Année 1940
10 Mai 1940 – Incorporation de Robert dans une unité combattante
de Chasseurs Alpins à Embrun, lieu de son service militaire en 1932.
22 Juin 1940 – Armistice et démobilisation
1940-1941 Création de Jeunesse et Montagne. Affectation de Robert
au Col de Porte (Isère)
Robert, Maïté
L’armistice signé, l’occupant allemand toléra ( ?) la création d’une
entité nommée Jeunesse et Montagne, émanation de l’armée de l’air
française, et destinée à regonfler le moral des jeunes.
Dans un premier temps Robert fut affecté au groupe stationné au
col de Porte, en Isère. Maïté fit des pieds et des mains pour le
rejoindre et chouchouter son héros de la Bataille des Alpes contre
les Italiens, seule bataille remportée par les Français en 1940,
dont lui, cela va de soi.
Mais il craignait d’être à nouveau incorporé dans une unité combattante.
Si c’était le cas ce serait vraisemblablement contre les Allemands dont
l’efficacité meurtrière avait terrorisé les Français en Juin 1940. Bien
autre chose que de faire face à des Italiens mal organisés et craintifs.
Or il était un auditeur attentif du Maréchal Pétain, au pouvoir à cette
époque. Ce dernier faisait la promotion de la famille (rappelez-vous la
devise : Travail-Famille-Patrie et l’extrême châtiment pour les femmes
se faisant avorter) et accordait un régime spécial aux hommes en charge
de famille, lesquels étaient assurés de ne pas être affectés aux
avant-postes dangereux en cas de combat.
Donc, vite, il faut que je sois classé « chargé de famille » toutes
affaires cessantes, se dit-il in-petto. Ce père Ollive, déjà en train de
regretter son mariage avec une Maïté Cabanne sans fortune, en pleine
période de guerre et de restrictions de toutes sortes, se mit en devoir
de féconder au plus vite cette femme à défaut d’une autre. Et lui, qui
prenait généralement des précautions d’enfer pour ne pas générer des
êtres qu’il ne désirait aucunement, mit en œuvre toute sa science érotique,
surtout livresque, pour parvenir à ses fins. Les enfants ne veulent
généralement pas savoir ce qu’ont fait leurs parents pour les avoir. Fort
bien. Il n’empêche. N’ayant rien d’autre à faire dans sa garnison endormie
il harcela sa femme matin, midi et soir, innovant des positions les plus
incongrues afin d’être certain que ça marche. Ce pervers narcissique s’en
donna à cœur joie, pour une fois que ça pouvait servir ses petits intérêts.
Ceci dans l’immédiat. Pour plus tard il avisera, la priorité c’est de rester en vie…
Et la pauvre Maïté, toujours amoureuse et toute pudeur bue, accepta les
pires ignominies sans broncher [plus tard le pervers l’accusera de frigidité
– voir le Cahier Vert], pour sauver son homme adoré.
Et voilà comment je fus hautement et urgemment désiré, caution de la
survie d’une future famille. Tout chiffonné je vins au monde neuf
mois plus tard… En 1941 la guerre était loin d’être terminée…
Quelque chose m’a longtemps chiffonné aussi. Ma mère, bavarde de tout
et de rien, a souvent parlé de fausse couche la concernant. Elle en avait
gardé un souvenir terrible. C’était avant ou après ma naissance ? Le
doute m’habite toujours. D’après le Cahier Vert de Robert il est possible
que ce soit avant. Peut-être faudrait-il alors parler plutôt d’avortement,
cette histoire d’enfant ayant été le prétexte au mariage selon Robert.
Ils ne s’en sont pas vantés. Blanche était au courant et ne l’a pas digéré.
Historique du mouvement Jeunesse et Montagne, par Marcellin Bérot
« Sous l'occupation allemande, il n'y a plus d'armée. Pour les jeunes de
vingt ans, les Chantiers de Jeunesse remplacent le service militaire,
avec une variante "Jeunesse et Montagne" qui est officiellement la
branche alpine des chantiers. Mais secrètement, cette section montagne
a été créée dès septembre 1940 par l'armée de l'air dissoute, dans le but
à peine dissimulé de maintenir chez les jeunes une excellente forme
physique et un moral d'acier en vue d'une libération future. Implanté
partout dans les Alpes, Jeunesse et Montagne pratique été comme hiver
les courses en montagne dans un style de vie des plus rudes. Après
s'être battu contre les italiens en tant qu'éclaireur-skieur dans
les Alpes du sud, le palois Robert Ollivier est sollicité dès l'été
1940 pour encadrer le centre de montagne du col de Porte, dans les
Alpes du Dauphiné. C'est Edouard Frendo, l'un des plus célèbres
alpinistes du moment, qui a contacté Ollivier. C'est dire le sérieux
du recrutement de ces centres. D'ailleurs, le moment venu, Frendo
s'illustrera par son courage et son audace dans le maquis de la
Maurienne. Au printemps 1941, Ollivier rejoint les Pyrénées avec
pour mission d'y installer des centres Jeunesse et Montagne.
premier, le "Groupement Vignemale", est implanté à Cauterets,
réparti en quatre lieux différents : une équipe au Marcadau (1860 m),
une équipe au Lisey (1600 m), une autre au col de Riou (1800 m), la
dernière à l'ancien hôtel du Pont d'Espagne (1400 m). Robert Ollivier
est le chef technique de l'ensemble. Il recrute pour le seconder des
montagnards et des skieurs solides, François Boyrie, Jo Simpson,
Maurice Jeannel, André Bacelon. Les conditions hivernales sont rudes.
