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Fev 1962 Roux d'Oloron

Gourette station de riches

Vendredi et Samedi 16 et 17 Février 1962 – Gourette, ski au pays des riches
Skieurs : Hervé, François, Jean

Premier ski de l’année !
Mr. Fougère, très serviable, devait nous transporter en 2CV vendredi soir, dès l’arrivée de François depuis Bordeaux par le train. Je suis disponible, mais pas d’Hervé à l’horizon. Cette séance de ski à Gourette était destinée à améliorer la technique du ski pour Hervé et François.
Cet affolé d’Hervé, persuadé (mais par qui ou par quoi) à moins que ce ne soit un prétexte pour courir la gueuse en toute tranquillité, persuadé donc que François et moi ne voulions rien faire (c’est sa version, pas la nôtre), s’était fait conduire par son père à Gabas avec son vélo et cela sans rien nous dire. Mystère.
Le lendemain, lorsque nous apprenons la nouvelle il ne nous reste plus que rallier Gabas nous aussi, avec les skis. Avant de partir je déjeune avec François et la FouFou Family. Nous prenons la route avec la 2CV, Mr et Mme Fougère qui tenait à retrouver Hervé, François et moi et les skis.
Entre Gan et Rébénacq que ne voyons-nous pas ? Herrwick pédalant comme un dératé en direction de Pau. Il y avait trop de neige pour son projet (d’où nous étions exclus de facto) et il ne pouvait plus avancer. Que ne m’a-t-il demandé conseil cet idiot !
Toujours est-il que, pendant que nous ramenons Mme Fougère au chalet, Hervé a rejoint la maison familiale. Nous le récupérons plus tard chez lui, ainsi que son matériel et en route pour Gourette que nous atteignons à minuit et ½. Nous voilà échoués dans cette station endormie. En avril 1959 j’étais aussi parvenu à cette station en vélo, en compagnie d’Hervé et de Jean Minville, au milieu de la nuit. Nous avions trouvé « refuge » sur la terrasse-véranda du chalet de Pyrénéa-Sport où nous avons bivouaqué de façon spartiate. Mais ce soir rien pour pieuter. Nous avisons un grand bâtiment qui abrite le Centre de l’Education Nationale. Nous y distinguons des lumières. Et après pas mal d’explorations déambulatoires et d’hésitations nous pénétrons (sans effraction) dans ce qui doit être le réfectoire et nous planquons derrière des tables.
Nous prenons le temps de nous faire réchauffer un bouteillon de nourriture sur notre petit mirus. Des bruits s’apparentant à des ronflements assourdis attirent notre attention : un dortoir de filles jouxte le réfectoire. Grosse rigolade des apprentis-satyres qui mataient les minettes en train de dormir par les trous de la porte. Bref, vers 3h du matin nous fermons un œil pour le rouvrir à 6h, réveillés par la sourde inquiétude du squatter qui n’est pas chez lui, et aussi par la présence des filles et la méconnaissance totale des coutumes de la maison. Il ne manquerait plus dans le tableau qu’elles crient au viol !
Levés nous grignotons un peu pendant que le jour se lève sur une journée splendide. Nous sommes prêts à partir lorsqu’un olibrius style pédago vieille génération Educ-Nat vient nous faire chier. On le laisse aboyer en rigolant. Ah elle est belle l’hospitalité de l’Educ-Nat. Le connard continue à éructer comme un phoque affamé alors que nous nous enfonçons dans la station qui se réveile à peine.
Mais ce n’est pas fini. La station vient juste de se réveiller donc et les fonctionnaires qui la gèrent sont tous de mauvaise humeur. La mère Caillau se montre très désagréable quand nous lui demandons comme un service de mettre nos sacs dans un coin pour la journée. A la gare des « œufs » le préposé pousse des beuglements de chèvre malade parce que ce n’est pas l’heure et que nous sommes trop près des « paniers » qui tournent et nous éjecte de la gare. Il aurait disposé d’un fusil il aurait tiré sur nous. Plus loin nous mettons quelques instants pour comprendre que des cargaisons d’injures obscènes nous sont adressées parce que nous empruntons la piste d’un téleski à l’arrêt etc. Il en faudrait moins pour que nous ne nous sentions de trop dans cette putain de station et ces petits gourettois qui