Hiver 1945-1946 – Ski à Barèges
Robert, Maïté, Chatou, Christine
Mes premières expériences de skieur avec Christine durant l’hiver 45-46 à Barèges
Les tenues des valeureux skieurs ont été réalisées par Mam avec la
machine à coudre de Cra-Cra, propriétaire crasseuse du studio loué à Barèges.
Barèges c’est une rue bordée des deux côtés d’immeubles d’habitation,
d’hôtels, la station du funiculaire du Lienz, l’Ecole Militaire, un hôpital.
Nous habitions chez Cra-Cra, dans un immeuble situé à droite en montant la rue,
qui est fort pentue, les cyclistes vous le diront.
J’ai le souvenir d’un hiver glacial et très neigeux. Des monceaux de neige
s’accumulaient devant l’entrée de l’immeuble. La rue était encombrée de
congères de neige disséminées un peu partout par les chasse-neige. Ce n’était
pas un hiver pour rire dans ce village situé à 1250 m et se nichant dans de
vastes montagnes pourvoyeuses de froid.
Les tout jeunes enfants que nous étions, Christine et moi, 3 et 4 ans,
n’allant pas à l’école, ne pouvaient rester à longueur de journée confinés
dans un petit appartement glacial, car non chauffé étant données les pénuries
de toutes sorte de l’immédiate après-guerre. Les parents nous équipèrent tout
à la fois de vêtements pour affronter le grand froid et, luxe suprême, de
skis adaptés à notre petite taille. Ce qui paraît évident aujourd’hui a sans
doute nécessité des trésors d’ingéniosité à l’époque Quelle fierté pour nous
! Nous allions pouvoir suivre les « grandes personnes » qui montaient au
plateau dit du Lienz (1500 m) au moyen d’un funiculaire à crémaillère. Ce
voyage, déjà, nous enchantait. Au Lienz nous étions dans un autre monde,
loin de Barèges que nous ne voyions plus. Ici rien que de la neige, des
pins, et des montagnes qui nous paraissaient immenses. Débarqués sur la
lune nous n’aurions pas été plus étonnés, ébahis et passablement inquiets.
Moi surtout, car Titi n’avait peur de rien, baignant dans une inconscience
béate et heureuse des choses qui l’entouraient.
Skier sur le plateau était facile, les pentes étaient douces et couverte
d’une neige poudreuse légère et moelleuse lors des chutes. Idéal pour faire
ses premières armes et se prendre rapidement pour un champion de la discipline.
Nous avions l’avantage, nous les mioches, d’avoir déjà chaussé les skis dans
le jardin de la Petite Maison, à Pau, et fait divers exercices de base sur
l’herbe afin de maîtriser un tant soit peu ces planches en bois, malcommodes
au possible pour un jeune enfant turbulent.
Mais bientôt finis les jeux faciles de gli-glisse dans ce décor digne
de Samivel [je n’avais pas encor lu La Légende du Ski, illustrée par Samivel,
justement, d’images féériques]. Il est l’heure (avec les adultes c’est
toujours l’heure !), il faut revenir à Barèges. Naïfs, mais intelligents
et organisés nous pensons rentrer en utilisant le funiculaire. Logique,
non ? Sauf que, vue l’heure, il ne fonctionne plus. Catastrophe ! Où aller,
où ne pas aller ? Descendre à pied comme les peigne-culs ? jamais !
Reste à suivre le flot des skieurs qui descendent vers Barèges.
Au début, rien de notable, la pente reste civilisée. Mais plus nous
descendons plus la pente devient sévère et plus la neige se couvre de
glace lorsque nous abordons l’extrêmité d’une sorte d’entonnoir qui se
termine par un chemin étroit et verglacé conduisant à Barèges. Il nous
faut des prodiges d’équilibre pour maîtriser nos petits skis sans carres
et ne pas prendre trop de vitesse. Les vibrations dans les jambes sont
terribles Mais nous y arrivons sans tomber ! Quelle fierté !
En 1946 Eté à Cauterets (à moins que ce ne soit en 1944 ?)