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31 Août 1946 Ph. Jolly (Cl. Altitude n°6 1947)

Face sud du Pentagone, première ascension directe

Première ascension directe
à la Pointe Jean Santé
par la fissure sud du cirque du Pentagone (31 Août 1946)
MARC ARNAUTOU (Marco), JEAN ARNAUTOU (Natole), MARCEL JOLLY (Béroy),
PAUL LIMARGUES

« Je parle pour ceux... qui connaissent la sensation de celui qui
vient de mesurer une paroi à pic dans l'écart de ses jambes et de
ses bras et sur toute la surface glissante de son ventre et de sa
poitrine. Arrivé en haut ... il y a le long de tous les muscles,
la sensation d'un corps immense qu'on a tenu et qui a été sympathique
à tous les plis de votre corps. Une assimilation du monstrueux.
Entendement d'une beauté informe, composée, équilibrée, harmonieuse
en profondeur, cosmique, mais aussi pure et aussi juste que celle de
l'Aurige on de la Victoire de Samothrace ».
Jean GIONO (L'Eau vive).

Depuis l'aube, calfeutré dans mon duvet, lui-même enseveli dans la profondeur pailleuse du refuge, j'attendais impatiemment l'arrivée de mes hommes. Je me reposais des fatigues de la veille.
Enfin, le hurlement lointain des chiens du val de Pombie m'annonça quelque chose d'insolite. Dans une pétaradante vitesse, « Fifine », la vieille B-14, arrivait au Caillou de Soques, et, en un dernier hoquet, vomissait mes frères d'escalade, leurs godillots et leur matériel.
Aussi, à 11 heures, la porte du refuge bruyamment enfoncée m'extirpait-elle de mon sommeil. Force me fut de sortir, pour constater que le ciel, zébré de traînées blanches, filtrait un soleil très pâle. Je prononçais la seule conclusion qui s'imposait : « Il va pleuvoir demain, il faut foncer ce soir: gare au bivouac ! » Je reçus trois regards un peu durs, mais pas un murmure... tout le monde savait.
Savait quoi, au juste?... Quinze jours auparavant. deux nez innocemment pointés vers le ciel émergeaient de la caillasse de Pombie où leurs propriétaires scrutaient la paroi, fouillant les moindres détails, changeant d'angle de vue. Après tout, pourquoi pas ?
Une idée, vieille de trois ans, germée on ne sait comment, était de rejoindre le bas de la fissure qui prolongeait le fond du cirque du Pentagone. Cela avait dû être essayé. Pourquoi n'était-on pas passé? A mon avis, cela ne prouvait rien. Pombie-Peyreget, itinéraire facile, n'avait-il pas été longtemps ignoré ?
Le fond de la fissure était impraticable, mais il paraissait accessible. On eut dit un grand escalier, pente moins raide. Cette pente s'élevait en diagonale jusqu'à un point de la fissure. Au-dessus, elle paraissait accessible. On eut dit un grand escalier, mais toutes les marches avaient tellement l'air déversées !…
J'avais conclu par un « le tout est d'aller y voir ». C'est pour aller y voir que nous quittions le refuge tous les quatre, à 11 h. 30, lestés de cordes et de pitons, et d'une ration de riz. Quelques raisins secs et du chocolat étaient dans nos anoraks, mais rien n'avait été prévu pour le bivouac. Je pensais m'en tirer avant la nuit. Le ciel n'était guère rassurant. Un fort vent du sud-ouest entraînait des blancheurs fileuses, et le cirque du Balaïtous servait de bassin d'accumulation. « Tant que le vent tiendra !...»
A midi, les doubles cordes nous enserrent ; les pitons sont arrimés en tapageuse ceinture ; je mets la première main au rocher. Au-dessus de moi, la paroi vertigineuse et surplombante me lance un défi. Déjà je quitte la caillasse et remonte un dièdre à demi noyé par un genévrier; trente mètres plus haut ; Natole a tôt fait de me rejoindre. La deuxième cordée finit de s'apprêter. C'est la cordée-valet. Chacun a ici un rôle bien défini. En tête, la cordée des seigneurs ; d'abord Beroy, puis Natole qui, calme, assure, écoute, hisse, suit, transmet et guide le leader de la cordée des valets.
