Entrée en 5ème en Octobre 1953. Hervé qui a suivi les mêmes classes que moi
est expédié au petit séminaire de Nay pour devenir curé. Il n’y fera pas
des étincelles et changera de crémerie, étant muté chez les jèzes (jésuites)
de Sarlat. Malgré leur rigueur et leur sévérité ils ne réussirent pas à
faire passer le bac à Hervé, réfractaire absolu à tout ce qui ne l’intéressait pas.
1954jm : 12 ans-13 ans - Année scolaire 5ème à l’Immac. Le prof principal
est l’abbé Etcheverry (Etché), qui finit par me balancer, content de lui,
que je suis un élève très moyen, contrairement à ce qu’on lui avait raconté.
Sur quoi se basait-il pour proférer un tel jugement ? J’en restais perplexe.
Pour ce sanguin point de salut hors de la profession de boulanger-pâtissier
! Il nous fit décorer les murs de la classe avec des photos récupérées par
les élèves dans divers magazines [Ce fut le cas également en troisième avec
Ratus l’abbé Duverger qui, lui, nous demanda d’expliquer notre choix par
écrit]. Parmi ces photos celle de la reine Elisabeth II qui venait d’être
couronnée. Et le père Etché de pleurer sur cette beauté qui était promise
à l’enfer, n’étant pas catholique. Pourquoi ça, pensions-nous, interloqués.
Etché finit ses jours à Rébénacq. Nous l’apercevions sur la place du village,
assis sur un banc en compagnie d’autres vieux, lors de nos randonnées en
vélo vers Arudy. Je retrouve l’inénarrable abbé Bourdet comme prof de Maths ;
à ceux qui ne comprennent pas ses explications abscondes il leur écrase
le chiffon de craie sur la figure ! Tous ses cours se font fenêtres ouvertes,
même s’il gèle. En Anglais c’est l’abbé Lazorthes, une terreur, bien
plus « civil » que curé. Grand « explorateur » de la Laponie, Terra
presque Incognita à l’époque.
En Juillet petite expédition en train jusqu’à Bielle, puis à pied au
Bénou, seul avec Mam. Cueillette d’édelweiss au Rocher d’Aran. (voir
à 1965jm). Entrée en 4ème en Octobre.
1954 c’est l’année de l’Apprentissage de la photo et découverte
inattendue suggérant l’épisode imaginaire d’un romantisme cru, pour ne
pas dire plus
Mon père m’apprend donc cette année-là la photo de A à Z, chimie,
pellicule, papier, agrandisseur, développement, tirage et m’a prêté
un vieil Zeiss Ikon 4.5x6 qui me fit long usage et m’offrit une boite
de marque ULTRA FEX (France Fexar Optic), faisant des photos de beaucoup
moins bonne qualité que le Zeiss et de format 6x9 gourmand en pellicule.
Le petit ZEISS IKON magique
Et pourtant si simple ! Le Zeiss n’avait que trois vitesses d’obturation
possible (1/25, 1/50, 1/125ème de sec.) mais l’avantage prodigieux d’avoir
un système mécanique capable de retarder le déclanchement de l’obturateur.
Le selfie était né. J’ai usé régulièrement de cette possibilité afin de
figurer sur certaines photos en compagnie de mes compagnons de courses.
Pas de cellule, les réglages se faisant au jugé. Les résultats étaient
cependant excellents la plupart du temps et certains de mes meilleurs
clichés ont été obtenus avec cet appareil léger et compact grâce à son
soufflet. Il avait fait ses premières armes avec le maître es photos
Noir&Blanc Jean Bordenave dans les années 1930 et est toujours opérationnel
en 2021 bien que désormais au musée. C’est grâce à lui que j’ai vraiment
appris à « faire de la photo ». Je lui en suis immensément reconnaissant,
et que du fond de la vitrine dans laquelle il doit sans doute broyer
du noir - un comble - il veuille bien me pardonner de l’avoir laissé
tomber pour une ribambelle d’appareils de toutes sortes, avec la recherche
permanente de l’impossible perfection et en tous cas celle du plaisir
primordial qu’il m’avait procuré - et sans doute jamais retrouvé.
Tous les clichés 4.5x6 cm N&B et même couleur qu’il m’a offerts sont
conservés et classés pieusement, hormis quelques-uns, et pas des
moindres [couloir de Gaube, Ossau...] empruntés par Hervé, jamais
rendus et sans doute perdus. Une habitude chez lui.
La photo ! Un rêve devenu réalité. La magie d’une image qui apparaît
progressivement sur le papier photo plongé dans le révélateur, dans
l’ambiance mystérieuse procurée par la parcimonieuse lumière rouge du
labo (ou de l’endroit qui en tient lieu - en l’occurence le bureau
paternel pour les premiers essais), le tout dans un silence religieux
pour ne pas déranger les courageuses petites molécules qui se dépensent
sans compter pour créer l’image désirée. Quel plaisir ! Quelle joie !
Quelles récompenses !
Avant même de réaliser mes propres clichés, je me suis précipité sur
ceux que mon père stockait dans une armoire et me suis mis à tirer
à tout va tous les négatifs que je trouve en utilisant le vieil agrandisseur
qui dormait dans un coin depuis des années et ne demandait qu’à servir.
Je réussis quelques beaux agrandissements, dont celui de la face
NW de l’Ossau réalisé par G. Arruyer, (que je possède toujours)
sur des papiers photo d’au moins 10 ans d’âge, mais toujours vaillants !
C’est à cette occasion que j’ai exhumé une pépite que mon père s’était
bien gardé de mettre en évidence : « shooting » sur un sommet anonyme
d’une série d’exhibitions de son copain Jean Mole, joyeux drille
en ce temps-là. En premier lieu Popo y apparaît, c’est déjà un motif
de censure prioritaire. Ensuite, l’honorable pharmacien à la mine
désormais compassée auquel on donnerait le bon dieu sans confession,
pourrait, à la limite, intenter un procès pour atteinte à sa vie privée.
(Suite dans dossier privé).