Un précieux document, rédigé par Dominique
pour ne pas me perdre sur le chemin qui
menait à la résidence d'été des joyeux
et aimés habitants du Foufouland.
Samedi 11 Août 1962
Itinéraire pour se rendre à Lequeitio fourni par Mr. Fougère sur un fragment de feuille volante du papier à lettre du chef de cabinet du préfet des Basses Pyrénées :
… St Sébastien route de Tolosa – la quitter après Anorga – Sur la droite en direction de Zarauz, Zumaya, Deva. En sortant de Deva première route à droite, revenir vers la mer. Route de Motricio, Ondarroa, Lequeitio route de Marquina.
Lundi à Vendredi, 27 au 31 Août 1962 – Lequeitio.
Participants : famille Fougère au complet plus Hervé et Jean.
Véhicules : 2 CV et Super-Néocide.
Le plus long voyage effectué en moto par mes propres moyens, 250 km. Muni de tous les papiers nécessaires, je fonce lundi matin à 7h30 sur la route de Bayonne rejoindre mes chers Foufou qui passent de paradisiaques vacances en Espagne à Lequeitio, avec Hervé.
La moto marche très bien, mais au milieu des landes je manque de tomber en panne d’essence. Je trouve un petit poste à temps et prends 10 litres. Sans m’arrêter j’arrive assez vite à Hendaye où je vasouille un peu. Puis c’est l’Espagne. Irun, assez grande ville avec de grandes avenues pleines de gens, de flics et de feux rouges. Déjà tout change autour de moi et les enseignes deviennent incompréhensibles pour moi. Qu’importe. Mais la circulation est effroyable.
Après quelques km de route à peu près libre et bonne c’est Rentaria et alors San Sebastian étale son immense ville qui n’en finit plus. Elle rappelle un peu Marseille. Anorga, Zarauz. Puis la route se complique. De bosselée elle devient toute cabossée et tournante au possible. Par contre la circulation faiblit beaucoup. La côte est exactement celle de Biarritz-Hendaye. Guetaria est pittoresque, Zumaya est pommante. A Deva je fais le plein et reviens vers la mer. La côte devient belle. Motrico, Ondarroa. La route devient infâme et je commence à être fatigué. Lequeitio semble ne vouloir jamais venir. Tout à coup un type circulant à gauche manque de m’envoyer dans le décor. Je m’arrête un peu dans une forêt parfumée d’eucalyptus. C’est très beau. Et enfin, après un sale virage, Lequeitio, plus grande que je ne croyais, avec plein de plages. J’hésite un peu à un carrefour. C’est pas le moment de me perdre.
Alors que je commence à m’engager dans la ville, aux environs de midi, que vois-je à l’horizon ? 1 DV 64 !! La 2CV des Fougère. Grands signes, coups de klackson. Quelle joie. Mr. Foufou, seul, rejoint les autres à la plage. Nous sommes bien heureux. Tout le monde est là. Odile me saute dans les bras.
Tous au bain de mer, puis visite de l’île St Nicolas et vers 15h nous allons manger. Nous rendons en outre fréquemment visite aux marchands d’hélados, glaces plates succulentes.
Mr. Foufou, navré de me voir seulement 3 jours, s’arrange avec un cousin toubib (Dr Rigal, voir plus haut) pour me faire faire un certificat médical !
Dans la soirée Hervé nous abandonne pour aller danser avec les filles et cela ne me plaît pas. Plus tard avec François nous allons, en moto, les rejoindre. J’évite de justesse une rigole de taille… disons espagnole où j’aurais pu m’écraser. Et en rentrant au logis j’effectue un magnifique dérapage à peu près contrôlé sur la route couverte de sable. Ouf. C’est assez pour aujourd’hui !
Le second jour après mon arrivée la mer est agitée, il y a des vagues. Mr et Mme Fougère vont à Pampelune [certainement pour Marie et Catherine], ce qui n’empêche pas le reste de la famille et des amis de bien s’amuser dans l’océan. Le soir, sous la pression d’Hervé, il faut aller « bailar ». Je n’en n’ai aucune envie. Le lendemain mercredi je manifeste le désir de partir pour retourner à mes chères et chiantes études. Mais papa Foufou coupe court à ma sécession et court à la poste envoyer un télégramme !
Jeudi nous allons visiter la Casa Blanquer qui procure une vue magnifique et un panorama unique. Comme des gosses nous grimpons sur le toit de l’édifice, sans doute pour améliorer le panorama mais aussi pour faire les fous. Cela rend le gardien, un mutilé de guerre, fou furieux. Comme nous obtempérons immédiatement il se calme et arrête d’agiter sa grosse canne en buis.
Pas fiers nous nous sommes amusés à la marelle les soirées de mardi, mercredi et jeudi.. A noter que François attrapait de jolis poissons au fusil-harpon alors que nous lézardions sur la plage.
Vendredi 31 Août c’est le retour. Je transporte Hervé sur la Super-Néocide [Je ne sais comment s’est organisée la famille avec une seule 2 CV, l’abbé Pierre étant rentré dans les brumes du Nord]. Nous visitons en passant la magnifique église de Guetarria. Il fait beau et chaud, la route est un peu monotone, Hervé ressent le contrecoup des ses soirées tardives et déchaînées durant le séjour. Et il s’endort sur le siège passager ! J’aurais pu le perdre sur la route. Il se rattrape in extremis. A part cet incident émotionnant la route file agréablement sous les pneus de la Super qui me fait la grâce de marcher comme une montre.
