Dimanche 9 Octobre 1960
Equipe Hervé-Jean. Véhicules : vélo et Mobs. Trajet : Pau-Arudy et retour.
Rappel à la Cima Ovest
Début d’escalade de la voie Cima Ovest
Dans quelques jours, bac en poche, j’attaque les études supérieures
au Collège Scientifique Universitaire de Pau. J’ai eu la chance
que cette antenne de la Fac de Talence-Bordeaux soit créée à Pau,
sur l’emplacement d’une ancienne pépinière [accessoirement le mur
de 3 mètres en galets du gave qui fermait l’ancienne propriété
et qui nous servait de « pan » d’entraînement à Hervé et moi le
soir après l’Immac et le Lycée, a été détruit, et « la Placette
» qui lui faisait face couverte d’immeubles.
Chance partielle néanmoins, car ne sont enseignées au-delà de la
propé MPC (Maths-Physique-Chimie) et dans un premier temps,
que les sciences physiques dures, managées par une sorte de
fou. Cela me fera « perdre du temps » avant que la Chimie
n’investisse les lieux et que les charmantes Dorothée et
Elisabeth ne s’y invitent.
Une nouveauté pour gagner Arudy : Hervé a déniché une petite
pétrolette. Elle est hors d’âge et un peu poussive, mais elle
devrait nous aider à gagner un peu de temps et économiser la
fatigue, la pétrolette tirant le vélo. Je prends le vélo de
Hervé (le mien a un pneu crevé) et m’accroche à son épaule.
Et vogue la galère. Sur le plat c’est presque grisant (et sans
doute interdit par le code), mais quand ça monte c’est juste
s’il ne faut pas pousser Titine. Tout va bien jusqu’à la côte
du Mourre où il faut appuyer fort sur les pédales. Et c’est là
que le cadre du vélo de Hervé que je monte casse net ! Nous
parvenons malgré tout à Arudy en espérant que ce soir une
voiture viendra nous prendre, car le père Ollive nous a laissé
entendre qu’il reviendrait peut-être à Arudy faire un peu
d’escalade. L’espoir fait vivre, et à 10h15, sans autres soucis,
nous sommes au pied de la grande falaise des rochers de la
Fonderie et commençons par un petit casse-croûte dans la caillasse.
Pour nous faire une idée plus précise de l’impressionnante paroi
« Cima Ovest », entièrement surplombante, nous envisageons de la
descendre en rappel sur un descendeur que j’ai mis au point en avril
dernier. Hervé fera le premier rappel et je ferai des photos, avant
de descendre à mon tour. Pour gagner le sommet de la falaise Hervé
opte pour un couloir broussailleux à droite (W) de la falaise et
qui commence non loin d’une grotte. Un obstacle impossible à franchir
l’oblige à redescendre le couloir en rappel (un vrai couloir de
Gaube avions-nous pensé à l’époque – s’il savait le pauvre !). Que
de temps perdu !
Hervé repart à gauche (Est), merdoie quelque peu et finit par
poser le rappel. Le bas de la corde se trouve à 20 mètres de la
paroi ! Quel dévers !!
Hervé se trouve en plein ciel au cours d’une descente aérienne
au possible. Je fais 10 photos de tous les endroits possibles
que je peux atteindre.
Ensuite c’est à mon tour d’éprouver ces sensations uniques.
Il faut se foutre un certain coup de pied au cul pour entamer
la descente, c’est quelque peu glaglatant mais devient rapidement
« formid ». Grâce à la bonne corde nylon toute neuve d’Her
rwick
je n’effectue aucun tour sur moi-même. L’anneau de corde qui
soutient les cuisses et fait office de baudrier rend la descente
confortable et permet d’atténuer les effets pervers de la corde
qui oscille de haut en bas à cause de sa souplesse et de droite
à gauche à cause du vent.
La descente en rappel nous a permis de constater que le rocher
a l’air bon et suffisamment travaillé pour permettre l’escalade.
Un cheminement possible est identifié. Nous l’attaquons tout de
suite en partant à droite des
énormes surplombs de base, une vraie caverne en fait, pour
rejoindre ce qui nous semble une traversée qui nous conduira
à la ligne entrevue au cours du rappel.
Après bien des tentatives nous arrivons à placer un anneau de
corde autour d’un arbre mort qui a poussé dans la paroi au
début de la traversée que nous voulons effectuer. A partir
de l’arbre la progression est horizont
ale ; un piton est placé qui nous permet d’avancer un peu dans
la traversée obligatoire et de nous rapprocher du dièdre
surplombant qui marque le début de la ligne qui conduit au
sommet. Nous n’y sommes pas encore !
La journée avance et personne à l’horizon pour venir à notre
secours pour le retour à Pau. Il ne faut donc pas tarder,
car il nous reste le vélo cassé à réparer autant que
faire se peut. Un système d’atèles en bois de piquet de
clôture et de fil de fer permet de réduire la fracture
ouverte du cadre du vélo. Malgré une certaine « souplesse »
de l’ensemble le vélo est utilisable. Un peu d’essence à
Arudy pour la Mobylette et hue cocotte vers Pau ! Le
parcours prend un temps raisonnable malgré le clou asthmatique
qui n’aime pas la vitesse, la pluie qui s’invite une fois de
plus et la crevaison du pneu avant du vélomoteur…