Mardi et Mercredi 3 et 4 Octobre 1961 – Voie Mailly.cordée Robert-Jean et
5 juillet 1961 - Tentative éperon nord du Petit Pic cordée Robert, Jean et Etienne Saix le vainqueur du Piz Badile (face nord).
Voie Mailly (18 août 1935)
Je ne sais ce qui a décidé le dégonflé de la face Nord de la Pique Longue d’accepter ma proposition d’aller grimper la Sud-Est de la Pointe Jean-Santé. Le fait que j’en ai gravie une partie ? Vouloir briller, mais aux yeux de qui ? Régler un compte avec l’Ossau ? Mais plus prosaïquement se faire pardonner l’infâme trahison, dont je ne savais pas encore que c’était Maïky qui l’avait diaboliquement orchestrée. Quelle histoire !
Moi aussi je veux régler un compte, des comptes mêmes. Mais ma forme n’est pas idéale. Je sors d’une période d’examens précédée de longs jours d’étude à ma table de travail. [L’examen, que j’ai réussi, et le propédeutique Sciences – MPC, soit Maths – Physique – Chimie]. Les autres histoires, liées à Maïky, n’étaient pas faites pour me donner le moral. Le bougre, la traitresse et l’infâme gougnafié.
Nous allons donc dormir à Pombie, un Pombie déserté. Par malheur, mercredi matin, le temps n’est pas idéal, ce qui nous fait opter pour une course de même niveau que la SE mais plus courte, la voie Mailly.
Je pars en tête. La première longueur réclame déjà une grande attention et des gestes précis. Raideur, prises rondes et rares, peu de pitons. Elle se termine par un beau mouvement d’opposition de type Dülfer. La seconde longueur, moins difficile, hormis un pas, mais plus aérienne achève de réchauffer les muscles et nous met dans le bain ; nous voilà prêts à affronter les difficultés principales de la voie. Après une fissure à coincement amusante nous sommes à pied d’œuvre. J’établis le relais au pied du premier dièdre surplombant. Deux pitons plus haut j’atteins le « crux ». Il y a un pas où il faut se lancer, dilemme qui se pose souvent dans les surplombs. Puisqu’il faut se lancer allons-y, inutile d’attendre. Et hop ! Durant quelques secondes l’équilibre est assez instable Une touffe d’herbe me sauve la mise, en espérant que ça tienne. Ça tient ! Au-dessus l’escalade est soutenue mais la difficulté moins grande. Des oppositions de toutes sortes offrent une bonne sécurité jusqu’à un pas délicat à gauche où il faut à nouveau se lancer sur des grattons minuscules. Tout se passe bien et j’installe le nouveau relais. Problème, le piton rentre mal. J’en ajoute d’autres. Mais l’échafaudage pitonnique est plus que branlant [un bon ring et on n’en parlerait plus - Des abrutis sanguinaires autant que stupides sont allés déséquiper les relais de la Sud-Est, 20 ou 30 ans plus tard, et s’en sont vantés – Christian Ravier entre autre. Dans les années soixante cet ayatolha épris de pureté de Bellefon a enlevé les barres à mines de la VN de l’Ossau (c’est plus pyrénéiste ainsi), quitte à faire chier tout le monde aujourd,hui et à provoquer des accidents].
Pour soulager l’échafaudage je retiens une partie du poids du second à la main. Tout se passe bien. Le dièdre qui suit immédiatement a l’air moins rébarbatif qu’il ne l’est en réalité. J’ai des difficultés pour m’élever ; des oppositions des pieds assez techniques, je dirais même savantes, me permettent de progresser. Piton. Ce n’est pas fini. Au-dessus l’escalade reste très soutenue et d’un pas à l’autre je ne suis sûr de rien. Les prises se dévoilent au fur et à mesure et je dois me balancer d’un équilibre à l’autre, maintenant trahi par une infâme « Machine à Coudre » (tremblement des muscles des jambes soumis trop longtemps à une trop forte tension). Je ne m’éternise donc pas dans ce passage et rejoins au plus vite une zone facile. J’en déduis que ce passage est beaucoup plus calé que le précédent, alors que ne payant pas de mine et étant côté moins difficile dans le guide.
Une grande sheminée de 50 mètres nous domine maintenant. D’en bas elle a l’air facile, mais je connais l’Ossau ! Et en effet elle est soutenue. De bonnes oppositions, faites avec réflexion, offrent toute la sécurité voulue à ce passage. Relais à mi-cheminée sur une touffe d’herbe. La suite est identique et nouveau relais sur une autre touffe d’herbe. La cheminée s’est avérée soutenue du bas en haut.
Papa part ensuite en tête, car je suis un peu fatigué. Un dernier surplomb nous permet de croiser la voie des vires inférieures, celle que j’ai parcourue avec JP Besson il y a un an à peine. Nous cassons la croûte à cet endroit. Puis rejoignons au-dessus la voie des vires classique, avec un nouveau passage difficile à la clé. Un piton perdu, et un beau piton neuf impossible à enlever.
