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Juin 56 jmo

L'Immaculée Conception de Pau, classe de troisième en 56

Classe de Troisième : professeur principal l'abbé Duvergé (sur la photo)
J'ai retrouvé avec plaisir mon camarade Gérard (blouson blanc) sur cette photo.
En vélo nous avons écumé les routes du Béarn durant l'année
scolaire 1956, cette année de troisième sanctionnée par le BEPC.
Je me souviens avec précision de la première "grande" balade
que nous fimes.
Lundi 3 Octobre 1955 entrée en 3ème, à l’Immac.

1956jm : 14 ans-15 ans - Cette année-là de 3ème me réveilla intellectuellement grâce à l’abbé Duverger (Ratus) pour l’enseignement général, à Biban, le prof de maths et préfet de discipline lorqu’il n’enseignait pas et à l’abbé Sorre pour la Chimie et la Physique, matières toutes nouvelles pour moi. Apprentissage du grec ancien. Examen du BEPC (réussi).
C’est donc cette année-là que j’ai découvert la Chimie et son monde magique avec l’abbé Sorre à l’Immac. Et pourtant quelle rusticité !
Récit… le chlore…

Février 1956 – Sérieuse vague de froid durant tout le mois (- 20° à Paris). Comment ma grand-mère Blanche a-t-elle résisté dans son immense maison glaciale (El Patio). Je n’ai pas le souvenir que l’on se soit beaucoup occupé d’elle. Comme deux ans plus tard où elle contractera une pneumonie mortelle. Quant à moi j’arrivais à me déplacer en vélo dans les rues verglacées de Pau. Pour l’Immac c’était bon, mais le jeudi je devais me taper plusieurs km pour suivre mes cours de maths avec Alice Lartigue, l’amie des chats [voir 1962jm]. Me souviens d’un vol sur une grosse plaque de verglas à l’intersection avenue de Lons – avenue Jean Mermoz (route de Bordeaux). Juste avant le grand froid un épisode de neige suivi de vent du sud avait détrempé les chaussées.