Le leader de cette dernière, Marco, le calepin d'une main, le crayon de l'autre et le décimètre dans l'œil, note, évalue, mesure. Enfin le forçat, ce brave Paul qui, chargé de la récupération, souffre névralgiquement chaque fois que l'on enfonce un piton, comme si le rocher était sa propre chair.
Je descends une belle dalle inclinée, d'abord dans le genévrier, puis par adhérence. Au passage, je salue un anneau de corde, vestige d'une descente. Une vire ascendante me nargue en face. Il manque trois mètres. Mais, en contrebas, une minuscule plate-forme pour les pieds, semble se trouver à mi-chemin. Je me laisse descendre de toute ma longueur sur une prise de main assez parcimonieuse, mais j'y .suis. Un grand enjambement — ça me connaît — et je suis sur la vire. Tout de même, il commence à y avoir du vide ! La vire est facile et un bon bec me permet d'appeler Natole.
La seconde cordée suit dans la foulée. Un gros bloc nous sépare de la fin du système de vires. A sa base, une nouvelle vire engageante, mais qui détourne loin à droite. Au-dessus du bloc, une profonde fissure, qui débute par un mur surplombant. Natole consulté me répond que l'élégance de l'itinéraire veut que l'on passe par la fissure. Ça me vexe un peu ! ! !
J'avance jusqu'au point de rencontre de deux voies possibles. La vire a l'air bien... mais le nez de Natole insolemment levé sur la fissure est plus impératif !
Je suis sous la fissure. Opposition extérieure. Je dois bien écarter mes jambes de deux mètres. Une bonne prise de main me permet de rentrer la tête, puis un bras, dans la fissure. Un dernier effort, toute ma longueur y disparaît et le reste de la fissure est facile. Au-dessus une plate-forme.
— Quand je pense que certains auraient envisagé de virer... et l'élégance !...
Nous avons réalisé la première partie du programme. puisque nous sommes sur la pente moins raide. Il s'agit de rejoindre la fissure grise. Je m'élève facilement de quinze mètres : le dessus, tout en prises inversées paraît très dur. Je vire à droite, toujours sur dalles et prises inversées, et j'arrive dans une cheminée.
Le rocher est solide, mais pas de prises, rien que des rotondités. Enfin, j'utilise au maximum l'opposition, l'adhérence de mes sandales et je suis sous un surplomb. A deux mètres à gauche, il y a une fissure facile, mais, comment y parvenir? Je me déploie en trésors d'équilibre, mais rien à faire. Il manque la prise capitale, celle qui permet tout. Alors je me résigne à employer le premier piton. Il a bien sonné et je fais une belle bavaroise de quatre mètres au-dessus de laquelle le terrain est moins délicat, mais je me retrouve sous un autre surplomb. Le même problème se repose, identique et un autre piton me permet de traverser un mur vers un terrain plus accueillant. Un gros bec m'incite à appeler Natole et je suis déjà reparti vers la grande cheminée-fissure que je sens proche. Je m'élève contre la paroi surplombante et je vire sur deux nervures. Le passage est très aérien mais il est copieux en prises, de véritables escaliers pour les pieds. Je suis sur une large terrasse dans la cheminée. En me penchant, je vois tout en bas la caillasse. Je pense que nous devons la surplomber.
Un piton permet d'assurer le second. Quelques flottements pour égaliser les deux cordes. En effet, si la cordée des valets a deux cordes différentes et parle de « tirer la petite » ou bien « du mou à la grosse », la cordée des seigneurs dispose de deux cordes identiques mais que dans nos conciliabules aveugles, d'un point de la paroi à l'autre, nous différencions en appelant la première « l'autre », la seconde « pas celle-là, non, l'autre » ! Le tout était d'y penser.
Il y a deux heures que nous sommes partis. Au-dessus de moi la cheminée paraît bien verticale. Comme d'en bas elle semblait formée de dalles, un simple calcul montre qu'elle est composée d'une succession de dalles coupées de surplombs.
