Octobre 1963 - En marge du Penemedaa de François, Hervé et Schmull
(Cf le récit précédent)
A mon grand regret j'ai été retenu à Pau par un évènement familial...
qui n'a pas eu lieu !
Libéré de ce poids insupportable, la journée étant peu avancée, me vient
l'idée de retrouver mes compagnons sur le lieu de leurs exploits, lieu
étant censé être la face Ouest de Pène Sarrières à Gourette.
Enfourchant ma puissante bécane j'arrive rapidement à Gourette et repère
tout de suite la 2 CV de François. Ils n'en ont donc pas terminé avec
leur escalade et je peux, sinon les rejoindre, du moins les encourager
depuis le pied de la face Ouest du Sarrières ou aller les attendre au
sommet de la petite montagne. Si tôt dit si tôt fait, je suis
rapidement au pied de la face. N'y voyant personne je pense qu'ils
ont préféré grimper la face Est, moins
difficile que cette face Ouest, par égard envers Schmull qui est un pur débutant.
Estimant que contourner le Sarrières pour rejoindre la face Est risque
de prendre du temps et par là-même de ne pas rencontrer les joyeux grimpeurs,
j'avise l'arête Sud qui me mènera au sommet tout en surveillant les faces
Est et Ouest. Quel plaisir si j'avais pu les rejoindre sur le sommet !
C'eut été un préalable savoureux à la soirée de fête envisagée au Foufoulant
(voir le récit de François).
J'hésite un peu car je suis en "tenue de ville" et non de grimpeur : simple
pull, pantalon droit et surtout escarpins légers aux pieds. Mais bast !
L'escalade de l'arête est facile malgré son aspect vertigineux. En la
parcourant j'écoute les possibles rumeurs pouvant émerger de la face Est
correspondant aux appels entre les grimpeurs. Mais rien. J'appelle à mon
tour, mais pas de réponse, silence absolu, celui de la montagnee.
Sont-ils déjà descendus à Gourette pendant que j'évoluais sur l'arête Sud
me demandais-je incrédule. Ou alors, pensée horrible, se sont-ils écrasés
au pied de la face Est ? Connaissant les Hervé pitons c'est une triste
éventualité à ne pas négliger. Et que je chasse aussitôt de ma tête, tout
en sachant que cette éventualité n'est pas nulle. N'avions-nous pas, Hervé
et moi et le renfort de "secours", étaient confrontés à la mort en montagne
de trois jeunes étudiants sur la face Sud de l'Ossau (voir le récit de cet
épisode dans un autre dossier ( ), apprendre par la presse qu'un jeune
et sympathique grimpeur venait de se tuer au Balaïtous. Et pas plus tard que
l'an passé la mort brutale du Docteur Paul Nougué à l'Ossau après un dérapage
sur un névé abrupt. Dans les ports bretons n pleur les marins qui ne sont pas
retrés, à Chamonix, haut lieu de l'alpinisme on ne compte plus les veuves de
guides "volés" par la montagne... etc... Dans une famille de montagnards comme
la mienne l'évocation de drames de "l'Alpe Homicide"allait bon train et dès
mon plus jeune âge j'ai écouté, sans toujours bien comprendre mais avec effroi
les histoires horrifiques de disparus de la montagne. C'était en quelque sorte entré dans
la culture familiale.
Et donc ici, ne retrouvant pas mes amis je ne pouvais m'empêcher de penser
à un drame possible. Mais une autre hypothèse tout à fait vraisemblable m'est
venue à l'esprit : et s'ils avaient choisi une autre montagne à escalader.
car ça ne manque pas à Gourette : Penemedaa, Pene Blanque, Are Sourins, Amoulat,
Ger... Que l'embarras du choix. !
De retour à Gourette je croise le regard avachi de la 2 CV de François.
Elle n'a pas changé de place et n'a rien à dire. Personne à l'horizon,
personne attablé en train de déguster une bière bien méritée. L'heure
s'avance, l'inquiétude aussi, les heures passent et il sera bientôt trop
tard pour participer à la fête organisée au Foufouland.
La mort dans l'âme je décide de rejoindre le Foufouland, tant pour essayer
de rassurer ses adorables habitants que pour attendre le retour des enfants
prodigues de la montagne.