Juin 1956 – Examen réussi du BEPC


Le vœu de Gérard
………………..
.....Afin de nous tester sur de longues distances plutôt que sur de
courtes pentes revêches et en profiter pour prendre l’air loin de chez
nous, j’arrive à convaincre un camarade de collège dynamique et décidé,
Gérard Renard, à venir faire avec moi une vraie balade en vélo. Cela
s’appellerait du cyclotourisme aujourd’hui. Si le concept existait dans
les années cinquante, il ne concernait qu’un nombre très faible de
pratiquants. En dehors des villes, ou au voisinage des villages,
lieux dans lesquels la bicyclette rendait de fieffés services, on
ne rencontrait pas de cyclistes, ou si peu.
Le parcours que je propose à Gérard passe en principe par Oloron,
puis Arudy via le Bager et retour à Pau par Rébénacq et Gan. Pour
un début ce n’est pas mal. Nous verrons par la suite que ce trajet
va s'enrichir de notables variantes !
Mardi 1er mars 1956 nous nous retrouvons à 8h30 à l’intersection
du Boulevard d’Alsace-Lorraine et de l’avenue Jean Mermoz à Pau.
Nous emportons un petit casse-croûte, un demi-litre d’eau chacun
dans le bidon d’aluminium du vélo et une vieille carte Michelin.
Nous ne portons pas de vêtements particuliers, seulement un anorak,
en cas. Vélos monovitesse, guidon droit.
Quel bonheur de remplir ses poumons d’air frais et de foncer tête
baissée vers la sortie de la ville, en descendant en trombe la
rue qui mène au Pont du IV Juillet au-dessus du gave vers Jurançon.
Ca part très fort. A Gan, après 7 km, nous tenons conciliabule.
La route nationale qui rejoint Oloron est trop fréquentée à notre
goût (déjà !) et nous jugeons plus agréable d'emprunter le chemin
des écoliers qui passe par Lasseube et Estialesq. Nous sommes
arrivés tellement vite à Gan qu’il nous semble déjà que notre
balade va être trop courte, et que quelques extras ne peuvent
que l’agrémenter agréablement. D’ailleurs Gérard est passé par
Estialescq avec ses parents récemment et il m’assure que c’est
facile et sans problème. Va donc pour Estialecq !
Cette route est très touristique, tout à fait charmante, sans
la moindre circulation mais elle a un profil de montagnes russes.
La moyenne tombe ! Les 23 km de Gan à Oloron nous prennent plus
d’une heure, et nous nous demandons si nous avons bien fait de
passer par là. Gérard était en voiture lorsqu’il l’a parcourue
avec ses parents et il n’avait pas remarqué le relief ! Cependant
il n’est pas 10 heures du matin lorsque nous caracolons sous un
beau soleil dans les rues d’Oloron, qu’il faut traverser pour
rejoindre à 8 ou 9 km le village de Lurbe-Saint-Christau, à la
porte de la majestueuse forêt du Bager. Tout va bien jusque là,
et dès Lurbe passé, nous nous sentons sur le retour.
Nous pique-niquons au bord d’un ruisseau juste avant le bois du
Bager proprement dit. Ces grandes forêts et la proximité des
premières montagnes (Mail Arrouy, Escurrets…), confèrent un caractère
d’aventure à notre équipée. Qu’il nous semble loin le collège,
qu’elle est loin la maison familiale. Nous avions coupé les ponts,
nous nous sentions très loin de tout cela. Nous nous sentions libres
et je me souviens que, tous les deux, nous partagions cette euphorie
et en parlions. Avec nos petits mollets nous étions sûrs de pouvoir
aller n’importe où. Gérard avait en plus l’art et la manière de
lier conversation avec les «naturels» du pays pour leur soutirer
des renseignements sur le chemin à suivre (la signalisation était
loin d’être ce qu’elle est devenue aujourd’hui). Tout allait bien.
En guise de digestif nous traversons la forêt du Bager, un peu
sévère en ce début mars car les arbres à feuilles caduques sont
encore nus, mais la majesté du lieu nous enthousiasme. Nous nous
en imprégnons et l’adoptons. Sans que nous nous en doutions un
lien profond se crée avec les pays que nous découvrons aujourd’hui,
un lien d’amour dont nous ne pourrons plus nous passer à l’avenir.
Nous sommes victimes du syndrome de la terre natale vers laquelle
toute sa vie on aspire à revenir, ou bien à ne pas la quitter,
surtout quand elle est si belle.
Nous sortons tout ébouriffés du bonheur des merveilles rencontrées
dans la grande forêt, de laquelle nous nous attendions à voir
surgir à chaque instant ours sauvages et phacochères en délire.
Mais le grand silence de ces lieux majestueux nous impressionnait tout autant.
Nous arrivons à Arudy en pleine forme, juste échauffés, et joyeux
d’avoir si bien négocié cette première partie du parcours. Ah ah !
on aurait bien aimé les voir les «autres». Nous ne pouvons nous
empêcher, affreux gamins que nous sommes d’évoquer les petits
camarades de collège, un peu trop choyés et vite fatigués, et que
nous aimions faire souffrir. Gosses de riches ! Les parents de Gé