Au-dessus de moi un premier surplomb. A sa gauche, un mur accueillant ; trois mètres au-dessus, au niveau du bec du surplomb, plus rien. C'est désespérément lisse ; pas de fissure. Très à gauche, la dalle est moins inclinée. Un piton permet de s'y rendre et je m'avance par adhérence des pieds. Très haut, sur la dalle, une longue fissure horizontale fournit une excellente prise de main permettant de revenir à droite et, sans difficulté, à la plate-forme supérieure. Une fissure évidente s'élève à ma droite, je la remonte rapidement. Mais, alors que tout à l'heure je nageais dans le genévrier, maintenant j'embrasse à pleine poitrine un rosier sauvage ; et le tout ne va pas sans épines. Deux excellents tranchants de dalles me permettent d'amener mon second. L'escalade toujours très raide et peu fournie en prises, exige un effort considérable. La seconde cordée a un peu de retard ; j'entends les grands coups de marteau frappés par Paul sur les pitons.
Je gravis cinq mètres d'une cheminée et me heurte à un mur surplombant. J'arrive à me hisser assez haut mais tout semble lisse. Pas de fissure pour mettre le piton sauveur. J'en aperçois bien une là-haut, sur le bec du surplomb, mais comment y parvenir ?
je me hisse le plus possible. Enfin, les pieds sur deux très vagues rotondités, largement opposés, n'ayant pour toute prise qu'un bec imbriqué à hauteur du bassin, j'arrive, en m'étirant, à toucher cette fissure. Lentement, je parviens à atteindre mon marteau, à l'amener à niveau. Un premier coup discret... le piton s'est légèrement enfoncé sans voler.. un coup plus fort, puis un autre. Ça y est, il chante! Quelques vigoureux coups, et il est enfoncé, bien solide, jusqu'à la garde. Mais l'effort a été trop pénible et je redescends cinq mètres plus bas pour me reposer et me restaurer.
La fatigue commence à se faire sentir chez mes seconds peu habitués à ce sport... Il faut repartir et le mousqueton a déjà claqué dans le piton. Natole assure dur. Un second piton permet le rétablissement et sur deux bonnes prises je me heurte à un surplomb. A gauche, cela a l'air plus facile. Effectivement, après avoir viré d'un mètre, je suis dans une fissure agrémentée d'un splendide bec. J'en profite pour souffler et amener Natole. Je vire à droite et me lance dans un dièdre. Bien pourvu de prises au début, il est déversé sur la gauche et garni d'herbes. Un premier piton permet de s'assurer et de dégarnir toute l'herbe. Je prends de la terre plein la figure et les cris qui montent vérifient une fois de plus que tout le monde en a eu son compte et que la paroi est désespérément verticale. Sous l'herbe, une excellente fissure permet de planter deux nouveaux pitons. Alors il s'agit de virer avec, comme seule prise, le piton supérieur et d'aller mettre très loin à gauche, le pied sur la dalle blanche. Se rétablir de l'enjambement est difficile car il n'existe aucune prise, et cela se fait à l'extrême limite de l'équilibre.
Une cheminée plus facile me conduit quinze mètres plus haut sur une terrasse où je peux copieusement souffler. Je plante un piton et bientôt Natole apparaît à mes côtés. Je m'élève au-dessus de la terrasse au moyen d'une cassure verticale. Toujours la méthode qui réussit le mieux : opposition extérieure. Je vire deux mètres et rentre dans un excellent dièdre. Je le ramone dans la mousse et le lichen pour trouver à gauche d'excellentes prises qui permettent de se rétablir sur une dalle inclinée agrémentée de baignoires pour les pieds et d'un bec pour assurer les cordes. Natole doit attendre la seconde cordée qui est loin derrière ; j'en profite pour me reposer. Il est 17 heures.
L'attente se prolonge, et je commence à m'inquiéter. La seconde cordée se heurte à de grosses difficultés. Marco, qui a tenu Paul pendant les récupérations, a les bras « sans connaissance ». Quant à Paul, il est tout simplement « écœuré ». Marco arrive en haut du dièdre mais ne peut enjamber , plusieurs tentative restent vaines.

