Année 1885
Marie Madeleine Léontine Sarrailhé (Mamie)(1885-1958).
1885 Année de naissance de ma grand-mère maternelle (5 Septembre 1885 à Pau),
Marie Madeleine Léontine Sarrailhé, fille de Marie Anna Laslandes [1853] et
Joseph Sarrailhé [1841], huitième enfant d’une fratrie de 10 enfants.
Mariage avec Alexandre Cabanne le 16 Septembre 1908 (père décédé, mais quand
?), avec lequel elle aura 6 enfants.
Décède à Pau le 7 Décembre 1958 dans la Petite Maison (667ème décès de
la ville de Pau cette année-là), à 73 ans (son mari Alexandre est décédé à 72 ans).
La fin de vie de Mamie et les tracas de Mam, sa fille Marie-Thérèse ou Maïté.
En cette fin d’année 1958, qui a déjà vu le décès de mon autre grand-mère
en Février, Blanche (Marraine), Mamie se retrouve seule, malade, dans sa
petite maison MaryAlex de la rue du Pin. Au lit, privée d’autonomie, ses
chers enfants qu’elle a passés sa vie à protéger et à aimer tendrement,
ne se bousculent pas au portillon du jardinet de MaryAlex pour lui venir
en aide. Comme Marraine
elle est en passe de mourir seule, abandonnée, emportée par cette ultime
maladie dans l’indifférence coupable de ses propres enfants.
Maïté, déjà échaudée par le drame de Blanche qu’elle avait songée à
secourir quand il était trop tard, souffre évidemment beaucoup plus devant
la situation de sa mère. Elle se déplace fréquemment rue du Pin pour lui
apporter soutien et soins. Heureusement ce n’est pas trop loin – comme cela
ne l’était pas lorsqu’elle rejoignait Robert et ses nuits torrides – comme
la vie est terrible.
Mais la période ne lui est pas favorable. Il faut bien sûr qu’elle
continue à gérer la Petite Maison et ses habitants, fasse les courses
avec son petit vélo, les repas, les lessives, le ménage et plus encore
comme nourrir la chaudière à charbon et la cuisinière à bois, ne pas oublier
les chats, ça n’en finit pas. Ici pas de machine à laver le linge, seulement
un lavoir préhistorique en béton où tout se fait à la main, pas de machine
à laver la vaisselle évidemment, pas de frigo pour avoir un peu d’autonomie
question nourriture, et ne pas devoir, jour après jour, enfourcher le petit
vélo pour renouveler viande, poisson, légumes, pain… et du mou pour les chats.
Et quand ça se trouve quelques produits chimiques à la Droguerie Sallenave
pour que son fils chéri puisse poursuivre ses passionnantes expériences de
chimie dans le garage de la maison.
Personne ne l’aide. Les repas doivent être prêts à l’heure bien entendu,
sous l’œil hargneux d’un mari d’opérette qui n’arrête pas de se plaindre,
car lui fait des choses importantes avec sa petite auto qu’il ne met jamais
à la disposition de la pauvre Mam, accusée d’être trop dépensière, jamais
à l’heure, désordonnée, d’avoir mauvais caractère, de lui pourrir la vie
en somme. Ce mari d’opérette, qui va baiser ailleurs – il faut le dire -,
montre sa face renfrognée dans la maison familiale dans le seul but de se
faire servir les repas, qu’il absorbe sans mot dire, le nez dans son assiette.
