Photo : Anfoy sous le Pouce de la calanque d'En Vau,
Autres photos :
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Mercredi 26 Juin au Samedi 6 Juillet 1963 – Les Calanques avec Anfoy.
Equipe : François-Jean
Véhicule : 2 CV 1 DV 64
Les Calanques ! Si belles, si loin, si chéries… Rocaille géante si
harmonieuse, sa lumière, ses odeurs de pin portées par le vent, ses
cigales qui se réveillent au moindre rayon de soleil, ses falaises
blanches battues par la Grande Bleue, son ciel indigo, et parfois
les colères du mistral balayant tout. Et parfois une Maya à la peau
cuivrée qui passe par là. Calanques, miracle de la nature, je vous aime.
Et j’en suis un prosélyte pour un cercle très restreint de personnes
capables de les aimer comme moi sans attirer les foules. François est
prêt à entrer dans le cénacle et il le mérite. Hervé devrait en faire
partie mais je ne sais plus où il est en ce moment. Sûrement
pas en train de passer le bac !
De tête :
Mercredi 26 Juin : Tôt le matin François vient me chercher à
El Patio. Et vogue la galère dans la petite et lente 2CV (mais
bien contents d’en disposer !). Dodo le soir dans des landes en
plein air du côté d’Aix en provence, non loin de la Montagne Ste
Victoire. Des petits lapins curieux viennent nous réveiller au
lever du soleil.
Jeudi 27 Juin : « installation » sur le plateau d’En Vau à l’ombre
d’un buisson et visite de la Calanque d’En Vau.
Jours suivants : Escalades dans la Calanque :
- Petite Aiguille d’En Vau
- Grande Aiguille d’En Vau (2 voies)
- Le Pouce d’En Vau (photo)
- La Saphir
- La SAVE intégrale
Et sans doute d’autres voies ou passages à En Vau et Port Pin,
en particulier à la Pointe Cacao (Cacau sur les cartes).
Page 353 du Carnet II
D’après les notes retrouvées :
Mercredi 26 Juin 1963 – Voyage Pau-Calanques
Equipe : François-Jean
Véhicule : 2 CV
Le parcours d’aujourd’hui nous mène au-delà d’Aix en Provence.
Pas d’autoroutes en ce temps-là. Sur la nationale il faut jouer
à la chasse aux camions de tout poil et de toutes tailles. La
2 CV a un mal fou pour dépasser les mastodontes, les routes sont
très dangereuses. Par bonheur le temps est franc et le soleil brille.
A Montpellier nous suivons l’itinéraire poids lourds et ne voyons
rien de la ville. Passage OP de la minuscule 2 CV entre plusieurs
camions fumants et agressifs. Par moments nous nous demandons si nous
allons survivre à cette circulation démente.
Nous évitons Marseille en passant par Aix en Provence et dormons à
la belle étoile non loin de la Montagne Ste Victoire. Malgré les
tiques et moustiques nous passons une agréable soirée veillée par
deux bougies, au son du transistor que François a tenu à amener. Hum,
concession à un modernisme excessif ! Demain les Calanques !
Des petits lapins curieux viennent nous réveiller au lever du soleil.
Jeudi 27 Juin 1963
Equipe : François-Jean
Réveil à 9h sous un soleil généreux. En route vers Aubagne. Alors
que nous sommes en vue de Cassis nous crevons.
Réparation sous un pin parasol.
Courses à Cassis et envoi massif de cartes postales à tout
le monde. Puis départ pour Port-Pin. La piste est effrayante
de dégradation, la 2 CV patine sur les cailloux dans les côtes
mais elle finit par arriver. Aussitôt visite à la Pointe Cacao
(Cacau sur les cartes) à l’extrêmité de la branche Est de la
calanque de Port-Pin (non loin des lieux de camping familiaux).
Nous cassons la croûte et faisons un peu d’escalade.
De retour dans la calanque de Port-Pin nous essayons de gagner le
plateau d’En Vau par une nouvelle route. Mais la piste n’est pas
terminée et un tapis persan posé par terre indique le terminus.