Je décorde alors Natole d'un brin et l'envoie à Marco ; nous relions les deux cordées. Marco, très fatigué, rejoint la terrasse. C'est au tour de Paul et cela ne va guère mieux. Je redescends une corde pour suppléer aux prises. Mais au dièdre, étant étouffé par la corde fixée trop haut sous les aisselles, il la saisit à pleines dents et s'arrache une molaire. Pour nous ce sera le « dièdre de la molaire!»
Il est 6 h. 20. Une double courte échelle de Marco et Natole me permet de franchir un mur surplombant, mais je me retrouve à plat ventre sur une dalle inclinée, avec une seule prise de pied. Je la traverse de gauche à droite, comme une couleuvre, et atteins une première fissure. Elle manque absolument de prises, j'ai beau l'essayer dans ses moindres replis !... Enfin, j'arrive à coincer tant bien que mal un bras et, centimètre par centimètre je la franchis. Je suis sous une fissure surplombante. Une opposition extérieure très large me permet d'y arriver. Au fond, un caillou coincé fournit une excellente prise. Sur cette prise, j'arrive à me hisser, mon pied gauche sur un bec lointain, mon pied droit sur une rotondité. Très haut, à gauche dans une fissure, un tranchant me permet d'assurer mon pied sur le caillou coincé. Maintenant, le suis dans la fissure, bien assuré. Je la ramone d'abord avec les genoux, ensuite avec les pieds. Un dernier coup d'œil entre mes jambes me serre le cœur tant la paroi est verticale, tant la pierraille de la raillère est lointaine. Je disparais dans un cirque gris.
Au-dessus, ça a l'air de passer facilement... et je pousse notre jodel favori que les trois membres de la cordée poursuivent quand je suis à bout de souffle. Du refuge le même cri nous répond.
En un quart d'heure, je fais monter le restant de la cordée. Il est 7 heures. Les visages sont fatigués, mais les sourires clairs ; on est passé !
Nous montons quelques longueurs de corde faciles, mais le jour baisse. Aussi décidons-nous le bivouac. Dans le crépuscule nous redescendons vers une niche que nous avions remarquée et, à la nuit noire, après un dernier rappel, je débouche dans la niche. Il est 19 h. 45.
Par nos cris, nous rassurons nos camarades du refuge. Nous entonnons un chant auquel ils répondent. Et le vent nous enserre en une longue nuit.
Deux personnes seulement se casent, étendues sur le sol de la cavité : une à plat, l'autre de côté. Les cordes servent de tapis de sol et garantissent de l'humidité. Nous n'avons plus rien à manger, ce que nous acceptons avec optimisme après une telle course. Nous dormons d'abord à trois, le troisième se couchant à plat-ventre sur celui qui est à plat. Mais à 2 heures, Marco qui couchait dehors sur une plate-forme, arrive complètement transi et complète l'échafaudage : Paul à plat, Natole de côté, Beroy à plat sur Paul et Marco à la fois couché sur Beroy et Natole. A 4 heures nous avons les corps chauds, les pieds gelés et des crampes. Aussi sortons-nous en rampant par l'ouverture de la niche pour nous recaser, mais assis et les jambes écartées. Nous tenons trois par terre et emboîtés, le quatrième sur les genoux du troisième.
Enfin 6 heures arrivent avec une lumière bien grise. Le temps est franchement mauvais et l'ondée ne saurait tarder. Nous repartons grelottant de froid, ne sentant plus nos mains. Nous récupérons les pitons de rappel de la veille et montons une centaine de mètres pour nous heurter à un ressaut. A gauche une cheminée facile nous amène dans le cirque du Pentagone où nous rejoignons l'itinéraire de la voie normale de la pointe Jean Santé.
Il s'agit de gagner le plus directement possible le sommet de l’aiguille -, nous laissons Marco et Paul prendre la voie normale et nous attaquons cette fin -de course.
