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jmo

Face Nord du Piton Carré entre Pointe de Chausenque et Pique Longue

Vignemale - Pyrenees

VIGNEMALE – A propos du Piton Carré et de la conquête de sa face Nord par Lucien Malus
(accompagné de Jean Labesque (Petit Jules), Yves Cabanne* et Henri Gasset).
* Un oncle de jmo
Au cours de l'été 1947, il a paru dans la presse — et même dans la « grande » presse — informée sans doute par quelque chroniqueur en mal de copie, de brefs entrefilets sur une "Tentative de grande classe" (sic) qui se transforma rapidement en "première ascension du Piton Carré" avec éloges évidemment pour les « valeureux vainqueurs ».
C'est du reste plus d'un mois après notre visite au Vignemale que parurent ces lignes, et que je les parcourus avidement, croyant que le dernier grand problème du massif du Vignemale avait enfin été résolu. Mais je fus très surpris de lire que les auteurs de cet exploit n'étaient autres que mes camarades de cordée Cabanne, Gasset, Labesque... et moi-même. Aucune information de notre part n'ayant paru, je me devais donc, au moins vis-à-vis de mes camarades montagnards, de donner un rectificatif à cette information regrettable.
Une simple transcription de mes notes de course en sera, je crois, suffisamment efficace.
Le Piton Carré, vaste muraille de près de 400 mètres, est situé entre la cheminée en Y et la partie supérieure du Couloir de Gaube. De très sérieux surplombs, un rocher aux prises inversées, très compact ce qui rend la pose des pitons difficile et, de ce fait, l'escalade très exposée, le poids du matériel à emporter (crampons, piolet, pitons etc...) en font la paroi la plus rébarbative du Vignemale. — Octobre 1947.

NOTE —. Tentative de la face Nord du Piton Carré (19-20-21 juin 1947), par Jean Labesque (alias Petit Jules), Henri Gasset, Yves Cabanne, Lucien Malus.