Cris de joie de tous les Foufoulandais lorsque je débarque chez eux dans
le tonnerre de la Super-Néocide.Ils pensent que je suis l'éclaireur qui
va annoncer l'arrivée imminente de la troupe. Je ne parle évidemment pas
de Gourette et de mes inquiétudes justifiées ou non. J'explique e plus
simplement du monde que la montagne est un univers complexee dans lequel
on ne maîtrise pas toujours le temps. Ils son trois, avec un débutant forc
ément inexpérimenté, facteurs qui allongent la durée de l'escalade. Mais
le temps est superbe et ils ne vont pas tarder à arriver. Chacun guette
le son familier de la 2CV dans le chemin tortueux qui mène au Foufouland.
Mais rien que le silence de la campagne, un chien qui aboie dans une ferme
oisine, un âne qui braie après on ne sait qui, un hibou qui hulule, une
voiture qui passe dans la vallée. Perplexité.
Les libations tardant à venir Denyse, la mère de François toujours optimiste
et positive, décide qu'une petite soupe serait la bienvenue pour caler
les estomacs qui commencent à crier famine et faire taire les angoisses
légitimes. Puis, vue l'heure tardive les "petits (Nicolas, Claire et Odile)
sont envoyés au lit. Les plus grands sont prêts à veiller. L'ambiance est
morne ce soir, qui aurait dû être si joyeux. Pas de "bouts rimés" ni "d'assassin"
ce soir. Les divers mets confectionnés par les plus grandes s'ennuient dans
la cuisine et perdent leur couleur.
A minuit passées et afin tromper le mauvais sort, Dominique le père décide
de s'avancer sur la route. Peut-^être sont-ils en panne, tout bêtement, et
dans l'incapacité de nous avertir (pas de téléphones portables en ce temps-
là et même pas de téléphone fixe au Foufouland.- pour en trouver un il faut
aller à la ferme Larousse à quelques centaines de mètres du Foufouland, mais
pas à n'importe quelle heure car on se couche tôt à la campagne.
Et nous voilà sur la route en 2 CV à écarquiller les yeux dans le noir, à
l'affut de la moindre anomalie au bord de la route, de l'identification des
rares véhicules croisés et du temps qu'il fait - pas de brouillard en vue,
fréquent du côté de Gourette, pays du Soum de Grum '(brume).
Et nous voilà à Gourette, Gourette endormie, sur la place du . La 2 CV
est toujours là ! Nul doute ils ont couché dehors, à moins que ce ne soit
plus grave. Dans l'obscurité totale nous remontons la Canaule, petit ravin
qui pointe en directions du Penemedaa. Pourquoi sommes-nous allés dans cette
direction ? Mystère. Ce sont maintenant les oreilles qui sont écarquillées.
Nous lançons quelques appels qui se perdent dans l'immensité des montagnes.
Par moments des rumeurs ténues, peut-être d'origine humaine viennent flatter
nos oreilles, prêtes à entendre et écouter n'importe quoi. Un courant d'air
sur les cailloux, le cri d'un renard en chasse, au loin, quelque oiseau (de
mauvaise augure !). Rien de très caractéristique.
Découragés et inquiets nous remontons dans la voiture et regagnons le Foufouland
à près de 3 heures du matin. Ah la belle soirée !
Quant à moi je retourne à Pau et retrouve ma chambre à la villa El Patio
à 4 heures du matin. Même pas la force de ma sustenter quelque peu. Je m'écroule
dans mon lit sans même ouvrir un livre comme à chaque fois que je me couche.
Et les soucis ils seront pour demain. Je crains néanmoins le réveil et le
tapage de ma mère venant m'annoncer, le journal à la main, à grands éclats
de voix, la mort d'un ami proche tel Paul Nougué à l'Ossau, Lucienne Butel
et son fils sur la route ou des parents proches comme mes oncles Gérard et
Yves etc... Les nouvelles vont vite et j'avais peur d'être réveillé par
ce funèbre " Accidentt de montagne à Gourette, trois morts dont... aucun
survivant" clamé par ma mère, personne qui n'avait pas toujours le sens
de la nuance.
Mais le réveil s'avéra plus gai ainsi que le relate l'excellent récit de
François tel que relaté plus haut. Et la grande fête au Foufouland battit
son plein comme prévu.. ou presque. Simple décalage dans le temps. François,
volubile, raconta par le menu les péripéties de leur aventure qui s'est
heureusement bien terminée.
Prélude à d'autres aventures suivies d'autres fêtes !