Samedi 10 Juin 1961 – Escalade à Sesto
Participants : Michel Grollemund, Hervé (?) et Jean. Vélomoteur et Vélos.
Prévue depuis pas mal de temps, cette sortie avec Michel Grollemund (le généreux prêteur de vélomoteur) peut enfin se faire.
Il arrive à 9h la bouche en cœur, rien dans les mains rien dans les poches (sauf 100 F à peine, soit 15 cts d’euro) et surtout rien à manger.
Nous arrivons là-bas aux environs de 11h30. Après le miam miam habituel au bivouac j’encorde le Michel, qui n’a jamais fait vraiment d’escalade, et l’emmène à la voie en Z. Malgré sa facilité cette voie détecte le débutant et peut l’orienter. Michel avance, oui, mais assuré en diagonale il ne se sent pas à son aise, et il se colle à la paroi pour ne plus voir le vide qui se creuse malgré la végétation qui en cache une partie, au lieu de se détacher du rocher pour mieux contrôler ses jambes et ses pieds. Sa position est inconfortable et le rend inefficace, sa progression est pénible. Au premier passage en diagonale il n’ose pas passer directement, et pour diminuer une difficulté qui n’est déjà peu accentuée (III-) il évite le passage par la gauche en redescendant pour retrouver une progression directe, plus naturelle. Mis en jambe, et en bras, il termine la voie sans problème.
Je lui propose ensuite la Microde, voie-test qui permet de détecter le débutant doué (François par exemple), le débutant normal accrocheur ou le débutant trouillard non doué. Michel attaque trois fois et dévisse trois fois, malgré le mal que lui fait la corde et malgré ses écorchures aux doigts à la traversée initiale. C’est un débutant normal incapable de passer du V, et le regrettant bien.
Après nous être restaurés nous nous préparons à une autre ascension. Peut-être réussira-t-il dans le IV ?
Départ Herwick [passage qui mène à la voie des Soupirs] et déjà des hésitations. Je décide d’ouvrir un nouveau passage dans le mur situé immédiatement à gauche du Surplomb Jean-Charles. Surplomb de V dans le haut du mur, étrier. Beau passage. Mais pas beau passage pour Michel qui y vit un véritable drame. Après avoir enlevé l’étrier et le piton il essaie en vain de franchir le passage. Il s’en sort en utilisant l’étrier accroché à l’une des cordes en se faisant assurer-tirer avec l’autre. Arrivé au relais il se blottit peureusement dans un buisson épineux dont il ne sent pas les piqûres. Il se met à hurler lorsque je me débarrasse de la végétation encombrante qui lui cache le vide.
Sans pitié je corse encore l’affaire par une longue traversée à gauche, vers l’Aiguillette. C’est ma foi assez difficile, et je suis obligé, étant sans aucune assurance, de faire très attention. Pour la sécurité je mets deux pitons au pied de la Cheminée Carrée.
Mon pauvre second se lance là-dedans comme on va à l’abattoir. Il parcourt une partie de la traversée et finit par dévisser. Après bien des manœuvres il parvient au pied de la Cheminée Carrée.
Parvenu au sommet de la falaise il reprend du poil de la bête. Il est persuadé d’avoir participé à une grande première et trouve étonnant que la voie ne se développe que sur 50 mètres. Je lui aurais dit 500 mètres qu’il m’aurait cru !
Nous plions bagage et avant de partir allons voir de plus près ces falaises monolithiques qui nous dominent lorsqu’on aborde le pierrier en venant du Défilé [Ce groupe sera nommé GSIP en 1965]. Elles ont une gueule sensationnelle. Leur élan et leur compacité nous intimident, particulièrement une sorte d’éperon fantastique qui semble s’avancer vers nous.
A quand ?…….. à quand ?…