Je récupère le tapis persan qui fera office de couche car j’ai
oublié mon matelas pneumatique.
Nous passons par la route Cassis-Marseille du col de la Gineste.
Une piste conduit au plateau d’En-Vau en desservant au passage une
Augerge de Jeunesse. Bivouac sous un buisson. Il pleut un peu durant la nuit.
Page 354 du Carnet II
Vendredi 28 Juin 1963
Cordée : François-Jean
Muraille du Pouce
Réveil à 10h30. Restons égaux à nous-mêmes, même ici !
Visite de la calanque d’En-Vau, toujours aussi enchanteresse. Nous
repérons des voies : l’Alp Utli, celles de la Grande et Petite Aiguille,
la Sirène, la voie du Pouce etc… Puis nous nous installons pour
fainéanter au bord de l’eau et nous baigner deux fois entrecoupées
d’une sieste. L’eau est assez bonne dans cette calanque merveilleuse.
Nous remontons sur le plateau par la muraille du Pouce dans laquelle
nous rencontrons deux passages de III+ en fissure. En soirée nous
allons explorer l’extrêmité du plateau située entre les deux
Calanques de Port-Pin et d’En-Vau. Des constructions inachevées
servent de refuge aux visiteurs. L’une d’elle est habitée par des Suisses.
Samedi 29 Juin 1963
Equipe : François-Jean
Pointe Cacao
Lever 11h, la honte ! Et faignantons en profitant du climat exceptionnel.
Essais de flottaison du célèbre Flibustier, celui d’Orédon en 1957 et du
gave de Pau en août 1960 et des grandes virées nautiques entre Port-Pin
et Marseille. Essai sur un bassin ( ?). Il ne tient pas l’air. François
essaie de réparer la grosse chambre à air qu’il a amenée.
Assez tard dans l’après-midi nous filons à la Pointe Cacao pour pêcher
des moules. Les vagues nous gênent, l’eau est froide mais les moules
s’avèrent excellentes.
Dimanche 30 Juin 1963
Cordée : François-Jean
Plateau de Castel Vieil, voie Saphir, Pointe Cacao
Lever 7h, et pas de notre fait ! Il pleut, ô rage. Il fait sombre,
la pluie redouble et en un rien de temps tout est trempé.
Après avoir mis un peu d’ordre dans les affaires nous allons
à Cassis. Il faut faire un grand détour pour trouver une église,
car François désire aller à la messe. Nous faisons ensuite les
courses alors que le temps se remet au beau. Pour rigoler nous
envoyons une carte postale érotique ridicule à Leire.
Retour au camp pour déjeuner et faire une sieste pour vaincre une
flemme due sans doute au réveil « matinal » !
C’est dimanche et le traffic devient important à proximité de notre
camp. A En-Vau, où nous allons nous promener avec seulement nos
appareils photo, c’est l’effervescence. Nous sommes descendus par
un couloir direct. La plage est bondée. Quel peuple, que de bateaux !
Nous montons jusqu’au pied de la fissure de Castel Vieil. Et là un
souvenir de 1957 me revient, celui de Popo peinant à gravir la
fissure et se faisant traiter de tout par le paternel en fureur –
paternel en fureur : la crevasse du Vignemale où je fus précipité.
Les injures mêlées à la honte de montrer son cul au tout venant
[le tout venant c’est moi], ce cul si horrible et détestable, son
péché, tombant sous le regard de son fils. Intolérable pour ce
père infidèle et macho au dernier degré. Si, par hasard, ce fils
rebelle et vigoureux lui piquait sa maîtresse ? Connaissant les
idées tordues du paternel je ne serais pas étonné que de telles
lubies lui traversent l’esprit. Pour lui ses enfants sont des
concurrents dangereux qui ne songent qu’à lui brouter la laine
sur son dos, bouffer SON fric, prendre sa place et même sa maîtresse,
pour lui rien d’impossible.