Jeudi 19. Départ de Cauterets. 17 h. Refuge du Pinet. Plantureux casse-croûte. Tout habillés nous nous assoupissons sur la paille.
Vendredi 20. A 1 h. 30, départ de la cabane. Sans lanterne nous avons quelques difficultés à trouver le pont pour rejoindre la rive gauche du torrent. Bain de pied matinal... 5 heures. Nous passons la rimaye, juste dans le toboggan qui canalise les pierres... il fait heureusement froid et les chutes de pierres à cette heure encore rares. Montée dans le couloir de Gaube par cordée de deux et dans l'ordre : Labesque-Cabanne, Malus-Gasset. Très mauvaise neige, les crampons bottent.
7 heures. Nous atteignons les premiers rochers du Piton Carré. Aucun endroit convenable pour déchausser les crampons et changer les souliers pour des sandales... nous perdons là beaucoup de temps.
Petit Jules attaque. Les passages sont très exposés... gros travail fourni par Gasset qui, sous un gros sac, a le rôle ingrat et combien épuisant d'enlever les pitons... Nous progressons tout de même, mais très lentement. Jolie escalade, vire très délicate.
Le temps passe... Le manque d'entraînement se fait sentir dans une course de cette envergure. Arrivés sous une barre de surplombs très sévères, nous ne trouvons aucun point faible et l'eau ruisselle au-dessus de nous, trempant cordes et vêtements.
Il est 18 heures... Devant tant de difficultés, une heure si tardive, un manque flagrant de forme et, de ce fait, de moral, je crois qu'il est prudent de battre en retraite. Petit Jules, le seul qui se sente bien, continue avec Gasset. Mais ils abandonnent bientôt.
Et nous entamons la descente, rendue très dure par la fatigue, par les cordes mouillées qui nous forcent à descendre à la force des bras, dans ce vide immense... Et si nous n'arrivons pas à descendre le couloir avant la nuit proche, c'est le bivouac. Ah ! vivement la rimaye...
Un rappel : 40 mètres. C'est interminable 40 mètres lorsque la corde ne coulisse, pas... Piton.... anneau de corde et on lance le deuxième rappel.
Tout le monde est en bas et nous essayons de rappeler la corde : nous nous mettons à deux, à trois, nous tirons désespérément... elle ne vient pas.
Avec une assurance précaire, dans l'impossibilité de remonter dans l'axe de la corde, la paroi surplombant trop, je remonte les 40 mètres, rectifie la pose du rappel, redescends... et nous essayons à nouveau... Rien ne vient. Il fait déjà nuit. Sagement, le bivouac est alors décidé : nous remontons quelques mètres où l'emplacement de repos semble devoir être meilleur. Les dernières « calories » sont partagées ; un quartier d'orange, un sucre, une gorgée de rhum... Avec les quelques mètres de corde qui nous restent nous nous amarrons solidement à des pitons, les jambes pendant dans le vide. Et nous attendons patiemment, en bavardant, en chantant... Petit Jules, lui, dort tranquillement. Nous n'éprouvons nulle inquiétude de notre position, nous en sommes même presque heureux... n'est-ce pas à tous notre premier bivouac... et quel bivouac ! ! !
La nuit est merveilleuse, pas le moindre nuage dans un ciel pur et étoilé… Les parois formidables de la Pique-Longue et de la Pointe de Chausenque ont un aspect vraiment impressionnant.
Mais il fait froid... nous nous tenons la mâchoire pour ne pas continuellement claquer des dents...
Toute la nuit, avec un bruit terrible, les pierres dévaleront à une cinquantaine de mètres de nous, dans le couloir en Y. Les intentions que nous avions pour ce couloir se sont éteintes cette nuit-là...
Et le jour arrive. Heureusement... Gasset et Cabanne commençaient à ne plus pouvoir tenir : plus rien a fumer...
Les cordes ont un peu séché. Avide de mouvements, Gasset remonte décoincer une fois de plus la corde.
— Hurrah ! Ça vient ! !
Plusieurs rappels successifs. Nous laissons à tour de rôle nos mouchoirs enroulés autour des anneaux de corde pour permettre au rappel de mieux coulisser.
Nous touchons enfin la neige du couloir et toujours avec difficulté nous rechaussons les crampons. Mon intention est de remonter le Couloir de Gaube et de sortir par la voie rocheuse de la Pique-Longue que je ne connais pas. N'avait-on pas fait près de la moitié du Couloir et ne serait-il pas moins risqué de remonter plutôt que de redescendre dans cette neige pourrie ?
Petit Jules opte pour la descente ; sentant peut-être là le chemin le plus court pour quitter notre souricière, nous ne faisons aucune objection.
Alors d'interminables et fatigantes manoeuvres d'assurance recommencent. Les crampons bottent terriblement dans cette neige pourrie.
La rimaye se rapproche, mais si lentement... si lentement... Labesque a la délicate mission de fermer la marche.
Et avec une prudence toujours en éveil à cause des nombreuses chutes de pierres, heureux mais exténués, nous repassons la rimaye à 14 heures.
Nous déchaussons en vitesse les crampons, ayant hâte surtout d'étancher une soif brûlante. Et nous restons longtemps à regarder cette face où nous avons bataillé plus de 33 heures.
— Nous y reviendrons, Lucien.
— Evidemment, Petit Jules.
19 heures. Nous rentrons à Cauterets où les camarades du Centre, inquiets sur notre sort, nous réservent un accueil sympathique et... réconfortant.
Je comprends Arlaud, après son échec au Couloir : « Des défaites qui valent des victoires ».
Deux rudes journées, une leçon profitable. 2 juillet 1947. — Lucien MALUS, guide B.H.M.

- NDLR (Altitude n° 16 – 1949) — Malgré le recul du temps cette note de course a conservé toute son actualité. Le problème n'est toujours pas résolu. La face nord du Piton Carré n'a pas été entièrement franchie. Remplis maintenant d'expériences nouvelles, les jeunes pyrénéens sauront un jour découvrir la voie qui leur permettra de vaincre.

(Ce qui fut fait le 31 juillet 1954 par Jacques Teillard, Jean et Pierre Ravier.)


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