Dimanche 8 Janvier 1961 – Vers le Rocher Blanc.
Equipe Hervé-Jean. Véhicules :vélomoteur et vélo – Parcours : Pau-Mifaget AR
L’épique chevauchée de l’autre jour nous a mis en goût. Et puis un petit projet…
Il est déjà 15 h quand, enfin, nous nous extirpons de la ville. Nos moyens de
locomotion se limitent à un vélo et un vélomoteur.
L’un tirant l’autre alternativement, nous gagnons Asson assez vite par la
route empruntée lundi dernier. C’est là que les ennuis vont commencer.
Tout d’abord nous fonçons vers Ferrières au lieu de nous diriger vers
Louvie-Juzon. Ce n’est rien, qu’un peu de temps perdu. Revenons. C’est
là que le vélomoteur prend l’initiative de caler. On connaît : démonter
la bougie et la gratter.
Dès lors la bougie de ce maudit engin va perler environ tous les km.
C’est à croire qu’il aime qu’on le titille. En outre son embrayage
montre des signes évidents de faiblesse.
Un peu avant d’arriver à Bruges Hervé trouve le moyen de caler juste après
avoir dépassé quatre ou cinq gonzesses qui s’imaginent que c’est pour elles
que nous nous mettons en frais. Enfin…
Nous cherchons en vain un garage. Tout le monde est allé urner (voter).
Autre incident en montant une petite côte à la sortie de Mifaget,
la chaîne du vélomoteur saute et le moteur s’emballe dans un bruit
effrayant. Plus loin, juste à la sortie de Pédestarres, un pneu avant
du vélo sur lequel Hervé pédale explose. J’apprends alors avec terreur
que le dispositif de réparation prévu par Hervé se limite à un rouleau
de scotch ! Sans compter que le pneu arrière est au bout du rouleau,
une vis proéminente l’ayant complètement lacéré.
Herwick en prend pour son grade, mais semble ne pas comprendre. Nous
repartons cahin caha et nous pouvons enfin accéder au but de notre
randonnée chaotique : voir le rocher, massif, assez grand et perché
trop haut sur la « colline » pour que nous ayons le temps d’aller
le visiter ; d ‘ailleurs le jour baisse. Nous restons néanmoins un
long moment à le contempler d’un œil attendri. Beau profil. Beau
galbe. Il est assez grand pour être visible depuis le Boulevard des
Pyrénées à Pau. Et déjà nous sommes prêts à faire des infidélités
à « nos » rochers d’Arudy (il faudra attendre 30 ans pour que ce
Rocher Blanc soit entièrement équipé par moi).
La chevauchée boiteuse continue, stoppée en plein élan par une
nouvelle crevaison. Réparation approximative pendant que des
automobilistes klaksonnent en nous voyant en panne. La côte est
rude et longue avant de descendre sur Louvie où nous faisons de
l’essence et n’avons pas assez d’argent pour remplacer la bougie
défaillante.
Descente vertigineuse du Mourre avant que le vélo ne crève une
nouvelle fois non loin de Rébénacq. Assis sur le vélomoteur je
traîne le vélo pour l’amener sous un réverbère, Hervé suivant à
pied. Quelqu’un veille à notre installation pour que nous soyons
bien éclairés. Un vieux morceau de cuir sert d’emplâtre provisoire
pour le pneu en partie éventré.
Peu après Rébénacq le vélo crève à nouveau victime d’un provisoire
qui ne dure pas. Nous n’avons plus rien pour réparer et rien pour
nous éclairer. Il fait totalement noir. Pour parcourir les quinze
km qui nous séparent de Pau, une seule solution : nous installer
à deux sur le vélomoteur, sachant qu’il ne possède pas de porte
-bagage, en traînant le vélo. L’attelage doit être assez comique.
L’engin peine mais arrive à prendre de la vitesse – très relative -
et nous avons bon espoir d’arriver à bon port. Nous croisons des
gens en panne, nous en rions… ça va tout de même plus vite qu’à
pied ricanons-nous, satisfaits de l’efficacité de notre équipage.
Mais pas pour longtemps : à peine avons-nous formulé la remarque q
u’un explosion déchire l’air et que le racer entre en transes,
perclus de vibrations. Son pneu arrière soumis à trop de contraintes
vient d’éclater. Enfer et damnation, qu’allons nous faire ? Nous en
sommes réduits à nous servir du véhicule le plus primitif qui soit,
les jambes. Et drop, drop, drop…
Aux premiers réverbères de Gan, quelque temps plus tard, je tiens à
réparer le vélo pour aller avertir à Pau. Pourvu que ça tienne… J
’essaie d’aller le plus vite possible et déjà à la sortie de Gan
il me faut regonfler le pneu qui fuit, puis un km plus loin… puis
tout le temps. Je suis éreinté, à bout de souffle. Cette histoire
est à en claboter…mais résistons, serrons les dents… la faim s’en
mêle… enfin Pau, la côte Marca (ho hisse). J’avertis chez moi, puis
chez Herwick… Papa me propose d’a
ller le chercher en voiture. C’est OK. Nous le rencontrons à
l’entrée de Pau poussant son engin depuis Gan (7 km). Nous
embarquons le vélomoteur, je donne de quoi grailler à Hervé,
et hop, voilà « la rentrée la plus honteuse que nous ayons effectuée »…
C’en est assez, nous nous en souviendrons de ces engins.
Dimanche 15 Janvier 1961 – Ski à Barèges.
Plutôt emmerdant.