Photo : Août 1968 - Loulou dans le grand pierrier sud de l'Ossau
Année 1921
11 Juin 1921 : naissance de Jacqueline (Jackie) Flouch à Bordeaux.
Décédée le 20 Août 2002 à Pau.
Année 1923
Année de naissance le 7 Février de Yves Henri Cabanne (1923 - 1985),
frère de Maïté Cabanne. Compléter
Année 1925
1925 - Année de naissance de Lucienne Cabanne, alias Loulou (Lucienne
Georgette Gabrielle), née rue de Bordeu à Pau, à 6h du matin. La
dernière de la fratrie des Cabanne « qui n’allaient pas à l’école » :
Gérard, Marie-Thérèse, Hélène, Cécile, Yves, Lucienne. Fille de Marie
Madeleine Léontine Sarrailhé (Mamie) [1885] et Alexandre Cabanne [1880].
Lucienne Cabanne alias Loulou (1925-2012).
En ce temps-là, début des années 1950 Loulou vivait maritalement
avec un dénommé Robert Bourneuf et à ne pas confondre avec Borneuf,
l’ancien mari de Christine) quitte à être la honte de la famille.
Mais elle n’était pas à cela p
rès, turbulente et inconsciente qu’elle a toujours été.
Cadette d’une famille de six enfants dont trois nés avant et
pendant la guerre de 1914-1918, elle n’en a toujours fait qu’à sa
tête, assez indifférente aux us et coutumes du temps, et sans états
d’âme face aux turpitudes et aléas de la vie. Elle a regardé mourir
ses parents, frères et sœurs dans la plus parfaite indifférence,
apparemment du moins, avec l’acceptation résignée des fatalités de la vie.
Dégourdie et sans complexes, l’esprit libre non pollué par
l’école de la République, elle sut, dès l’adolescence, se montrer
pleine d’initiatives, parfois à contre-temps, car un peu trop
détachée de l’air du temps justement. Une méchante rumeur familiale
persistante, peut-être injustifiée, lui attribua une liaison avec
un allemand de l’occupation et aussi un voyage en Allemagne.
Je n’ai rien entendu de tel de sa part, sauf qu’elle se vantait
à qui voulait l’entendre qu’elle savait (un peu) parler allemand
et débitait à tout bout de champ des mots de la langue de Goethe,
naïvement fière de son nouveau savoir linguistique. Il n’en fallait
pas plus pour qu’en 1958 (elle avait 33 ans), à l’issue du décès de
sa mère (son père est décédé en 1952) des querelles d’héritage semant
la discorde parmi ses frères et sœurs, elle soit battue et traitée de
garce, de fille perdue, de paillasse à soldat et j’en passe. J’en
étais le témoin effaré. Si c’est ça la solidarité familiale, bravo ! (à terminer)
Page 20 du Cahier Vert : selon le père Ollive :
Le dernier enfant, une fille [Lucienne, alias Loulou, 1925-2012],
eut une vie scolaire analogue aux autres, assez réduite. Pendant
l’occupation, elle fut aussi fiancée à un italien, qui l’amena chez
lui, pour la présenter à sa mère. Fiançailles rompues parce qu’elle
se disputa avec sa future belle-mère et l’injuria grossièrement.
Par la suite elle se compromit avec de jeunes allemands, failli
être tondue à la Libération, évita cette épreuve sur l’intervention
d’un de mes amis (le juge Bernis, témoin possible), puis partit avec
un montreur de marionnettes [Robert Borneuf], âgée de 50 ans – elle e
n avait 18 – devint sa maîtresse et resta 15 ans avec lui. Il lui apprit
au moins à travailler. Après divers métiers [dont monitrice d’auto
-école à Orthez, quelque chose à Perpignan etc…] elle entra chez un de
mes amis libraire [Jean Bordenave, également excellent photographe –
j’ai toujours le 4.5x6 Zeiss Ikon des années 30 qu’il vendit à mon père
qui me le rétrocéda par la suite] et lui donna satisfaction sur le plan
professionnel [elle lisait plusieurs livres, les nouveautés, par semaine
et passait régulièrement des WE en montagne avec le couple Bordenave –
il y avait une bonne entente].
