Dimanche 13 Décembre 1959
Equipe Hervé-Jean. Véhicules : vélos. Trajet : Pau-Arudy et retour.
Tentative au Dièdre de la Directissime
Au lieu de partir à 6h1/2 comme prévu nous ne pûmes démarrer qu’à 8 h. Aussi
c’est encore heureux que nous puissions attaquer à midi.
Cette fois on ne nous y reprendra pas. Le temps est gris et incertain. Encore
heureux qu’il ne pleuve pas. Cette fois, dis-je, nous avons emporté de quoi
nous changer entièrement et en double exemplaire en plus (j’avais entre autres
choses 3 anoraks, 3 pull overs, 2 chemises, 2 pantalons etc… Et c’est d’ailleurs
pour ça qu’il n’a pas plu.
Donc j’attaque, bardé de ferraille tintante et cliquetante comme d’habitude.
Il fait froid, j’ai les doigts gourds. Je m’élève de deux mètres puis retombe
lourdement dans les feuillages. Ce n’est rien. Je me réchauffe les mains et
repart à l’attaque. J’arrive au pied de la cheminée en question [ ?] qui
n’est d’ailleurs qu’une méchante fissure, en surplomb de surcroît. Elle dégouline
de flotte. Tant pis, on l’a choisie, on l’aura, on la vaincra, dut-on la
transformer en un bloc de fer.
Au départ j’installe un excellent piton d’assurance. Rassuré j’attaque. Mais
c’esdt très dur ; pas de fissures pour mettre les pitons, si ce n’est une
grande faille centrale pour les coins de bois. Mais les coins, tête en bas,
j’hésite. J’aperçois loin au-dessus (2 m !) une bonne fissure pour cornières.
Mais c’est bien trop loin.
A l’aide d’oppositions savantes et acrobatiques j’atteins sur la gauche une
fissure pour cornière. J’en installe une et m’élance. Je crie déjà victoire,
car une bonne fissure à pitons grimpe sur une roche absolument lisse par
ailleurs. Je continue donc à planter des pitons (4). Mais une fissure
horizontale vicieuse met un terme à la fissure verticale.
Que faire ? Entre ciel et terre, pendu à mes ficelles comme une araignée
à son fil je cherche la solution du problème. Si je continue sur la gauche
j’empiète sur une autre voie. Et pour aller à droite vers la cheminée-
fissure en surplomb, pas le moindre gratton, pas le moindre trou. Il
faudrait des pitons à expansion et ce serait vite liquidé, mais nous
n’en n’avons pas.
J’essaie alors une traversée en esposito. Mais chaque tentative se
termine par d’abominables pendules. Impossible.
Furieux je reviens à la base de la fissure. A l’aide d’oppositions
fragiles et avec des efforts surhumains, je place un coin auquel je
n’ai qu’une confiance limitée, puis une cornière encore plus haut.
En essayant la solidité de la cornière j’envoie à toute volée le
marteau dans mon petit juif droit. On aurait dit que j’avais mis ma
main dans de l’eau bouillante. J’ai presque failli dévisser.
Au moment d’émerger au-dessus du surplomb un misérable arbuste plein
d’épines me barre le passage. C’est la fin. Voilà plus de trois
heures que je suis pendu à des fils, j’en ai assez. Tout ça pour
quelques mètres à peine. C’est pas rentable.
Pendant une heure Herr-Wick essaie de forcer le passage. Il place
un piton un peu plus haut que les miens, mais ne peut émerger
au-dessus du surplomb.
Le soir, en revenant à Pau, un incident technique de vélo nous
sépare sur la route, et je rentre seul, la dynamo tenue par trois fils…
(En fin de récit croquis succinct de la fissure et de la fausse voie à gauche.)