Mam n’est pas un modèle d’organisation, tout le monde le sait, mais elle
fait ce qu’elle peut, avec les modestes moyens matériels qui sont à sa
disposition. Les problèmes de sa mère s’ajoutent à ses tracas quotidiens,
aussi demande-t-elle de l’aide à ses frères et sœurs. Je l’entends encore
expliquer au téléphone où en est la situation. Elle n’essuie que des fins
de non recevoir de la part de ses frères et sœurs dont la solidarité est tout
d’un coup en berne, si elle a jamais existé. Tante Hélène, 44 ans, Guadeloupe :
je suis de tout cœur avec toi, dis-moi ce que je peux faire pour maman
et toi, tu sais bien
comme je suis loin. Gérard, 49 ans, le fils aîné qui était venu se réfugier
chez sa mère et y soigner sa terrible dépression lorsque rien n’allait avec sa
femme Marguerite, se réfugie derrière son travail à la SNCF, les travaux à
faire dans la maison dont ils ont « hérité » à la mort de tante Thérèse –
cette grande maison, tu ne peux pas accueillir ta mère, tu as la place, toi,
plaide Mam. Ce que ne dit pas Gérard c’est que Marguerite n’est pas du tout
d’accord. Ce n’est donc pas le moment de se fâcher de nouveau avec elle. Demande
aux autres suggère-t-il. Les autres c’est Cécile, entourée d’une vaste
marmaille, elle-même en dépression permanente, passant plus de temps en
hôpital psychiatrique que dans sa maison. C’est Yves (35 ans), au psychisme
fragile, qui est resté un enfant permanent ayant toujours sa chambre dans la
maison familiale et travaillant épisodiquement en montagne (Gourette, Peyrenère…)
quand il n’était pas en crise dépressive parce que le travail ne lui convenait pas
(travaux hydro-électriques de Pragnères , prospection pétrolière de la SNPA
etc…). Il vient lui aussi se réfugier chez sa mère qui doit supporter sans mots
dire ses crises de delirium (j’ai été témoin). Enfin c’est Loulou (32 ans),
restée quelque peu fillette immature, qui vit avec son copain Robert (50 ans+)
à Montfermeil, très souvent en déplacement pour faire des spectacles de
marionnettes, leur seul moyen de subsistance. Alors s’occuper d’un mère
mourante qui ne sert plus à rien, très peu pour eux. Il y a mieux à faire.
Toi qui habites à côté, démerde-toi, tu as du fric et du temps répondaient-ils
en substance à leur sœur. A croire qu’ils étaient contents de régler des
comptes. Ce qui se confirmera pour le partage de l’héritage, si modeste fût-il.
Donc Maïté assume. Elle ne peut faire autrement si elle ne veut pas
abandonner sa mère. Robert, magnanime, l’autorise à héberger Mamie.
Selon Mam cela ne s’est pas passé tout seul et il n’aurait, paraît-il,
reçu sa belle-mère dans une maison qu’il n’habite déjà plus. Pour seulement
une durée limitée. Ça fait des frais une personne en plus dans la maison.
Elle ira, avec Robert et la voiture sortir Mamie de son lit, prendre quelques
affaires et l’installer dans la chambre de la Petite Maison. Il n’est
même pas question d’hôpital, comme pour Blanche. Mam devra faire l’infirmière,
voire la garde de nuit, et assurer la bonne marche de la maison.
Nous sommes en Octobre.
Mais pendant que Mamie agonise dans la Petite Maison, que Mam ne
sait plus où donner de la tête, le père Ollive qui a vendu à la ville
le cadeau de mariage offert par Blanche, notre superbe maison d’enfance,
en décide le déménagement impératif et total avant la fin de l’année
1958 pour que tout le monde s’installe à El Patio. La mémé n’aura qu’à
suivre. Pas de temps à perdre, la ville n’attendra pas pour commencer les
travaux de l’école qu’elle veut construire à la place de la Petite Maison
et du terrain qui l’entoure.
Voyez le ramdam. Mamie nécessite une surveillance et des soins de tous
les instants, il faut trier et déménager une maison qui fut habitée durant
20 ans, aménager ce qui peut l’être à El Patio et s’occuper des quatre
enfants et d’un mari qui n’en fout pas une rame. Il est occupé ailleurs
à faire des choses « très importantes ». Sa chambre est déjà aménagée
à El Patio depuis longtemps ; pour le reste, ça ne l’intéresse pas.
Démerdez-vous, mais faites vite.
El Patio est une grande batisse froide et austère, conçue pour un
couple et non pour une famille avec des enfants et encore moins pour
accompagner une personne gravement malade.
