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Juin 1965 F Fougère

16 et 17 juin 1965 : voie Chantal face Est du Pène Sarrières

Photo:jmo en tête lors de l'ouverture de la voie Chantal* au Pène Sarrières
*C’est Hervé qui a suggéré le nom de cette voie

Mercredi et Jeudi 16 et 17 Juin 1965 – Gourette, Pene Sarrières,
tentative à la voie Chantal..
Fran
Véhicules : 500 RGST et 2 CV

Mercredi je passe prendre Hervé chez lui, en moto, et file rejoindre
François au Foufouland et nous partons tous les trois pour Gourette en 2
CV, sous la pluie. Quelques courses à Laruns.
A Gourette Hervé nous a promis un « hôtel » car il connaît un berger,
copain de mon oncle Yves, qui peut nous héberger dans sa cabane. Ce qu’il
fait avec grande cordialité.
Nous passons la soirée à rigoler, ce qui nous conduit à un coucher tardif
sur la plate-forme qui surplombe la « chambre » du berger, de plein-pied avec
ses moutons.
Nuit de merde et très champêtre. Le berger s’endort avant nous et
bientôt ses ronflements sonores remplissent la cahute, sur différents
modes selon sa position dans le lit ou l’obstruction de ses voies
respiratoires. Un régal. Impossible de fermer l’œil. Encore une
invention d’Hervé ce berger. Lequel doit s’occuper de ses moutons
aux aurores. Nous ressortons de la cambuze flappis, les yeux rougis
et la gueule de bois en prime. Et plutôt de mauvaise humeur. On
les retiendra les « hôtels » d’Hervé, destinés à nous faire gagner du temps !
La montée vers le Sarrières va enfin nous dérider. Hervé, que
rien ne semble toucher, résume en rigolant la nuit horrible que
nous avons passée et les plaisanteries du berger, grasses et aussi
plates que des bouses de vache, qui étaient sensées égayer la soirée.
Ces réflexions meublent la conversation et le temps d’arriver sous
la vaste face Est du Pene Sarrières, le pic des isards. Cette belle
face d’environ 200 m est pauvre en voies d’escalade malgré sa
proximité avec la station de Gourette. 1965 c’est encore la préhistoire.
En novembre 1959, alors que je me lançais avec Hervé à la
conquête de la première voie de ce qui allait devenir Sestograd City,
trois zozos croupissant d’ennui dans un Gourette balayé par les
pluie d’automne, décidèrent de tenter quelque chose sur la paroi
la plus proche, la face Est du Pene Sarrières. Ils espéraient
naïvement que le mauvais temps pourrait leur offrir un petit répit,
à eux grands et valeureux pyrénéistes, membres du CAF et du GPHM.
Cela failli être le cas. Choisissant la zone centrale de la paroi,
celle qui leur paraissait la plus travaillée, et profitant d’une
accalmie qu’ils espéraient durable, ils s’élevèrent jusqu’à une
nervure caractéristique qui court jusqu’au sommet. La pluie recommença
à tomber à ce moment-là. Et ils eurent l’heureuse surprise de constater
que la fameuse nervure faisait office de parapluie, et à condition
de ne pas trop s’en éloigner il leur était possible de grimper au sec.
Ils ouvrirent ainsi une voie bizarre bourrée de V et d’A1, et qui
fut longtemps considérée comme la voie classique par excellence de
la face Est. Voie TD tout de même que personne n’emprunta plus. En
l’absence de pluie les petits malins qui effectuèrent les répétitions
se gardèrent bien de grimper sous la nervure et trouvèrent un cheminement
de tout repos dans les grandes dalles voisines. Ils considéraient
quand même qu’ils avaient réalisé une voie TD, la TD la plus facile
des Pyrénées !..
Il fallait donc trouver une vraie TD. Mais trompés par la perspective
et n’ayant pas une vue globale de la face Est nous avons opté pour
un itinéraire un peu trop au Nord par rapport à la voie classique
qui chemine jusqu’au sommet. Mais peu importe la paroi reste haute
et belle. Notons que la partie centrale de la face Est fut gravie
en 1974 et en 1986 par deux itinéraires.
Attaque de la voie à 10h. Hervé part en tête. Le rocher est moyen
mais la difficulté raisonnable. J’enchaîne ensuite la seconde
longueur, et ça se corse. Sur un rocher devenu franc je franchis un
passage très difficile qui me donne la pépie. Pépie, bon indice de
difficulté et d’engagement. La progression se poursuit avec de difficultés
variables jusqu’à une plate-forme confortable sur laquelle nous pouvons
nous retrouver tous les trois pour casser une bonne croûte bien agréable.
Sur ce nid d’aigle nous nous trouvons déjà assez hauts et assez satisfaits
de nous-mêmes. Il est 14h.
Le soleil passe sur l’autre versant du Sarrières et il se met à faire
froid. C’est Hervé qui reprend la tête. Pendant qu’il s’explique avec un
passage délité horrible, j’aménage la plate-forme en cas de bivouac.
Hervé bute sous un petit toit et s’arrête pour me faire venir. Le
relais est effectué sur étriers.
Je franchis le petit toit et me retrouve sur une dalle très lisse
et compacte qui n’accepte aucun piton. Péniblement je parviens néanmoins
à rejoindre une étroite vire que je peux équiper d’un bon piton. Hervé
arrive et je continue jusqu’à me trouver sous un bombement tout lisse,
sans prises ni fissures, une belle fesse de pierre en fait. On a beau
la palper elle ne réagit pas et n’offre aucune prise cachée. La voie
pour le moment s’arrête là. Pour deux raisons : nous ne possédons pas
le matériel nécessaire pour franchir la fesse de pierre, et même si nous
l’avions nous n’aurions pas le temps car la nuit approche.
S’en suit une descente en rappel assez bien coordonnée qui s’achève
à la nuit. Nous reviendrons !

