Photo : face W du Petit Pic d'Ossau
Les Flammes de pierre se découpent en ombres chinoises
Mardi-Mercredi et Jeudi, 28-29-30 Juin 1960
Equipe Hervé-Jean.
Véhicules : vélos. Trajet : Pau-Aneu (proche du Pourtalet) et retour.
Objectif : l’Ossau
Face Ouest du Petit Pic
Voie des vires à la Pointe Jean-Santé
Mardi : Pau-Aneu en vélo (68 km) avec le matériel d’escalade
et la nourriture. Nous arrivons vers 18 heures, après un
parcours assez dur, car il y a 25 km de route en côte [et
avec des vélos sans dérailleur].
A 19h30 nous sommes au refuge de Pombie, où, horreur, nous
trouvons le refuge principal grouillant de monde [nous sommes
encore dans l’ancien refuge de Pombie construit dans les
années 1920]. Et soudain un hurlement caractéristique se fait
entendre et qui vois-je ? John, autrement dit Jean Minville.
Le même que celui avec lequel nous avons exploré les gouffres
et cavernes de Lazerque et la grotte de l’Ours à Gourette l’an
passé. Heureuse surprise.
Il est monté au refuge avec six copains, garçons et filles.
Ils ont passé toute la journée au pieu, à baffrer comme des
chancres entre autres activités. Et lorsque nous déballons
force victuailles pour nous restaurer ils se mettent à tourner
autour de nous comme des mouches à merde, en bavant d’envie.
La nuit ne fut pas bonne, je n’ai pas fermé l’œil, trop chaud,
trop de ronflements etc…
Mercredi : Tôt le matin Jean Minville et un de ses copains
descendent dans la vallée retrouver leurs vélos pour rentrer
à Pau. Les cinq copains qui restent partent en guerre contre
la face Nord du Grand Pic d’Ossau.
Nous nous préparons, Hervé et moi, à attaquer la face Ouest du
Petit Pic (D). Après force déambulations entre les immenses
pierriers qui parsèment la base du Petit Pic et les parois,
nous finissons par trouver ce que nous pensons être la base
de la face Ouest. [Ces lieux ont un petit air connu pour nous.
Il y a moins d’un an, en août 1959 nous errions par là à la
recherche des piliers de l’Embarradère, et avions fini par aboutir
à l’arête de Peyreget].
Afin de confirmer notre position nous poussons un peu plus vers
le nord en dépassant l’arête NW. De notre position la vue plonge
sur un vide épouvantable et nous confirme que nous sommes arrivés
au bon endroit. La paroi Nord s’incurve en effet et plonge
effroyablement vers sa base sur plus de 400 mètres, elle est de
couleurs rose et jaune, signes évidents de danger.
De retour à la face W nous abordons la première cheminée. Elle
est barrée par une énorme lame branlante, prête à s’écrouler.
Aussi je passe rapidement sur sa gauche. La progression se
poursuit directement puis en traversée pour rejoindre le bloc
coincé dont l’escalade se révèle assez athlétique. Suivent quelques
rochers croulants et un petit dièdre qui nous mène au pied de
la fissure tapissée de lichens rouges décrite dans le guide.
Klac – Klac. C’est du IV et elle doit nous conduire à l’intérieur
de la fameuse grotte caractéristique de la face W [résultant en
fait d’un amas de blocs cyclopéens tenant par on ne sait quel miracle].
Une fois bien installé dans la grotte je fais venir Hervé qui sue
sang et eau pour extraire le piton d’assurance que l’ai placé dans
la fissure de IV. Il y met 20 minutes. La suite consiste à trouver
la sortie de la caverne dans son plafond, ce qui me prend un certain
temps. Du temps aussi pour passer dans la seconde caverne. Là je
fais venir Hervé en toute sécurité grâce à un bon piton.
Sortir de cette seconde grotte semble vertigineux et pas trop facile.
Il y a donc recherche du bon cheminement. Après de nombreux tâtonnements
nous découvrons enfin la bonne sortie. Une longueur de corde et nous
allons nous prélasser deux heures au soleil du sommet du Petit Pic.
Sans nous douter que nous passerions tout le reste de la journée à la
recherche de l’itinéraire de descente du Petit Pic !
Je dormis bien ce soir-là.
Le lendemain nous partîmes à l’attaque de la Voie des Vires à la Pointe
Jean-Santé, pendant que Françoise et Milou Pujolle, rencontrés au refuge,
vont grimper le couloir Pombie-Peyreget. Nous nous retrouvons au sommet
de la Pointe. L’orage qui menace nous empêche de monter au sommet de
la Pointe d’Aragon. Nous nous hâtons vers le refuge que nous regagnons
après une bonne glissade sur les névés de la Grande Raillère.
Ensuite il faut songer à rentrer à Pau. Déjà. L’hypothèque des résultats
du bac Maths passé début Juin plane lourdement au-dessus de ma tête. Les
résultats ont dû tomber lors de notre séjour à l’Ossau. Descente rapide
sur Aneu. Les vélos sont toujours là. La route se passe bien, descente
au poil écrivai-je. Mais Hervé se prend un vol en rentrant dans un chien.
Tout le monde s’en sort bien. Puis pluie, circulation, fatigue et même
coup de barre et…… et… collé au bac !
Pendant quelque temps ces trois jours épatants vont être noyés dans la
crasse des jours suivants. Le foie en prit un coup.