Mam fit tout ce qui était en son pouvoir pour garder sa mère près
d’elle et lui éviter le transbordement dans le mouroir d’El Patio.
Et ainsi, entre l’aménagement d’El Patio et les soins à prodiguer à sa
mère, plus tout le reste, le fameux déménagement si urgent prit du
temps, à la grande fureur du père Ollive qui n’avait cure de la
situation et considérait ces retards comme un sabotage de ses intérêts.
N’a-t-il pas écrit, 10 ans plus tard, en 1967, en incipit dans le
Cahier Vert de ses doléances où il fait un procès à charge de sa femme,
sans jamais se remettre en cause ou en trouvant mille excuses pour ses
errements, la première phrase d’un baratin fiéleux de 60 pages :
« 10 mois pour déménager à El Patio ! »
Oui, 10 mois ! Je me demande d’ailleurs comment il a calculé ces 10
mois, puisque en Octobre 1958 je suis certain que nous étions déjà
installés à El Patio, le récit « Les Rescapés de Malarode » du 12
Octobre 1958 confirme que nous étions bien à El Patio. Mamie est
décédée le 7 Décembre 1958, dans la Petite Maison.
10 mois d’enfer pour la pauvre Mam, dont au moins trois à faire
la navette entre El Patio et la Petite Maison. Et houspillée plus
que de raison par le maître absolu des lieux, cruel et cynique,
et qui n’en secouait pas une. Lui faisait des choses importantes
disait-il ; toute cette intendance sordide ne le concernait pas
[il avait depuis longtemps déménagé toutes ses affaires chez sa mère,
à El Patio, alors le reste, quel intérêt... Les intérêts (financiers)
d’abord ! Les humains, femme et enfants seulement si on a le temps
et l’argent [quand je serai milliardaire !]. Et que dire du silence
assourdissant des autres enfants de Mamie qui attendaient le dénouement
dans la plus grande indifférence. Certains guettaient le micro-héritage
qui prenait forme. Des gens aussi petits que l’héritage convoité,
voilà ce qu’ils sont.
De mémoire je n’ai aucun souvenir d’une quelconque cérémonie ayant
accompagné les décès, tant que celui de Blanche, que de celui de Mamie.
Une cérémonie marque forcéme
nt, s’inscrit dans les souvenirs que l’on garde d’un disparu. En l’occurrence,
rien. J’ai bien peur que ce ne fût un dernier voyage direct du lit de
mort au trou définitif. Blanche y retrouva son mari Joseph 44 ans après
sa mort et Mamie Alexandre seulement 6 ans après la sienne [La sépulture
a été bradée par Loulou à une soi-disant parente Cabanne lointaine qui
venait de se piquer de généalogie et s’était trouvée quelque parenté avec
Alexandre. Tout ça pour faire l’économie d’une concession. Encore et
toujours des gens au destin microscopique ! – Des gens qui ne sont rien
comme dit Macron].
Pour revenir à l’urgence du déménagement de la Petite Maison vers
El Patio il est intéressant de savoir qu’une fois l’acquisition réalisée
la ville de Pau prit son temps pour entamer quelques travaux que ce soit.
A moins que le père Ollive n’ait été au courant de ces délais (qui n’étaient
plus des retards)
et nous l’ait caché, car il trouva le moyen de louer la Petite Maison à un
couple dont le mari travaillait chez Bidegain (usine de chaussures), sitôt
les Ollivier partis. Une image me hante, entrevue le soir depuis le jardin,
le couple assis dans la salle à manger-séjour en train de discuter et visible
à travers la grande baie vitrée, non équipée de rideaux. Quelle tristesse !