Le récit d’Anfoy

Mercredi 16 – jeudi 17 juin 1965
« La Chantal »
Mercredi 16 juin 65, Gelos
Il est six heures et demie ; après une après-midi passée à faire quelques
menus travaux, voilà Jean et Hervé qui arrivent en moto, sur laquelle
se trouve fixé tout le matériel nécessaire à une course en montagne.
Je suis psychiquement préparé ; à tout allure j’entasse dans mon sac
le matériel utile et un peu de « bouf », la 2 CV est pleine, nous
partons, dernières provisions à Gan.
A la nuit tombante nous sommes à Gourette, sous la conduite d’Hervé nous
allons à la cabane d’un berger, dans laquelle loge ne général
l’oncle de Jean. Le berger est là mais pas l’oncle de Jean ; après
quelques explications, nous nous installons, le berger fait le fromage ;
il ne faut surtout pas nous gêner, toutes les affaires sont déballées
sur la table et l’on commence à préparer le repas. Le berger nous parle
de tas de choses, chacun de ses mots étant suivis d’expressions bien
senties, putain, bordel, « macagne », ill de pute, etc… Il nous parle
de son chien Pollux qui est jeune, de son fils qui va avoir à faire du
sport avec la motofaucheuse, de ses copains les autres bergers qui viennent
faire la fête chez lui quand ils ont « la puce » ; quelques souvenirs
de captivité, sur la façon de manger de ces grands cochons de shleus,
ils avaient une demi-heure pour manger et faisaient 25 minutes de sieste…
Vers 11 heures, un mal foutu venait allumer le gaz sous un grand bac
et à midi chaque ouvrier venait avec sa gamelle, sa fourchette restait
plantée dans la pâte parce qu’ils n’avaient pas de cuiller. Pendant
tout ce temps, Hervé s’affaire autour du réchaud : soupe, purée, fromage,
« celui-là n’a pas tourné au tragique », pain, banane… Pendant le
repas, fou rire mémorable, qui a failli nous conduire tout droit dans
la tombe, RV, la bouche pleine de purée imite en louchant le cri d’un
chacal qui aurait un os coincé dans la glotte ; tordu par le rire je
suis allongé cramponné à mon banc, RV va se taper la tête contre le mur
mitoyen à la pièce où ronfle le berger, puis va à la porte, essaie de
revenir s’assoir et repart en riant ; ça dure un bon quart d’heure.
Le repas terminé, nous montons nous coucher, sur un matelas, un vrai,
c’est inespéré, mais les ronflements du berger dessous sont quand même de trop.
A 4 heure du matin, le berger se lève pour traire les vaches,
le coq chante, les bêtes font du bruit. A 7 heures 1/2 , nous nous
levons, c’est toujours dur, il y a de la brume sur le Sarrière ;
nous « petit-déjeunons » avec du bon lait, encore chaud et tout frais.
RV va au centre chercher une corde car j’ai oublié la mienne et nous
montons vers le Sarrière, accompagné des deux chiens du centre :
Bulh et un chien chanteur qui chantera le long du chemin. A 10h,
nous examinons la voie et cherchons le point faible de cette face.
Puis RV entame la première longueur, vient ensuite Jean, puis moi.
Jean continue ensuite jusqu’à une petite ruine de relais. Ca commence
à devenir sérieux ; un bout d’artif ( ?) avec des pitons à enlever…
On se tape sur les doigts, les sacs paraissent lourds, le matériel
qui pend à la ceinture est passablement gênant.
Pour la première course des vacances, c’est vraiment dur et puis le
calcaire de Gourette est toujours aussi délité ; des lames passent
en sifflant au-dessus des têtes ; les choucas paraissent très près de
la face et j’ai tout le temps de les voir s’amuser, ils poussent un petit
cri, juste avant de piquer à mort vers le fond du val, pour se redresser
au dernier moment avec une ressource magistrale. A chaque relais l’attente
est longue, en moyenne une heure. Alors dans des positions inconfortables,
nous attendons en regardant un berger avec ses moutons en bas, ou en faisant
de la sculpture sur le bout de calcaire qui se trouve en face de soi. Le
temps passe, par une traversée en l’air sur une dalle compacte et avare en