Popo, 34 ans, est en effet vêtue d’un mini-short qui laisse passer
quelques poils pubiens, mais de sexe nada, et, pendue à la corde
elle ne moufte pas, ce qui est étonnant de sa part, elle si prompte
à réagir en général. La honte l’a sans doute rendue muette. Quant
à moi, pressé de grimper la fissure, bien peu intéressé par le
cul de cette «vieille», je constate seulement que mon père ne
la respecte pas, que sa hargne est sans commune mesure avec
les faits incriminés.
Le fantôme de Popo évacué – paix à son âme (elle est morte en
2004) – nous tombons en cet endroit sur deux minettes court-vêtues
prenant le soleil. Leurs copains gravissent une voie qui aboutit sur
le plateau de Castel Vieil.
Nous allons nous amuser à la « Fenêtre de Castel Vieil » qui s’ouvre
étrangement sur la calanque de Sugiton et les multiples reflets
de la mer. Nous revenons ensuite au col de Castel Vieil, saluons
à nouveau les filles, et suivons une piste bleue qui nous conduit
au nord du plateau de Castel Vieil. La vue est sensationnelle,
l’éclairage terrible sous un soleil généreux. Le léger vent venant
de la mer nous rafraichit agréablement. Au loin, sur le plateau
d’En-Vau nous repérons notre minuscule tente.
Des couloirs d’éboulis nous ramènent à En-Vau à toute vitesse.
Des cordées sont éparpillées dans différentes voies. Alors que
nous sommes occupés à regarder une cordée qui gravit la voie
Saphir, un jeune gars s’approche de nous et nous invite à la faire.
C’est un potache marseillais qui prépare le bac. Il grimpe bien,
et nous enfilons la voie à toute vitesse. Nous la trouvons excellente.
Le jeune nous quitte au sommet de la voie, et nous allons nous
rafraîchir au camp. Sur le plateau nous croisons un
serpent fort occupé, car il ne nous remarque pas.
Je connais un endroit où nous serons tranquilles pour nous baigner
loin des foules aglutinées : la Pointe Cacao ! Nous y fonçons et y
plongeons dans l’eau fraîche revigorante. Une pieuvre curieuse vient
s’enrouler autour de mon pied. Je dois lui donner une gifle pour
qu’elle m’abandonne.
Au camp soirée lecture de François [pas de détails dans le manuscrit
sur ce qu’il a lu].
Lundi 1er Juillet 1963
Equipe : François-Jean
Lever 9h30. Rapport. ( ?). Flemme, mais sous un ciel extraordinairement
lumineux destiné à nous donner mauvaise conscience. Nous nous «levons»
à midi et allons à Cassis poster une carte pour Marie et chercher de
quoi réparer le Flibustier.
Ce n’était pas la peine de nous presser, les magasins n’ouvrant qu’à 15h.
En attendant nous déambulons dans les environs.
En revenant par la route de Marseille, nous ratons l’embranchement
d’En-Vau et allons jusqu’au col de la Gineste. En montant à pied sur
un léger promontoire qui surplombe la route pour apercevoir Marseille
(à gauche direction Marseille) nous apercevons un terrifiant motard
qui aborde la courbe menant au col à une vitesse incroyable, comme
couché sur la route. Vision marquante et fugace accompagnée du fracas de
l’engin. Nous en restons interloqués, presque pétrifiés. J’ai noté : à rêver.
Au camp la tentative de réparation du Flibustier échoue. Ecoeurés,
nous passons la soirée à discuter et à flemmasser, qui sur son matelas
(François), qui sur son tapis persan (Jean).
Mardi 2 Juillet 1963
Cordée : François-Jean
Grande Aiguille d’En-Vau par deux voies différentes.
Certains passent le bac aujourd’hui. Pauvres d’eux ! Et pour nous,
lever assez tardif. Encore un. Après un bon petit déjeuner nous
descendons à En-Vau prendre le soleil et nous baigner. Sauts,
plongeons de toutes sortes égayent la matinée. Il fait bon.
