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28-JAN-1962 Vue auto type selfie

1962 Camping au Bois des Cretets en hiver à Gourette - JMO et Hervé Butel

Menu Quaker

Bois rasé depuis pour cause de pistes de ski.

Samedi et Dimanche 27 et 28 Janvier 1962 – Gourette, Sarrières.
Equipe : Hervé-Jean
Véhicule : Mahaut

François ne peut pas venir, il a la grippe. Un mal pour un bien : s’il n’avait pas attrapé la grippe nous n’aurions pu monter à Gourette, faute de moyen de locomotion.
Départ à 17h30, Hervé et moi. Nous apportons le strict minimum, tant en matériel qu’en bouffe, pour alléger la moto.. La route se passe sans ennuis majeurs. Emotion à Laruns lorsque la chaîne saute et que le moteur se met à rugir furieusement à tous les échos. Dans les rampes sévères qui mènent à Gourette la moto rame et il faut l’aider. Nous atteignons un Gourette désert et noir à 19h20 après avoir percé la mer de nuages qui nous accompagnait depuis les Eaux-Bonnes. Le ciel est scintillant d’étoiles.
Nous avions décidé de camper près du Pene Sarrières. Nous portons l’unique sac énorme à tour de rôle et arrivons relativement vite à destination : le bois des Cretets. La neige non damée de la fin du parcours commençait à nous en faire baver. Un emplacement est vite trouvé et aménagé et nous ficelons la tente aux arbres environnants. Hervé s’attend à bénéficier d’une couche moelleuse grâce à la poudreuse qui couvre le sol. Grave erreur ! Dès que la neige est tassée elle devient dure comme pierre. Toute la nuit Hervé ne cessera de sacrer contre cette damnée neige qu’il martèlera à coups de poings pour tenter en vain de niveler trous et bosses. Sans compter que cette neige compactée apporte son conyent de froidure à travers le mince tapis de sol.
Mais avant d’attaquer la nuit nous nous restaurons grâce à notre « mets spartiate », recette Herr Wick : quaker à la soupe, soupe aux quakers, quakers secs, quaker à la neige etc… Nous enfilons ainsi des litres de préparations quakerisées jusqu’à plus faim et plus soif. Nous les entendons bouger dans nos estomacs lorsque nous rentrons dans nos duvets, repus.
Durant la nuit le froid s’insinue partout progressivement, et il est vif. Notre palace est tout sauf confortable. Je m’enfonce le plus possible dans le duvet, je cale mes fesses sur les grosses moufles himalayennes empruntées à mon père afin de m’isoler du froid de la neige. Mais malgré un froid aux pieds persistant j’arrive à dormir. Quant à Hervé, mort de froid, il passe une nuit blanche.
Nous ouvrons officiellement l’œil à 8h dimanche matin. Le temps de préparer le quaker-déjeuner je me rendors. Bien calés nous partons à l’assaut du Pene Sarrières munis d’une petite boîte de Criquas chacun accompagnée d’un petit morceau de pain. Appareil photo, toujours. Corde de 30 m et crampons aux pieds.
Nous grimpons sans mal les pentes herbeuses de la voie normale du Sarrières mal recouvertes de neige. Un ou deux ressauts un peu raides et c’est tout. Le brouillard matinal qui avait participé au givrage des arbres et des haubans de la tente se dissipe par vagues. Il laisse progressivement émerger les sommets voisins, traits de lumière fulgurants sur fond de ciel bleu presque noir. C’est vraiment splendide. Sanctus, Penemedaa et Ger prennent des allures impressionnantes de pics alpins.
L’ambiance très haute montagne est vite perturbée par l’arrivée massive de minuscules animalcules pendus à des fils de fer mobiles, au pied du Sarrières. Que tout cela nous semble futile. Ici, là-haut, nous sommes tranquilles. Mais ces humains matérialisent aussi notre isolement, ce qui contribue un instant à l’émergence très subtile du sentiment de l’enfant perdu sur une plage, heureux d’être libre, mais inquiet d’avoir perdu ses parents [voir En Vélo à la Mer].
Mais ces sentiments sont chassés aussi vite que le vent disperse les derniers lambeaux de brouillard autour des pics resplendissants.
Nous voici au sommet, avec, au Sud, le premier gendarme de l’arête Sud du Sarrières, très marqué et très impressionnant, suspendu au-dessus d’un vide inquiétant d’un côté comme de l’autre. Rien à voir avec la vision de l’été. Photos.
Nous nous encordons et ôtons les crampons pour effectuer la descente sur rocher sec vers la brèche qui nous sépare de l’arête. Descente sans difficulté mais sur un rocher qui ne sous plaît pas : mal travaillé, trop d’écailles, trop pourri. La pente neigeuse, qui monte sur le gendarme et qui nous paraissait très raide vue du sommet, s’humanise beaucoup avec notre nouvelle perspective. Du gâteau ! Nous n’en ferons qu’une bouchée ! Et de partir allègrement sans plus d’inquiétude. Las ! Au bout de quelques pas je dérape brusquement, sans rien pour me retenir. Le piolet ne sert à rien. En fait une mince couche de neige poudreuse recouvre la dalle uniforme qui monte en pente douce vers le gendarme et la transforme en patinoire. Je ne peux progresser qu’en m’aidant de quelques touffes d’herbe et m’arrête au milieu de la dalle. Je fais venir Hervé qui, lui aussi, dérape tant et plus.
