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16-Aug-2025

24 janvier 1965 - Difficile Fissure aux Faces Nord de Sesto

Photo : mettre image difficile fissure gravie par jm
Page 461 du Carnet II (Carnet III p. 108)

Dimanche 24 Janvier 1965 – Sesto, Faces Nord et Difficile Fissure.
Equipe : Chantal, Yannick, Jean.
Véhicules : Moto (Chantal et Jean), 4L (Yannick a été transporté
par des copains militaires).

Yannick nous siffle depuis la Pointe Centrale dès qu’il nous
aperçoit dans le pierrier. Le temps est radieux et il prend un
bain de soleil en petite tenue. Le cirque est magnifiquement
éclairé par ce soleil d’hiver à la lumière vive et rasante. Ses
rochers blancs, tachetés d’ocre, jaillissent vers un ciel d’un
bleu profond. Quelle beauté !
Il y a un compte à régler : la Difficile Fissure [Cette façon
d’écrire s’inspire d’un passage-clé de la face Nord de l’Eiger
que ses auteurs ont pris l’habitude de nommer ainsi – on a des
lettres ou on n’en n’a pas].
Nous cavalons donc vers la Difficile Fissure que Yannick tient
absolument à franchir.. Au pied de l’obstacle il ne réfléchit pas
longtemps : il tapote le coin de bois de départ placé précédemment
et s’élance d’un jet, littéralement, tel un missile. Jette rapidement
un coup d’œil plus haut et redescend. Cela deux ou trois fois. La
troisième fois il vérouille ses poings dans la fissure pour progresser
et disparaît rapidement de notre vue derrière un repli du rocher.
Cette action volontaire ne laisse pas de nous impressionner,
Chantal et moi. Mais ce n’est qu’un début !
Sa corde file un peu et nous l’entendons planter un piton. A partir
de là ce sera une bataille à couteaux tirés pour s’élever cm par
cm en utilisant tout ce qui lui tombe sous la main, morceaux de
bois, ficelle, coins, clous etc. pour finalement surmonter l’obstacle
non sans en avoir bien bavé et m’avoir menacé de me tirer les oreilles
pour l’avoir envoyé dans pareille galère !
Ces menaces pour rire s’adressent à un « assureur » qui gèle sur place
à cause du froid et qui n’a même pas osé estimer le temps mis par le
leader pour sortir de cet enfer. Il est temps de se réchauffer ! Ou
de montrer de quel bois se chauffe le maître des lieux à cet alpin présomptueux.
J’arrive très rapidement au premier piton qu’il a planté. Jusque-là
tout va bien. Au-dessus le rocher est gluant, genre patinoire. Il y a
de quoi hésiter. Deux coins de bois jumelés sont censés protéger le
passage. Très moral comme assurance ! A peine suis-je engagé dans le
passage que mes pieds dérappent et que je me rattrape in extremis.
Sueurs froides car la corde d’assurance est très oblique, ce qui
augurerait d’un beau pendule en cas de dévissage. J’en oublie un moustif.
Je peux ensuite souffler sur un léger replat. Et ce n’est qu’un début.
La fissure se couche ensuite à droite au-dessus d’un ventre proéminent
et bute sur un affreux surplomb trempé, et, plus grave, boueux !
Un énorme coin de chêne (fabriqué à partir d’une solive d’El Patio)
à peine pincé entre deux excroissances de solidité douteuse m’inspire
tellement peu de confiance que je n’ose le toucher. Les pieds partent
en tous sens. Mais comment a-t-il fait ? Dans le surplomb pend un étrier
accroché à un caillou vérouillé dans la fissure. Un ancêtre néolithique
des futurs coinceurs des années 80 ! Yannick est vraiment un précurseur.
Je rampe ensuite littéralement en tentant d’accrocher toutes les parties
du corps sur les moindres aspérités de ce rocher lisse et dégoulinant.
Je vise un dernier coin de bois, particulièrement long, qui, lui, a l’air
de tenir. L’ayant dépassé, et toujours en rampant, je parviens à un bloc
branlant auquel est attachée la ficelle du marteau. Un chef d’œuvre ! Il
faut encore opter pour une reptation verticale pour enfin avoir accès à
des racines de buis robustes qui permettent le rétablissement final au
moyen d’une grande traction. Victoire ! Congratulations joyeuses. Il est
sympa ce copain ! Aussi heureux que s’il avait vaincu le formidable
pilier Ouest du Makalu – ce qu’il réalisera quelques années plus tard,
l’année de ses 30 ans.
Chantal monte nous rejoindre par la voie normale et nous regagnons le
bivouac de Sesto où Yannick écrit immédiatement la note technique de
la fissure sur le Livre d’Or. Nous désirions enchaîner par la voie
qu’il a ouverte récemment au groupe du Refuge, la Piou-Piou, mais ses
copains viennent le chercher. Ce sera pour une autre fois.
Il nous annonce qu’il est possible qu’il parte en avril pour une expédition
de cinq mois afin de gravir des flèches de granit de 2000 mètres, dans
la région du glacier du Baltoro, dans l’Himalaya. Depuis Arudy, Sestograd,
tous les rêves sont possibles, même les plus impossibles. Nous restons songeurs…

Remarque : J’ai grimpé cette fissure 20 ans plus tard sans aucun problème.
Rocher sec sans doute, passage équipé, chaussons d’escalade aux pieds
au lieu des « grosses » lourdes et raides, un bon entraînement à la clé…
tout ce qu’il faut, mais comparaison n’est pas raison entre l’exploit
de l’ouverture par le bas et la répétition en conditions idéales.

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