Quel que soit le temps, tous les déplacements se font en ski.
Le ravitaillement à dos d'hommes, skis aux pieds. Mais l'esprit
est excellent. En fin 41, un autre groupement dit "Comminges" est
formé en Haute-Garonne, à Luchon, avec Maurice Jeannel comme moniteur
chef. En 1942 naissent les centres de Luz et Gavarnie. Puis un autre
centre d'hiver est mis en place à La Mongie avec Dartigue et Paradis.
On y retrouve des hommes qui seront des spéléologues de renom, tels
Lepineux et Loubens, de futurs champions de ski comme le Jurassien
Jean Mermet. Les skieurs-montagnards du centre de La Mongie se char
geront en particulier d'assurer en ski, l'hiver, les portages à
l'Observatoire du Pic du Midi, portages effectués jusque-là, depuis
1882, par des hommes rudes de la vallée. D'autres centres voient le
jour dans la zone montagnarde de la Haute-Garonne : à Gouaux de Larboust,
à Jurvielle, à Garin. Leurs chefs s'appellent Chabot, Pujol, Sauttot,
tous animés de la même passion de la montagne. Mais il n'y aura de centres
Jeunesse et Montagne ni en Ariège ni dans les Pyrénées Orientales.
De l'hiver 1942 date le raid à ski Jeunesse et Montagne qui, parti de
Urdos en vallée d'Aspe, devait aboutir à Luchon. Encadrés par Ollivier
et Boyrie, une vingtaine de stagiaires accomplirent intégralement
cette traversée hivernale. Hélas, dès 1943, la montagne pyrénéenne
devient zone interdite et l'occupant récupère systématiquement les
jeunes pour le STO. Jeunesse et Montagne avait vécu. Mais des dizaines
et des dizaines de jeunes Pyrénéens ont découverts en ces heures sombres
de l'occupation la montagne et le ski dans ce qu'ils ont de plus rude
et de plus exaltant.
L'UNCM. Eté 1944. C'est l'effervescence de la libération. Décidés
à ne pas laisser se perdre les acquis techniques et humains de
Jeunesse et Montagne, les responsables de tous les mouvements qui
ont le souci de la jeunesse se regroupent pour former l'Union
Nationale des Centres de Montagne. L'objectif : le développement
physique et moral de la jeunesse par la fréquentation de la montagne
en été et en hiver. Et comme en 1941, on se met à la recherche
de locaux, on s'installe partout où l'on peut : à l'hôtel de la
Cascade et à l'hôtel des Voyageurs à Gavarnie. A Barèges dans
une bâtisse très délabrée. A Cathervielle dans la maison familiale
prêtée par un ami montagnard. A Cauterets dans un hôtel de la
belle époque construit sur cinq étage
s, plus riches en armoires à glace et en pots de chambre soigneusement
inventoriés et remisés au grenier qu'en installations sanitaires,
puisqu'on ne comptait que deux robinets d'eau dans la maison.
Les premiers responsables pyrénéens de l'UNCM sont Ollivier et
Jeannel à Gavarnie, Cazalet à Gourette, très vite secondés par
de jeunes recrues comme Lucien Malus, Jean Labesque... Les centres
UNCM ont également en charge la formation pré-militaire, ce qui
explique qu'ils aient souvent été confondus avec des centres
militaires, car leurs instructeurs intervenaient dans les deux.
Ainsi, dès l'hiver 44-45, à l'hôpital militaire de Barèges,
Jeannel et Ollivier sont les instructeurs techniques d'un centre
accéléré d'éclaireurs-skieurs qui doivent rejoindre les Alpes su
r la frontière italienne où les Allemands résistent toujours.
Partout dans ces centres le matériel provient en grande partie des
prises de guerre faites sur l'armée allemande : les beaux skis
blancs à bandes vertes des Gebirgsjäger du Reich, en bois de
bouleau de Norvège, sont excellents sur des neiges froides, mais
ils se comportent très mal dans les neiges mouillées par les
redoux pyrénéens où ils s'imbibent d'eau comme des éponges ! L'UNCM
est de toutes les sorties chaque fois qu'il y a un secours à faire
en ces années où le secours en montagne n'existe pas. Que ce soit
sur la face nord du Vignemale ou sur les voies du cirque de Gavarnie,
les gars de l'UNCM sont toujours là. Sous les ordres techniques de
François Boyrie, le centre de Barèges, véritable émanation de l'EHM
de Chamonix, émigrera un jour vers Cauterets pour devenir le camp
militaire du Clot. L'UNCM lui-même, focalisé à l'origine sur les
seules activités de la montagne, évoluera à son tour pour devenir l'UCPA,
l'Union des Centres de Plein Air ».
Extrait du livre "L'Epopée du Ski aux Pyrénées" de Marcellin Bérot, Ed. Milan, 1991.