prise, j’arrive sur une magnifique plateforme où sont déjà Jean et RV, une
plateforme comme on en trouve bien peu dans le massif, ça doit être la seule.
Nous grignotons un peu, le temps est splendide, mais il est deux heures et
le soleil a disparu, le vent quand il souffle est très froid. RV attaque
au-dessus, c’est très raide, assez croulant, il se démène comme un beau
diable sur force pitons qui ne tiennent guère mieux les uns que les autres ;
il vient enfin butter sous un toit et il y reste un bon bout de temps
en cherchant un passage. Durant ce temps, Jean aménage la terrasse en
un moelleux living-room en cas de bivouac… Ca sera très confortable.
On cause… Pendant que les pierres tombent… Il est 3 heures ½ quand Jean
part à son tour, il rejoint RV puis passe le toit ; moi dessous je fais
gaffe aux pierres à en attraper un torticolis, je fais des photos. RV au
relais plaisante et s’amuse à me lancer des petits cailloux.
C’est au tour de Jean à ruser avec les traîtrises de la face, rétablissements
ou rotation autour de pitons dit de progression et qui ont une fâcheuse
tendance à l’instabilité. Après le toit et une dalle, Jean arrive sous
un bombement lisse, là il fait venir RV, ça se passe une trentaine
de mètres au-dessus de moi ; le temps me paraît vraiment long ; il est
maintenant 7 heures. RV et Jean cogitent. Jean essaie de voir si ça
passe, à droite, à gauche, ils sont à une vingtaine de mètres à peine
sous le sommet. Puis, finalement, ils font un rappel. RV en descendant
sort les pitons, donc j’en conclu : c’est la descente, en effet Jean
ensuite le suit et nous nous retrouvons tous de nouveau sur notre plateforme,
nous mangeons un peu, disparition inexpliquée des Figolu…
Pose d’un rappel, départ sur une grande dalle absolument lisse, avec
traversée vers la droite jusqu’à une minuscule murette assez instable ;
tension nerveuse due aux chutes de pierres entraînées par le frottement
de la corde, la pose de nouveaux pitons pour le rappel pose des problèmes
ardus ; je pars le premier et j’arrive au pied d’une grande dalle verticale
et absolument lisse, juste au bord d’un surplomb. 50 mètres plus bas se
trouve le pierrier, il fait presque nuit et je n’ai à ma disposition qu’une
minuscule marche, où Jean aura du mal à tenir en ma compagnie. Jean alors
pour libérer le terrain après avoir planté une solide cornière dans une
fissure descend sur un seul brin de notre corde blanche : « corde blanche
de Corfou, coorde blanche, coorde blanche, toujours je pense à vous, etc.
» cf RV. Cette dernière se coince dans une écaille, Jean peine horriblement
pour ravaler 30 mètres de corde, comme cela pendu dans le vide à un seul
brin, il y arrive enfin et c’est la fuite ultra rapide vers le pierrier,
il y arrive en titubant et en poussant force « ouf ».
RV me rejoint sur ma marche, manœuvre de corde pour poser la corde rouge,
Jean en bas parait tout petit, on ne voit plus que sa lampe bientôt, il
fait nuit. Je descends ces derniers trente mètres, puis RV nous rejoint ;
nous sommes tous très heureux de nous retrouver sur la terre ferme. Dans
la voie, Jean et moi nous sommes jurés de ne plus remettre les pieds dans
cet enfer de calcaire mal foutu.
Nous redescendons doucement jusqu’à Gourette. Il est 11 heures quand nous
démontons la dynamo de la 2 CV qui s’obstine à ne pas recharger. A minuit,
nous sommes à Gelos, ça fait deux fois que je fais cette route de nuit et
avec assez sommeil ; c’est aujourd’hui la fête d’Hervé, bonne fête Herwick…
A la maison, nous nous restaurons. Jean passe au gril fin le contenu du
frigidaire. Puis tous les deux rentrent en moto dans leurs logis respectifs.
Et il manquait 20 mètres pour terminer et sortir la Chantal au Sarrière.
F.
Une semaine plus tard, Jean et RV sortaient la voie.


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