Un grand dièdre s'ouvre à notre gauche ; je le gravis ; c'est une succession de blocs coincés et de plate-formes gluantes de mousse et d'humus. Grâce à l'opposition extérieure, je franchis deux surplombs imposants et je me heurte à un troisième bien rébarbatif. Plus loin, je ne ferais que m'enfoncer davantage dans le dièdre. Or, d'en bas, on voyait nettement que le haut de ce dièdre était couronné d'un gros surplomb lisse.
Comme j'ai devant moi la possibilité de virer à gauche, je m'y lance. Pas de prises de pied, mais une excellente fissure horizontale pleine de prismes de quartz où les mains se coincent à merveille. Sur l’arête, je me rétablis sur une plate-forme toute scintillante de cristaux. Un excellent bec me permet d'assurer Natole parmi les replats où l'on perd facilement pied. Il arrive bientôt ayant réussi à cueillir un magnifique prisme d'une grosseur inusitée. Au-dessus la paroi est très sévère, mais j'ai confiance. Je file ving-cinq mètres sur d'excellentes prises el j'émerge. au milieu de genévriers. Un beau mur est devant moi, mais à gauche un pont faible ; en contournant une dalle, de bonnes prises permettent de le franchir. Je suis maintenant sur un balcon aérien, large de deux mètres, long d'une trentaine, crevassé d'immenses fissures où gîtent des choucas.
Le mauvais temps déferle sur le Pic de Peyreget, aussi ne perdons-nous pas une seconde. Je choisis la cheminée qui semble plus commode. Elle se termine quinze mètres plus haut par une fissure délicate ; je recoince mes bras et j'arrive au pied d'une magnifique flamme de pierre. A gauche, la fissure que je découvre semble infranchissable. Je reviens à droite : à plat-ventre, je passe une vire... lorsque un genévrier éhonté glisse une insidieuse branche dans la poche mal fermée de mon anorak et c'est, sur le granit, une cascade de pitons et de mousquetons. Pestant, hurlant, jurant, je continue à virer et parviens sur une plate-forme. Natole descend à bout de corde, arrive au balcon où l'attirail a arrêté sa chute cliquetante ; un seul piton manque à l'appel.
Tout cela ne nous arrange pas, car la pluie commence à écraser de-ci, de-là, de grosses gouttes. Il faut passer vite. A ma droite se trouve une dalle plate qui doit permettre de rejoindre l'arête. Mais je me suis fixé comme but d'arriver directement au sommet.
Juste au-dessus de la terrasse, une fissure rébarbative ; en me penchant en arrière, je me rends compte qu'elle débouche en plein sommet. « Il faut... ». Une courte-échelle me hisse de deux mètres : malgré un pied et une main coincés dans la fissure, je ne monte pas d'un pouce. Par un violent effort de mes mains opposées, je m'élève centimètre par centimètre. C'est très dur car les pieds ne servent à rien et le corps frotte énormément. Enfin, déjeté, j'arrive à une prise de main gauche qui me permet de souffler, de m'écarter de la paroi, de voir mes pieds et de les hisser légèrement ; c'est alors plus facile et je me rétablis quatre mètres plus haut, un col est situé entre deux pointes de l'aiguille. Ouf, j'y suis !
Dans un zézayement d'abeilles et une grêle froide et drue, Natole me rejoint. Nous cinglons vers la brèche où nous retrouvons Marco et Paul grelottant sous un surplomb.
Sans histoire, sous la pluie et la grêle, transis, nous passons la brèche Jean Santé, le couloir Sanchette, l'échappatoire vers le Rein de Pombie, le Portillon.
Une caravane de « Philistins » montant à l'Ossau, nous offre du cognac... stoïques, nous refusons, par crainte d'une défaillance.
Suzon, la caillasse et le refuge sous un déluge extraordinaire de pluie. Il est 9 h. 30.
Mais, Ô miracle ! en une minute nos camarades nous ont déshabillés, déchaussés, frictionnés, vêtus de pull-overs secs et ont mis dans nos mains un quart de thé au lait brûlant.
Nous buvons silencieux pensant à la veille : l'Ossau vient de nous livrer le secret d'une de ses faces... combien en aurons-nous encore ?...
Marcel JOLLY, Membre actif du G. D. J. H. M. (Altitude n°6, 1947)


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