La voie pourrait continuer par la Fissure Ollivier. Ce sera pour une autre fois. Elle ne fait pas partie de la voie Mailly.
Retour au refuge de Pombie et à Pau sans s’en faire. C’est la première grande course que je mène. C’est à l’Ossau. Je suis content. J’ai oublié pour un temps les faits divers.
Eperon Nord du Petit Pic (24 juin 1956)
Mardi, Mercredi, Jeudi 4, 5, 6 Juillet 1961 – Tentative à l’Éperon Nord du Petit Pic.
Equipe : Etienne Saix, Robert, Jean
Nous couchons mardi soir à Aneu avec l’intention de grimper l’éperon Nord intégral du Petit Pic d’Ossau, ouvert le 24 Juin 1956 par les Ravier. Pourquoi cette course ? je n’ai pas noté les motivations. Il peut y en avoir plusieurs. Ce soir mardi le temps est incertain, plutôt mauvais.
Mercredi matin hésitations liées au temps. Sera-t-il beau ? Notre patience est récompensée, il s’éclaircit et nous pouvons partir à 6h30. 3h plus tard nous sommes au pied de la paroi, après être passés par le col de Lie.[D’emblée l’horaire est mauvais, passe encore pour faire la Voie des Vires, mais l’Eperon Nord du Petit Pic…].
Mais il est là l’Éperon, bombant le torse dans sa partie supérieure. Il semble opposer là une barrière redoutable. Etienne, très dégonflé aujourd’hui (il est en train de draguer profond une minette), prétend qu’il n’y a pas de fissures pour passer. Comment peut-il juger de si loin ? Cet éperon fait 600 m, autre chose que la face Ouest du Penemedaa… Allons sur place nous rendre compte.
Papa choisit d’être en tête pour la partie inférieure. Je le suis, Etienne en queue. La partie inférieure de l’éperon est une infection de premier ordre : glissant, terreux, herbeux. Enfin, après avoir parcouru une belle dalle, nous arrivons sur la grande terrasse de la face Nord de la Fourche, où nous cassons la croûte [c’est sur cette terrasse qu’un énorme bloc a failli nous écraser, François et moi, lors d’une tentative à l’éperon Nord justement, en 1972, le 25 Juin – voir plus loin].
Nous gagnons ensuite le fil de l’éperon : une fissure, une dalle en A1, une belle longueur en IV et nous voilà à ce qui nous semble être une bifurcation. A droite un grand surplomb (j’ai noté LE grand surplomb). Etienne attaque mais renonce après 3 mètres, renforcé en cela lorsque le père annonce qu’il y a encore 200 mètres comme cela. A gauche on s’écarte du fil de l’éperon mais il semblerait que ce soit la voie Ravier. Etienne remonte une fissure qui lui donne beaucoup de mal, trouve un piton noir (nous avons déjà trouvé de nombreux anneaux de rappel), vire à gauche et s’empanne. Il croit sa dernière heure arrivée. Il place deux pitons plats et fais marche arrière à toute vitesse en avertissant 20 fois d’un dévissage imminent. Il est inquiétant le bonhomme et c’est pas le moral qui l’étouffe. D’après lui c’est impossible, on ne peut pas continuer. Papa va voir mais n’insiste pas tout en affirmant le passage faisable. Les deux loubars se gardent bien d’envoyer le récent vainqueur de la Cima Ovest (d’Arudy), moi-même. Il est 16 h, plus le temps de rien si nous ne voulons pas bivouaquer. C’est alors la fuite. Deux grands rappels sur l’éperon, un peu de libre et nouvel arrêt sur la grande terrasse où nous re-cassons la croûte au soleil, juste au-dessus d’une magnifique mer de nuages longeant les a-pics fantastiques des faces Nord du Grand Pic d’Ossau. La descente continue dans un terrain croulant, rappel sur un piton branlant. A 20 h nous prenons pied dans la caillasse. Le coucher de soleil sur les faces Nord est saisissant. Les nuages semblent s’éloigner.
A 21h30 nous arrivons au refuge de Pombie. Voilà près de 15h que nous nous activons. Il y a un seul occupant dans le refuge, assez taciturne [Merde ! s’est-il dit, moi qui croyais être tranquille].
Le lendemain il fait un temps formidable. Mais nous n’en profitons pas, fatigués que nous sommes. Nous aurions pu aller au Doigt de Pombie récupérer 10 pitons et 10 mousquetons laissés (abandonnés ?) par Patrice (de Bellefon) [information de source indéterminée].
En descendant vers la voiture nous rencontrons Pierre Laplanche ( ?), toujours aussi sympa, accompagné par un gars d’Agen, copain de Christian Boiseaux et un peu blablateur aussi…
Joint au récit manuscrit un fragment d’anneau de rappel (en chanvre) trouvé dans la partie médiane de l’éperon Nord.