Petite trempette à Hendaye afin de nous réveiller tout en disant adieu à l’océan. Un bref arrêt à Peyrehorade. A Pau je dépose Hervé à Mamaïta et après avoir averti Mam de mon retour je file au Foufouland passer la soirée. Nous avons tellement de choses à nous raconter, il y a si longtemps que nous nous sommes vus ! Et pour ne pas être en reste Hervé nous rejoint, accompagné de son frère Bernard et de sa belle-sœur.
Voilà une belle soirée de plus, peut-être meilleure que celles de Lequeitio. Mais nous n’avons cure de les comparer. Nous jouissons de l’instant présent, comme si le temps s’était arrêté, car nous faisions tout pour qu’il s’arrête un peu. Et qu’il nous abandonne là dans l’extase d’un moment privilégié…
Courant Août courrier d’Espagne.
En pièces jointes avec le récit Lequeitio p. 321
- Itinéraire Pau-Lequeitio fourni par D. Fougère
- Mot du XI Août 1962 par D. Fougère (avec un dessin de touriste à chapeau de paille))
- Mot de Denyse Fougère du 11 Août
- Mot d’Hervé du 11 Août
- Mot de Marie du 11 Août avec dessin
- Mot de François du 11 Août
- Ordonnance du docteur Rigal
A Lequeitio on ne m’oublie pas. J’avais dû laisser entendre que je pourrais rendre visite à mes amis Fougère vers la fin du mois, si j’étais suffisamment avancé dans mes révisions. Le 11 Août ils me donnent de leurs nouvelles.
Adresse postale : FOUGERE – Bar Arropai, route de Marquina, Lequeitio, España.
De la part de Dominique Fougère, de Lequeitio, le XI aout
Cher Jean,
Hervé et François m’ont appris ta venue prochaine. Je m’en fais une grande joie car le Fou Fou n’est pas au complet sans toi.
Ici joli spécimen de touriste à face de rat. Je me présente : mon épouse m’ayant acheté le « beau » chapeau de paille espagnol, j’arpente la plage de sable fin déroulant de temps à autre ma ligne à moulinet ou m’armant de patience en regardant la crevette qui, à reculons, s’avance dans mon épuisette. Et puis on « cauze, on « cauze » et on t’attend.
Merci de tes cartes postales qui nous ont apporté un souffle de l’Andorre.
Alors à bientôt donc à Lequeitio. Tu trouvera le village. Au seul poste d’essence tu prends la route de Marquina, c’est la dernière maison sur la droite environ à 500 mètres du poste d’essence.
Bien à toi
D Fougère
De la part de Denyse Fougère, le 11 Août
Tel un lièvre hors de sa peau
Tel un poulet déplumé
Était l’ilot fou fou en terre espagnole.
Vos cartes y répandirent une rosée bienfaisante.
Ecrire de notre côté nous n’y pensâmes point. Comme des
enfants qui croient au miracle nous pensions à
tout instant entendre un rugissement qui eut
signalé votre arrivée.
Mais l’arrivée massive de jeudi soir nous a
rendu et la peau du lièvre, in medio leporum,
et les plumes.
Arrivez-nous au plus vite, en roulant bien
lentement, et nous serons comblés.
J’ai tout perdu, je sors avec hervé à la
recherche de la plus belle glace de Lequeitio.
d.d.f.
De la part d’Hervé, le 11 Août
La glace, le soleil, la plage, la mer, tout cela explique le courage que j’ai de t’écrire. C’est incroyable ; un vrai rêve. On a toujours l’impression de faire des tas de choses en ne fichant rien. Naïades et Appollons foufoulandais écument la plage et les bouées alentour, terrorisant les mémés pataugeuses.
Il est difficile de remuer toute cette bande : j’en suis tout meurtri et attends impatiamment ton arrivée pour dynamiter tout cela. J’ai déjà goûté la rugosité des rochers, d’une façon tout à fait originale – Il me faudrait des pages entières pour te vanter tous les aventages de l’endroit ; le plus simple est que tu viennes, mais alors en grande forme.
Nous avons commencé les contacts avec le sol et les habitants ; un folklore ibéro-foufoulandais s’instaure ; arrive vite avant que d’être totalement dépaysé.
A côté de moi, monsieur Fougère s’épanche dans une lettre qu’il te destine ; et pour que mon bla bla ne fasse pas double emploi, je m’arrête tout court. Adios – hervé.
De la part de Marie, le 11 Août
Puisqu’ils ont déjà tout dit…
Oh ! non ils ont oublié qu’ils sont maintenant
Tout à fait rassurés sur mon sort.
Mais ça aussi on te racontera ça ici –
Hervé est sage ou presque (….. voir le dessin)
Et nous tous très –
Marie
De la part de François, le 11 Août
Alors là ils ont tout, tout, tout dit, et moi je viens d’écrire
une longue, longue lettre aux parents d’Hervé, épuisement
total . l’ABR est complètement sec : pour écrire une lettre
du château moi c’est pas mon cas, j’ai de l’encre jusqu’au
coude fichu stylo. À bientôt. On t’attend pour aller à la plage…
avance toi……
François
Ordonnance du Dr Jean Rigal (de la clinique St Joseph, à Valence)
Ami de Mr. Fougère. Il lui a demandé un arrêt de travail pour moi, afin que je reste 3 jours de plus à Lequeitio. Je me pose encore la question de savoir à quoi elle pouvait bien me servir.
Lequeitio (Viscaya), le 28-8-62
Je soussigné certifie que l’état de santé de Mr. Jean Ollivier nécessite le repos au lit pendant une durée de trois jours au moins, sauf complications impossibles à prévoir actuellement. Signé.