se prennent tous pour des grands chefs. Ah ! c’est facile de cracher inpunément sur la piétaille. Venir faire du ski à Gourette ? Quelle idée de riches avons-nous eu dans un instant d’égarement de vouloir faire du ski à Gourette ? Aussi élégants que des égouttiers au retour de leur travail nous étions repérables de loin au milieu de cette population de skieurs pomponnés, fardés anti-soleil, lunettes Ray-Ban siglées, vêtements up-to-date, skis Rossignol et chaussures en plastique de l’année, alors que nous étions équipés de vieilles planches en bois réformées et trouvées au fond d’une cave, fixations primitives « longues lanières » et souliers de cuir, véritables objets de musée, d’une sobre élégance et d’une efficacité très XIXème siècle. Sans compter les bâtons à grosses rondelles spéciaux neige profonde. Oui nous étions équipés de pied en cap mais nous faisions tâche dans cet univers artificiel et prétentieux. En fait, sans le dire, nous détestions tout cela. Un concentré d’exécrabilité.
Au bout d’un moment, avec un peu de patience à nous geler dans l’air glacial du petit matin, toute la machinerie véhiculeuse de Gourette s’ébroue et se met en route dans le ronronnement de ses moteurs et le cliqueti de ses remonte-pente. Le guichet de la vente des tickets s’ouvre enfin. Après quelques hésitations légitimes nous achetons une carte de journée et prenons le remonte-pente de Cotch.
Je retrouve vite les réflexes de base, mais les pauvres Hervé et François qui n’ont jamais pris de remonte-pente chutent à mi-parcours. Nous aurons du mal à nous retrouver au milieu de la population skieuse.
Je descends plusieurs fois la piste de Cotch, de plus en plus vite. Je me grise de vitesse, j’arrive à prendre schuss des pentes bourrées de grandes bosses. La technique des virages laisse parfois à désirer, mais ça passe et je file. A mesure que la vitesse croît je me ratatine sur moi-même pour mieux encaisser et ça y va ! Je m’amuse. Mais que c’est rapide et la piste vite avalée. Voilà quelques bosses à contourner, celles-là au relief très accentué à sauter et quel beau saut ! et déjà il faut envisager le coup de frein car c’est la fin de la piste. Sans compter les nombreux skieurs à éviter dans la foule compacte qui descend de Cotch et dans le grouillement humain du bas des pistes. Il faut y aller franchement et ne pas hésiter.
J’ai la chance d’effectuer une descente avec Jean Minville que je n’ai pas revu depuis le 28 Juin 1960 à Pombie. Nous sommes tout heureux de nous revoir quelques instants car, avec la loterie des montées et des descentes nous ne nous revîmes plus de la journée. Vers 13h30 je rejoins Hervé et François assis à la terrasse d’un bar.
Au cours de nos agappes nous voyons beaucoup de monde : Popo et sa fille Anne-Marie, Guy Ruez, Massios et sa femme, cet affolé de Richardson et son copain Podevin, Galatoire et sa famille, Marcel Besson et sa sœur, l’Hoste (prof SVT au Lycée Louis Barthou à Pau) et sa fille, un gendarme du secours en montagne, Labadot, Cazaux, Carporzen (copain de lycée ou de fac), Tony Sarthou, etc… beaucoup de monde enfin. Nous causons, rions, somnolons, assistons à une course de slalom et décidons de refaire une ou deux descentes pour nous réveiller. Elles sont vite enlevées, les pistes étant devenues désertes en cette fin d’après-midi. C’est bien sympa ce ski.
Nous attendons notre chauffeur, Mr. Fougère, de nouveau attablés à un bar. Décidément, c’est le jour ! La 2CV crève sur la route. La routine.
Nous dînons au chalet, invités une fois de plus en ce lieu rendu sympathique grâce à ses habitants. J’ai du mal à réaliser l’incroyable disponibilité du père de François, hier et aujourd’hui. Je n’ai évidemment pas été habitué à cela, loin de là.
Hervé se réveille, Marie n’est pas loin, et se retrouve très en verve ce soir. Ce qui m’a évité de trop parler, ce qui, dans certains cas, est bien agréable. Je préférais regarder Marie en silence…
[Je n’ai pas noté l’heure de rentrée à la maison, sans doute très tardive].


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