours plus tard, prenant au plus raide, la cordée de Cassin ouvrira l'itinéraire de l'éperon Walker). Pour des Pyrénéens, l'aspect très plâtré de la redoutable muraille n'est guère encourageant...
Nos regards se tournent plus volontiers vers la pyramide de roc qui fait face à notre campement : les Drus. Nous supputons les chances de passer... Bien qu'aucune tentative n'ait encore été faite, il est évident qu'il n'y a pas de problème pour atteindre les terrasses, déjà à bonne hauteur dans la paroi. Les grandes dalles lisses qui les dominent ne laissent aucun espoir. Mais, à gauche de ces dalles, un dièdre de quelque 200 mètres de haut monte jusqu'à la niche des Drus ; de sa structure dépendront les possibilités d'escalade ; si nous réussissons à le surmonter, nous suivrons l'itinéraire de la face nord, sur la partie où il longe la face ouest ; et nous rejoindrons celle-ci au plus tôt, pour finir dans son axe...
Chevallier étant plutôt glaciairiste que rochassier, et Sarthou, indifférent aux vanités alpines, nous cédant sa place, c'est Cazatet et moi qui représenterons le G.P.H.M. pour tenter l'aventure...
Départ du camp... marche d'approche... rimaye... couloir… terrasses... rien, jusqu'ici ne s'oppose sérieusement à notre progression... Vers le milieu de la journée (nous avons quitté le Montenvers avant l'aube) nous venons buter contre les grandes dalles du milieu de la paroi. Nous gagnons alors l'extrême gauche des terrasses en leur point le plus haut.
Ici se tient un conseil de guerre. Cazalet voudrait attaquer par les fissures qui nous dominent (ce sera la voie suivie par les premiers ascensionnnistes, quatorze ans plus tard) ; j'objecte que ces fissures semblent se perdre dans des dalles lisses sans issue et qu'il est préférable de poursuivre notre première idée : tenter de rejoindre le dièdre en virant à gauche, puis le remonter jusqu'à la niche des Drus. Finalement, cette deuxième solution est retenue…
Un rappel en biais, d'une vingtaine de mètres, nous dépose sur un relais, en pleine paroi. Une fissure s'élève au-dessus ; elle est gravie avec un piton. Nous arrivons au pied d'un extraordinaire passage d'une quarantaine de mètres : une nouvelle fissure, d'abord mince et horizontale, en râteau de chèvre, puis de plus en plus redressée, et finissant en surplomb sur plusieurs mètres, situé entre des cuirasses de granit massif.
Nous n'irons guère plus loin... En effet, en se redressant, la fissure s'élargit et nos pitons deviennent inutiles ; il faudrait des coins de bois ; mais ils ne sont pas encore employés à l'époque... De plus, le temps se gâte ; il faut revenir en arrière. Ce retour s'avère hasardeux. La montée des 20 mètres descendus en rappel ne se laisse pas pitonner. Finalement, nous nous en sortons par une traversée exposée qui nous ramène aux terrasses — tandis que l'orage se déchaîne...
... Le bivouac : l'épisode le plus court à raconter, mais les habitués savent que c'est le plus long à supporter pour les patients. Blottis dans une étroite cheminée, l'un debout, l'autre accroupi, nous passons la nuit à regarder les flocons de neige tourbillonner contre la paroi, éclairée à intervalles réguliers par des éclairs...
L'orage se calme aux approches de l'aube ; il y a une couche de neige d'une quinzaine de centimètres sur les terrasses... En espadrilles, nous entamons une descente prudente à travers des banquettes de roche pulvérulente, nous assurant l'un l'autre de près. Dans le couloir, nous réussissons à placer deux ou trois rappels. Vers midi, nous sommes au pied de la paroi.
Un rayon de soleil éclaire justement le dièdre, en donnant une bonne vision : le principal obstacle paraît bien être celui qui nous a arrêtés. Au-dessus, le « dièdre » se présente non pas comme un passage unique, mais comme une série de passages se succédant en direction de la niche des Drus. Ces passages ne semblent pas insurmontables. Nous estimons à deux jours d'escalade artificielle le temps nécessaire pour en venir à bout, à notre cadence du Capéran de Sesques par le nord (10 mètres à l'heure)*...
Au Montenvers nos amis nous accueillent avec effusion…


*La première ascension de la face nord du Capéran de Sesques fut réussie en septembre 1935 par F. Cazalet et R. Mailly : onze heures d'escalade, trente-cinq pitons. http://www.pbase.com/image/28781333

Récit publié dans Altitude n°41, 1965.


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