Ma maison d’enfance dans laquelle j’avais vécu les 17 premières années de
ma vie et tous les souvenirs qui vont déjà avec. Cette salle à manger témoin
de tous ces repas en famille, tous les six, avec ses bons et mauvais souvenirs,
cette pièce de séjour et les Noël qui s’y sont déroulés autour du sapin garni
de cadeaux magiques… Cette maison, terrain de jeu où tout ce qui était possible
d’être escaladé l’a été. A commencer par les faux pilastres de pierres qui
encadraient sa façade sur lesquels, très jeunes, nous apprîmes les rudiments
de la varappe, l’escalade consistant à franchir le surplomb constitué par la
dalle du balcon, la rampe de l’escalier principal à l’extérieur, les expéditions
au grenier en passant par la trappe ménagée au-dessus des toilettes, puis passage
sur le toit par un vasistas et escalade de la cheminée Elle offrait un point de
vue remarquable sur le voisinage. Et n’oublions pas les descentes à ski (!) à
grand fracas de l’escalier principal, attachés à des planches heureusement réformées.
Remarque en passant
Nous les enfants, moi en particulier, ne disposions pas, à l’instar des enfants
d’aujourd’hui, de tous ces artefacts abrutissants destinés à distraire les pauvres
bambins, denrée rare aujourd’hui et chouchoutés à l’extrême. Dès le plus jeune
âge ils sont environnés d’écrans : la télé, vite abandonnée pour des jeux video
dont la débilité n’a d’égale que la violence qu’ils véhiculent la plupart du
temps, les tablettes, les smartphones…
Surtout les smartphones dont ils ne peuvent plus se séparer. Objets à haute
valeur génératrice de dispersion illimitée, tous domaines confondus, et pas des
moindres. C’est la plus néfaste invention du XXIème siècle compléter
Rien de tout ça dans les années 40/50, car l’urgence n’était pas là. Béni soit
le ciel que je sois né à cette époque !
A l’époque cette location m’avait déjà intrigué. Qu’est-ce qui me
prouvait que la ville avait acheté cette propriété, après tout ? Etre
virés de notre chère maison pour simplement la louer à des ploucs ? Dès
la mort de Blanche cette solution avait dû s’imposer au grand stratège
Ollive qui ratissait tous
azimuts. Puis était advenue l’histoire de l’achat par la ville qui lui a
arraché une grosse épine du pied. Plus besoin de quelque prétexte que ce
soit pour empocher le montant de la vente du cadeau de sa mère pour son
mariage [Je ne le répèterais jamais assez], sans en faire profiter d’autre
personne que lui-même. Cadeau de ma mère, donc à moi, à moi, à moi… et rien
pour ces parasites qui me coûtent bien assez cher et qui n’ont aucun droit
sur le cadeau de MA mère. Manquerait plus que ça.
Un autre indice confirme que l’abandon de la Petite Maison a été vraiment
prématuré. Mon frère Pierre [1946] ; guitariste doué et animateur d’un groupe
musical qui a acqui
s une certaine célébrité (Les Diamants) avait abandonné l’immense « hall »
d’El Patio où il assurait ses répétitions pour la partie rez-de-chaussée
de la Petite Maison désormais totalement vide dans l’attente de sa totale
démolition. Une exécution pour nous les enfants. Un fil électrique tendu
entre les deux maisons assurait éclairage et alimentation des amplis et
autres guitares électriques.
Cette occupation dura jusqu’à la démolition effective de la maison, en 1961.
Comme on peut le voir l’urgence extrême prônée par le père Ollive avait pris
du plomb dans l’aile. D’autant qu’entre temps le monsieur s’était enfui avec
la petite amie de son fils Jean, abandonnant tout le monde à leur triste sort,
mais sans perdre de vue tout ce qui pouvait aller dans le sens de ses intérêts,
c’est à dire se débarrasser de ses responsabilités vis à vis de ses enfants
par tous les moyens, légaux s’entend - même pas sûr - , et ne plus avoir à
les aider de quelque façon que ce soit. Faire comme s’ils n’avaient jamais
existé. Alors écrire comme ça, hors contexte et 10 ans plus tard à propos
de la femme dont il veut divorcer et qui est la mère de ses quatre enfants,
qu’il le veuille ou non [quelle erreur, rumine-t-il] :
« 10 mois pour déménager à El Patio »
relève de la pire des malhonnêtetés, qu’elle soit intellectuelle ou persiflante,
mais en tout cas cynique, inconsciente et cruelle.