Page 21 du Cahier Vert
Mais après quelques années son caractère « Cabanne » prit le dessus
et son patron avança la vente de son affaire d’un an et demi à cause
d’elle, ses scènes devenant insupportables même en présence des clients
et le-dit patron vendit parce qu’il se jugeait trop fatigué et sa femme
trop malade pour former une autre employée.
Les raisons de ces scènes paraissaient être l’amitié entre son patron
et moi. Le successeur [de Bordenave, le dénommé Riboulot, ancien boucher],
dûment averti cependant, la garda à son service. Il dut la renvoyer
(témoin possible), pour des scènes analogues mais dont les raisons
étaient toutes différentes [Elle ne supportait pas un marchand de
saucisses qui vendait des livres comme des escalopes].
Le premier patron [Bordenave] qui connaît bien ma femme, m’avança
un jour : « J’ai mieux compris le caractère de votre femme, et
votre attitude, en pratiquant le caractère de sa sœur »
Ajouts jm – Tante Loulou
[Pour rester dans le chapitre de Loulou et les livres il est
intéressant de donner quelques éléments de sa carrière après son
passage chez Bordenave-Riboulot. Elle fut embauchée par la librairie
Verlaine, au centre de Pau, et y travailla plusieurs années. Elle
eut des différends avec la patronne et fut renvoyée après de multiples
épisodes de disputes (je crois me rappeler que la librairie fut
reprise par la fille de la patronne – avec laquelle tout allait bien.
Elle n’a pas supporté la nouvelle façon instaurée par la file pour
gérer la librairie et le fit savoir haut et fort à ses risques et péril).
Elle trouva à nouveau une librairie, la librairie Tonnet, Place de
la République à Pau, essentiellement tournée vers les livres scolaires.
D’après les dires de Loulou ça s’est mal passé, et avec Mr. Tonnet,
et avec Mme Tonnet. La totale. Drame à tous les étages ! Je crois que
c’est ensuite que Loulou prit sa retraite – à vérifier. [J’ai le souvenir
ému de cette vieille librairie de Pau où je suis allé acheter les livres
qui m’ont permis de réussir les épreuves du bac, le lycée s’étant avéré
nul à cet égard. Oui, plus que nul même. La grand’mère officiait à la «
caisse », constituée d’un empilement invraisemblable de livres ne
laissant que la stricte place nécessaire à la vieille dame. Elle
enregistrait les ventes en remplissant sommairement un papillon de
papier qu’elle embrochait sur une pique bien en vue sur son bureau,
pourtant encombré de mille objets absolument indispensables.]
Les marionnettes au casino des Eaux-Bonnes
C’était au début des années cinquante. Ma tante Loulou et son copain
Robert Bourneuf, avec lequel elle vivait maritalement quitte à être la
honte de la famille, organisaient des représentations de marionnettes
aux quatre coins du monde ou presque, en Afrique notamment. Afin de
financer le voyage dans le Sud-Ouest décidé par Loulou pour rendre
visite à sa famille (la mort d’Alexandre son père peut-être, en 1952)
le père Bourneuf s’arrangea avec le casino des Eaux-Bonnes pour
qu’il puisse présenter son spectacle interpreté par les
marionnettes qu’il animait.
Nous, les neveux et nièces de Loulou n’avions jamais eu droit à la
moindre séance privée et étions assez ignorants de la science des
marionnettes. Mais là, occasion inespérée, nous pourrions assister
à une représentation publique et admirer selon Loulou les performances
de son petit copain l’artiste, et voir enfin en action ses fameuses
marionnettes dont nous parlions souvent sans les avoir jamais vues,
car enfermées à clé dans un coffre mystérieux qui ne quittait jamais
le marionnetiste. Ma sœur Christine et moi-même étions donc invités
à assister au prochain spectacle.