rard, bien que de conditions modestes, lui font suivre sa scolarité
dans un collège privé qui ne bénéficie pas encore des subventions
d’état. Il faut savoir compter. Quant à moi, ressources ou pas, mon
père a élevé ses enfants à la dure, dans le culte de la performance.
Etre le meilleur était tout juste suffisant ! Zéro défaut !
Bon. La journée est à peine entamée, nous avons des fourmis dans
les jambes et surtout aucune envie de rentrer à la maison à la
mi-journée. Au lieu de revenir directement sur Pau nous décidons
donc d’effectuer un petit détour par Nay, via Mifaget et Bruges,
une vingtaine de km en plus sur notre plan de route initial.
Ces routes faiblement vallonnées se laissent parcourir sans peine.
Juste un peu mal aux fesses, et encore…
Au carrefour des routes de Nay et de Lourdes, nouveau dilemme.
Rallier Pau, comme le bon sens devrait nous le dicter ? Car en
effet pour une première sortie au long cours, le contrat avait
été bien rempli. Le retour par la morne plaine de Nay ne nous
disait rien. D’autant moins en ce qui me concernait que je
connaissais bien la route Pau-Bizanos-Igon et retour pour
l’avoir parcourue un certain nombre de fois avec ma maman
et mon petit frère Pierre pour rendre visite, généralement
le jeudi après-midi, à ma sœur Christine pensionnaire dans
l’Institution religieuse qui faisait la réputation du petit
village d’Igon. On allait généralement se promener le long
du gave avec la «prisonnière».
Igon, Bétharram, deux mots qui sonnaient comme le tonnerre
dans la bouche de notre père. Ceux qui travaillent mal seront
mis pensionnaires, à Bétharram pour les garçons, à Igon pour
les filles. Pensionnaire ! Terreur ! Finies les petites balades
du soir après l’école, finies les lectures sauvages tapi au
fond du lit, sous les draps lorsque toutes les lumières sont
censées être éteintes, finie la construction de la cabane jamais
terminée au fond du jardin, adieu mon élevage de tritons, mes
observations astronomiques, bye bye tous ces petits riens qui
font le charme de la vie quotidienne, libre et indépendante.
Sans compter la terrible réputation de ces institutions auprès
des collégiens de la région. J’avais frôlé la sanction, mais ma
sœur Christine, très dégourdie pour son âge, indépendante et
pas toujours obéissante – et pas forcément attentives aux
préceptes du père en ce qui concernait les études – y avait eu droit.
Donc cette région il fallait la fuir au plus vite ! Direction
Pontacq ? Le détour n’était pas énorme, mais l’itinéraire pour
rallier Pontacq nous parut compliqué (nous devions déjà être un
peu fatigués). Et là, comme inspirés par l’odeur de sainteté
répandue par le collège de filles d’Igon, nous eûmes tous deux,
Gérard et moi, la même idée : et si l’on passait par Lourdes ?
Notre virée prenait de ce fait une toute autre envergure ! Nous
passions d’une simple petite balade de collégiens en goguette
à un véritable pèlerinage vers la ville sainte ! Cette perspective
nous donna des ailes… toutes relatives cependant !
Le trajet vers Lourdes commençait à nous éloigner sérieusement
de nos bases, et nous savions bien qu’une fois arrivés à Lourdes,
40 km allaient nous séparer encore de Pau, de chez nous. Serons-nous capables ?
Gérard a des parents propriétaires d’un hôtel à Lourdes, oncle
et tante, l’occasion de les saluer. Nous les gamins sommes très
respectueux des «grands» et aimons à voir reconnus nos mérites
par eux. Sûr qu’ils vont être étonnés !
En attendant nous commençons à «ramer» sur la route qui passe par
Lestelle (Bétharram est de l’autre côté du gave, tant mieux et
bon vent !), et Saint-Pé-de-Bigorre. L’air de rien, ça monte !
Et la route est pas mal accidentée. Les mollets souffrent, et
leurs propriétaires aussi. Il ne nous reste rien à grignoter ni
à boire. Nous pensons faire le plein à Lourdes. Mais Lourdes
c’est où ? Il est loin le bel enthousiasme du matin sur la route
d’Oloron. Nous avons l’impression que c’était un autre jour,
au cours d’une autre balade. Le temps s’est couvert, et la
radieuse lumière qui encore au carrefour Nay-Lourdes éclairait
notre route a disparu. Nous sommes au charbon, prisonniers d’un
défi que nous nous sommes imposé. Gérard, qui commence à douter,
affirme que si la Vierge Marie lui en donne la force, il ira
déposer un cierge à la grotte de Massabielle de Lourdes.
Cette fois nous l’aurons mérité le pèlerinage. Car tous les ans,
le 8 décembre, le collège organise, selon sa tradition, un
pèlerinage officiel. Des cars nous déposent à Lourdes et nous
avons droit à la totale : messe, sermon, bénédiction et chemin
de Croix tout le long de la rampe qui mène à la basilique. Journée
exceptionnelle qui nous sauve malgré tout de la monotonie rigoureuse
des pères abbés qui nous prodiguent les enseignements laïques et