Enfin réveillés nous décidons de grimper. D’abord la Grande Aiguille
d’En Vau par la voie normale, fournie en bonnes prises, puis par
la voie Paillon. Deux rappels sur descendeur (mon modèle). Nous
remontons sur le plateau alors que le soleil est bas sur l’horizon.
Le bivouac est inondé de chaude lumière. Belle soirée calme (pas
de vent) et silencieuse (pas de cigales).
Page 357 du Carnet II
Mercredi 3 Juillet 1963
Cordée : François-Jean
Pointe Cacao pêche aux moules, Arête Save Intégrale
Mission de première importance : ce matin il faut récupérer le
couteau-fétiche de François perdu à la Pointe Cacao lors de la
précédente pêche aux moules.
François plonge plusieurs fois et ne trouve rien. Chance, au premier
plongeon je mets la main dessus. Et ainsi nous pouvons relancer la
pêche aux moules. Mais François perd le paquet de moules qu’il
venait de pêcher.
Nous restons un long moment à observer la mer et les bateaux qui
s’y promènent, lézardons au soleil, petite sieste, bain de mer,
puis nous remontons sur notre plateau vers 14h, avec une marche
pénible en plein soleil. Sur le chemin François tombe sur un Opinel.
Jour de chance pour lui ! Nous mangeons tranquillement jusqu’à 16h30
et nous préparons pour l’escalade. Car il faut bien qu’on s’y mette !
Vers 18h nous sommes au pied de l’arête SAVE à En-Vau. Elle ne nous
lachera pas jusqu’à la nuit. Dès la première longueur (V+) elle
s’avère être un poème. S’ensuit un chapelet de V, V+ et autres IV
jusqu’en haut, sur le plateau de Castel Vieil. Pour redescendre il
nous faut retouver la fissure ou cheminée du soi-disant « cul
monstrueux de Popo » de 1956. Dans la nuit noire cela nous prend
un moment. Mais nous sommes rapidement dans la calanque et prenons
une sorte de bain de minuit délicieux.
Au cours de la remontée au camp, un rien fatigante, un éclair blanc
fulgurant et silencieux nous éblouit, prélude à un orage de courte
durée pendant lequel nous nous réfugions dans la voiture. Et c’est
ensuite un bon dodo bien gagné.
Croquis de la Save Intégrale TD 2h30, 120 m, 6 longueurs,
en fin du texte manuscrit.
Page 359 du Carnet II
Jeudi 4 Juillet 1963
Equipe : François-Jean
Lever tardif pour pas changer, un peu vaseux aujourd’hui. En grattant
au fond des sacs de provisions nous constatons avec horreur que ces
dernières se font rares. Pour survivre (!) nous devons devenir
pêcheurs-cueilleurs. Nous fonçons donc à la Pointe Cacao arracher
ce qu’il reste de moules. La remontée vers notre camp est un supplice.
Long repos-repas au bivouac.
Dans la soirée (en fait début de la journée pour nous) nous descendons
à En-Vau et allons au pied de la Save récupérer une cornière que François
avait laissée tomber hier.
Durant la nuit le mistral se lève, comme pour nous chasser. De fait c’est
demain que nous revenons vers notre Béarn pluvieux. Snifff !
Vendredi 5 Juillet 1963
Equipe : François-Jean
De la route, beaucoup de route, au rythme de la 2 CV évidemment.
La traversée de Marseille est infernale. Nous observons le long de
la route des vacances le résultat d’accidents spectaculaires. On
mourait facilement d’accidents de route en ces années-là. Achetons
du muscat à Levignan (ou Lezignan).
Nous dressons le camp du soir aux environs de Pamier, dans le doux
et charmant Ariège. La journée ayant été infâme (ou en famine ?),
nous nous enfilons un repas pantagruélique.
Samedi 6 Juillet 1963
Equipe : François-Jean
Au cours de la traversée de l’Ariège nous en profitons pour visiter
le Mas d’Azil et son fameux ( !) dolmen. Ridiculement petit.
A 14h nous sommes à Pau.