Youpie !! Car en plus, ce pauvre marionnetiste ne possédant pas de
voiture, nous devrons prendre le train pour gagner Laruns (voilà un
progrès par rapport au voyage de Bielle effectué deux ans auparavant
avec Mam (voir ). De Laruns et par l’ancienne petite route au bord
de laquelle nous nous restaurons aujourd’hui en 1966, il fallait que
Loulou et son artiste montent aux Eaux-Bonnes à pied, en tirant une petite
charrette chargée du coffre magique rempli de marionnettes, le délicat
outil de travail de « l’oncle Robert », titre que la famille lui récusait
obstinément. Et pourtant j’ai eu l’impression qu’il aurait apprécié. Il
faisait des efforts pour apprivoiser ses « neveux et nièces ». Il y avait
bien pire parmi les oncles légitimes. Celui-ci était toujours bien habillé,
parlait sans hausser la voix, savait dessiner et se montrait gentil, voire
attentionné. Nous étions charmés.
Ces deux adultes, une charrette, et deux mioches à la traîne sur
une petite route oubliée et déserte, un vrai tableau digne des Misérables
et que Zola n’aurait pas désavoué. Nous ne nous rendions pas compte, tout
mioches que nous étions,
de la dureté du travail d’un artiste indépendant, ne devant compter que sur
lui-même et sur son art considéré comme mineur, méprisé par la bonne société
dont je faisais partie sans le savoir. C’était tout simplement une grande
personne qui faisait son travail. On ne nous demandait même pas de l’aimer,
pire, il fallait s’en méfier car on nous sussurait qu’il aimait peut-être
les petits enfants, lui. Nous ne comprenions pas cette équation. Et pourtant,
nous les enfants, pensions qu’il méritait d’être aimé car nous apprécions
sa présence, sa part de mystère, le considérant plus comme une sorte de
père spécial que comme un oncle sorti de nulle part. Curieux paradoxe
pour les enfants qui l’aimaient bien comme on dit, mais il était sous-entendu
qu’il ne fallait pas l’aimer.
Spectacle « en matinée » donc, c’est à dire en début d’après-midi, dans
une des salles de l’opulent casino des Eaux-Bonnes, encore fréquenté à cette
époque par une bourgeoisie cossue. Robert doit tout faire par lui-même,
déballer les marionnettes, les défroisser, monter la petite scène, tester
la sono et entamer une courte répétition pour délier ses poignets et poser
sa voix pour être sûr de faire parler ou crier correctement les différents
héros de ses histoires. Un homme orchestre en somme. Et pour les enfants
c’était quelqu’un qui n’allait pas s’enfermer dans un « bureau » mystérieux
qu’ils ne voyaient jamais dans lequel il prétendait « travailler ». L’oncle
Robert, lui, ne cachait pas ce qu’il faisait, bien au contraire.
Installés au premier rang d’une salle bien peu remplie, nous fûmes ainsi
aux premières loges pour apprécier la performance de l’oncle Robert. Loulou
vint faire une révérence et annonça le programme, tout sourire. Elle nous
étonnait, Loulou, nous ne nous attendions pas à la voir effectuer une telle
prestation en public, avec une aisance très professionnelle. A côté d’elle
nos autres tantes nous semblèrent tout d’un coup devenues de vieilles rombières
d’un autre âge, ne sachant rien faire de leurs dix doigts, et promptes à nous
engueuler pour des broutilles. Je n’ai pas le souvenir d’une enguelade de Loulou.
Elle réservait ça à ses frères et sœurs.
Je n’ai aucun souvenir des thèmes présentés dans ce petit théâtre de
marionnettes. Je revois virevolter des petits personnages ressemblant
à des papillons multicolores pourvus d’une voix mystérieuse cachée derrière
un épais rideau. Spectacle envoûtant pour les enfants qui savent transposer
dans leur tête grâce à leur imagination fertile le monde suggéré par les
marionnettes et ainsi continuer de voyager en esprit dans leur monde
merveilleux, bien après que le spectacle soit terminé.
Il est donc dur de retourner sur terre lorsque le père Bourneuf, saisi
d’un brusque accès d’humeur, se met à lever la voix pour nous signifier
que nous allons rater le train du retour et qu’il n’a pas de quoi payer
l’hôtel, raison pour laquelle, aussi, il a abrégé le spectacle et accéléré
les dernières scènes.
Marionnettes et petit théâtre sont fourrés en vrac et en toute hâte
dans la carriole et c’est la fuite en courant sur la petite route
empruntée à l’aller. J’ai le vague souvenir que nous sommes arrivés
en avance pour prendre le train du soir, la sueur en prime et l’estomac
vide. Dur dur le métier de comédien… et de ses fans !