religieux tout le restant de l’année. Nous avons même une petite
grotte de Massabielle en réduction dans le parc du collège. Des
répétitions y sont célébrées avant le grand jour. Quel crédit et
quelle foi accordions-nous à tous ces salamalecs ? Je ne puis le
dire aujourd’hui. Nous faisions ce que l’on nous demandait de
faire. Toute métaphysique avait disparu pour moi depuis la
Première Communion. Chose curieuse, car ce n’était pas faute
de prodigieux efforts de la part de notre encadrement religieux :
catéchisme, retraites spirituelles, messes pluri-hebdomadaires,
confessions (j’y échappais la plupart du temps), communion,
sacrements, saluts, vêpres, prières avant et après chaque
classe et aux grands moments de la journée (matin, midi,
seize heures), en rang et les bras croisés. Le résultat ?
Certains d’entre nous ne croyaient
plus en rien. Nous laissions faire en ruminant au fond de
nous-mêmes que plus tard nous adorerions le dieu de notre
choix, ou pas de dieu du tout, ni de vierge, ni de saint.
Saturés et non convaincus nous étions. Avec leur rigueur et
leur discipline les curés avaient échoué dans leur entreprise.
Ils ne savaient pas parler au cœur de leurs ouailles. Nous
n’avions plus peur de l’enfer et ne croyions pas du tout
au paradis. Que restait-il alors ?
Eh bien, des sursaut de croyance, le respect de certaines
valeurs, un système de référence qui nous conféraient une
certaine morale. Et pour le moment il fallait prosaïquement
arriver à Lourdes sans traîner si nous voulions regagner
nos pénates à temps pour ne pas subir les foudres parentales,
et se voir interdire toute autre escapade. Et avoir l’honneur
de déposer un cierge à la Grotte. C’était le souci prioritaire
de Gérard, son vœu le soutenait, lui donnait des forces,
lui faisait croire en la légitimité de sa démarche insolite.
Sans compter que cela nous faisait bien rire tous les deux.
Y aura-t-il un miracle ? Le miracle ce sera d’arriver !
A force d’encouragements mutuels et de petits coups de pédale
nous atteignons la cité mariale, sensiblement à l’heure du
goûter. Gérard hésite quant à l’adresse de ses oncle et
tante. Oh là ! Pas de blague, nous comptons bien sur un
petit en-cas pour nous réconforter ainsi qu’un franc six
sous pour acheter le fameux cierge.
A force de tourner dans les rues la mémoire revient à mon
petit camarade et nous finissons par dénicher l’hôtel. Nous
sommes reçus avec sollicitude, engouffrons un bon goûter
pris rapidement, et nous repartons en nous répandant en
moult remerciements émus. La bénédiction de l’oncle et de
la tante nous accompagnent, impressionnés qu’ils sont du
vœu de Gérard de vouloir faire ses dévotions à la fameuse
Grotte, à l’issue d’un si long cheminement. Pour aujourd’hui
ce sera notre grotte, et non cette chose imposée par le
collège, dans sa stricte discipline. Nous nous sentons
responsables et grandes personnes. Gérard achète un cierge
à l’entrée de l’esplanade et va le placer religieusement
à l’endroit réservé devant la grotte. Une courte prière
(là il m’épate l’ami Gérard quand je le vois à genoux,
prosterné, les yeux mi-clos) et nous ré-enfourchons dare
-dare nos bien-aimés vélos que personne ne nous a chipés.
Il ne faut pas traîner si l’on veut être à l’heure du
souper à la maison.
Sanctifiés par notre geste pieux, regonflés par le goûter
pris à l’hôtel, nous avons retrouvé une bonne partie de
nos forces. Et il nous en faut. Le vent s’est levé et
souffle de face, comme dans toute bonne histoire de vélo.
Ce vent d’ouest, annonciateur de pluie, nous rend la besogne
difficile et diminue la «moyenne». Il nous reste à rouler
40 km qui s’ajoutent aux 100 km déjà parcourus.
Bref arrêt à Espoey où nous rencontrons un camarade de
classe, natif du coin, Adrien Pondebat pour ne pas le nommer.
Une force de la nature, taillé en rugbyman, qui ne songe
que musculation et gros muscles. Il avait toujours considéré
nos chétives silhouettes avec un certain mépris, même si nous
arrivions à lui «faire la nique» au collège dans des disciplines
telles les agrès (barre fixe et anneaux). Mais aujourd’hui il
est «bluffé» pour employer un langage contemporain, lorsque
nous lui disons que nous venons d’Oloron via Lourdes. Oloron
pour lui c’était déjà «terra incognita», étrangère à coup
sûr. Lourdes ça lui parlait mieux. Nous venions en quelques
instants de gagner son estime, d'exister à ses yeux. Ses
remarques admiratives nous insufflèrent suffisamment d’énergie
pour gagner Pau après avoir bataillé plus de 15 km sur l’interminable
ligne droite de Soumoulou, et arriver à l’heure pile du
dîner chez nos parents respectifs.
Le lendemain il y avait école et la vie reprit son cours «comme
avant». Mais étions-nous toujours les mêmes ?


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