Je décide de mettre les crampons, mais c’est guère mieux qu’avec les Vibram. Les pointes des crampons ripent sur le calcaire dur. Que faire sur cette dalle glissante au possible et sans ressources pour se retenir, sans autre assurance. Nous n’avons pas la solution de ce problème très particulier. Balayer la dalle ? Venir en chaussons souples ? Pieds nus ? A plat ventre en reptation natatoire car à quatre pattes nous y sommes déjà ?
Après une ultime plaque d’herbe qui accepte la panne de mon piolet je ne peux plus m’élever. La descente m’inquiète. Et pourtant la neige poudreuse est recouverte de traces de pas de lapins. D’où viennent-ils et que font-ils ici dès potron-minet ? Ils n’ont apparemment aucune difficulté pour circuler sur ce terrain qui ne veut pas de nous, nonobstant quelques petits dérapages qui ont laissé des traces rigolotes.
Ma qué ! Ce qu’un misérable petit lapin (alpiniste néanmoins et sans doute lièvre variable de montagne, donc blanc en hiver) arrive à faire, un homme doit pouvoir le faire, Meca Boundios ! (Juron Herr Wick). Ces lapins nous ont donné du courage au moment où nous étions prêts à renoncer. Je repars. A force de scruter la pente et de réduire nos exigences, j’ai repéré une suite de petites touffes d’herbe (qui ont échappé aux lapins !) qui pourrait me permettre d’avancer sur la dalle. De touffe en touffe je progresse, miné quand même par une sourde inquiétude quant au retour si ça ne passe pas. J’établis un relais sur le piolet planté sur une touffe d’herbe (!).
De là je parviens sur le fil de l’arête et de là constate que la progression risque de devenir vite sinon impossible du moins longue et très difficile. Il serait nécessaire de faire des détours importants. Le temps nous manque, il faut revenir. Et de réaliser à nouveau combien ça plonge à droite et à gauche de l’arête avec un fabuleux tremplin pour décoller. J’ai une idée, et demande à Hervé de m’assurer sec. Je m’assoie sur la dalle enneigée et me laisse glisser sur le cul. Bonne surprise, la neige, en s’accumulant, finit par freiner le convoi et permet de maintenir une vitesse raisonnable afin d’éviter un dérapage fatal. Youpiii ! La neige a aussi la bonne idée de ne pas partir en plaques. Comme quoi l’idée du chausson de feutre style lapin des neiges n’était pas si mauvaise. Pour la prochaine fois si des conditions identiques se rencontrent, ce qui est hautement improbable.
La descente de la dalle est donc une simple formalité remplie en quelques minutes alors que nous avons mis des heures pour la grimper. Nous nous installons confortablement à la brèche, sous le sommet et à l’abri du vent, pour déguster de succulentes Criquas au doux soleil de Janvier.
La descente sur le versant nord du Sarrières est vite enlevée, le camp plié rapidement et à 15h nous sommes à Gourette, grouillant de monde et de skieurs dont nous nous gaussons abondamment, de Labadot en particulier (président de la section de Pau du CAF) piteusement et comiquement accroché à une petite ficelle servant de monte-pente. Nous prenons un Pschitt au Bar des Neiges, lieu rêvé pour exercer nos talents de futurs anthropologues ou ethnologues (le métier rêvé d’Hervé). Puis nous prenons la route.
Hervé veut dire au-revoir à François, ou au moins prendre de ses nouvelles. Tu parles ! Nous arrivons sans encombre à l’entrée du chemin désastreux qui conduit au chalet de la bien-aimée Foufouland Family. Mais là Maw-Maw se rappelle à notre bon souvenir : la voilà qui lance un pet retentissant et qui s’arrête. Le boulon principal du moteur [qu’es aco ?] a sauté. Nous arrivons à réparer et débarquons cez la lumineuse famille qui n’attendait que nous, surtout Marie qui était en panne sur un problème de maths. Voilà un domaine qui échappe à Hervé ! Je me fais évidemment un plaisir d’aider Marie. Comme j’aime ce prénom ! Et François, comment va-t-il ? Oublié !
Mais la journée n’est pas terminée. Après le Sarrières, après le Foufouland il nous faut honorer de notre présence deux places de théâtre au casino de Pau, retenues par le journal l’Eclair, à condition que nous fournissions un compte rendu. Course effrénée pour nous changer et arriver à l’heure. Nous bénéficions du premier rang des fauteuils d’orchestre, s’il vous plaît, pour voir jouer Darry Cowl dans la pièce Jean de la Lune de Marcel Achard. Il n’est pas mauvais. C’est Hervé qui rédige le compte-rendu pour l’Eclair. Pas mal du tout.


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