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Collective du Club Pyrénéen de Pau au Mur de la Cascade à Gavarnie

Par Jean Santé
Le Dimanche 14 octobre 1934, les membres palois du «Groupe Pyrénéen de Haute Montagne » avaient organisé pour leurs camarades du Club Pyrénéen de Pau, une ascension au Mur de la Cascade .
Point ne fut nécessaire de faire choix parmi les nombreux amateurs, car le prestige de cette muraille d'aspect si farouche fit à lui seul la sélection. Aussi, n'y avait-il ce dimanche matin devant chez Trescaze que des montagnards convaincus, à qui l'idée du beau travail de tout à l'heure donnait plus de convoitise que d'appréhension, et même si cette convoitise était pour quelqu'une ou quelqu'un légèrement teintée d'appréhension, nul n'aurait eu garde de l'avouer tant leur inspiraient confiance les leaders. Aussi, le parcours de Gavarnie à l'Hôtel du Cirque s'effectua-t-il, malgré le poids des sacs, allègrement et dans un éclat de rire.
Redoutant à juste titre des manœuvres malaisées au pied de la muraille à cause de la raillère très raide vers le haut et des embruns glacés de la cascade en cette arrière-saison, les 300 mètres de corde [de chanvre, ndlr] furent dépliés sur la Terrasse de l'ami Pierre Vergez-Bellou et distribués judicieusement, au grand émoi de quelques pèlerins attardés et d'amis moins combatifs pour lesquels notre escalade, suivie à la jumelle, fut l'émouvante distraction de la journée. Quatre heures durant, nous les vîmes égrenés sur le sentier indécis qui joint l'hôtellerie au «Pont de Neige». Et nous pensions d'en haut, entre deux manœuvres de corde : "Faut-il qu'il en passe du monde quand même — touristes avec ou sans bourriquots - pour faire une trace dans ce sol abominablement mouvant."
Six cordées furent constituées et conduites par MM. Robert 0llivier, Mailly, Romano, Busquet, Jean Santé et enfin Gaston Santé, qui prit la tête, en habitué, connaissant du Mur les moindres failles. Les suivants étaient : Mesdemoiselles Maïté Cabanne ,Denise Rodicq, MM. Jean Baylaucq, Président de notre Club, Gaston Loustalet, Tiphaine, Robert Santé, Barbanègre, Larrat, Grosjean, Pucheu, Broally, Blanc, Fauquet, de Villeneuve et Petit Jean.
A onze heures, la première cordée attaquait la muraille à son point faible, à 60 mètres à droite de la célèbre cascade (rive gauche), soit 47 ans après la magnifique "première" de Célestin Passet accompagné de son jeune fils et menant Bazillac et de Monts : « Saluez Célestin ; il devient la cheville ouvrière du Pyrénéisme de difficulté ». Que dut penser Russell de cet exploit qui différait tant de sa compréhension de la montagne ! Quel anathème nous lancerait le chantre des solitudes glacées du Vignemale, s'il lisait ces lignes ! Pourtant dès 1902, Béraldi, à qui appartient la phrase précédente, annonçait la naissance d'un sentiment nouveau dans le Pyrénéisme. (Cent ans aux Pyrénées, tome 5, page 127).
Chacune à leur tour, lentement, avec méthode, les cordées cheminent entre gouffre et muraille. De temps en temps, quelques cailloux, venus on ne sait d'où, passent en sifflant comme des balles au-dessus de nos têtes et nous mesurent notre vertigineuse progression.
Cette première vire horizontale qui doit avoir une cinquantaine de mètres, se perd dans la muraille en même temps que l'on avance vers le milieu du Cirque. Quelques mètres avant qu'elle ne disparaisse, une cheminée facile d'une centaine de mètres, dont la forme générale est en Z, mène à ce que n'importe qui est induit à appeler la «Niche». Cette niche se voit parfaitement de l'hôtellerie : une tache noire autour de laquelle pendent toujours de longues tramées suintantes plus noires encore. De là, deux variantes au moins sont possibles : une manière d'éperon très raide dans l'axe de la Niche, d'une soixantaine de mètres environ, où l'assurance est précaire sans toutefois offrir de sérieuses difficultés et un passage à gauche bien plus délicat à cause de l'eau qui y coule incessamment, ce qui rend cette roche, naturellement lisse, très dangereuse. Ce passage n'est pas à conseiller. Notre camarade Bosquet, excellent grimpeur au demeurant, profita de ce qu'il était le dernier leader, donc loin de toute autorité, pour faire une fugue beaucoup plus à gauche. Malgré un méchant surplomb, il parvint à rejoindre avec son équipe les autres cordées sur la vaste terrasse qui coupe transversalement le mur aux deux tiers supérieurs de son aplomb et sur laquelle pourrait se mouvoir, à l'aise, un escadron de cavalerie.
Une promenade horizontale, d'une centaine de mètres vers la cascade, mène à une série de cheminées obliques : montée facile dans des rochers feuilletés, puis de courtes vires après lesquelles on arrive au pied d'une cheminée que l'on voit se terminer 30 mètres plus haut sur une muraille lisse et sans défauts.
J'imagine que Célestin Passet ne connaissant pas l'aimable surprise qui nous y attend, dut être bien perplexe avant que d'entamer l'escalade. Cette surprise-attrape, joie de l'escalade, en une vire horizontale à droite, déjetée vers le vide: où l'on tient plus par l'adhérence des espadrilles que par les prises parcimonieuses. Comble de malchance ou de joie, les avis étant très partagés, on doit passer dans cette position de reptile sous une cascade qui vous glace et qui vous « sonne », car elle tombe de haut Tant mieux si l'enneigement a été faible l'hiver précédent la cascade ne sera pas méchante ! Tant pis si c'est le contraire ! Heureusement qu'il y a au bout un confortable balcon où l'on peut reprendre ses sens et d'où ceux qui sont mouillés comme des caniches font les malins quand passent les autres. C'est le seul passage désagréable, car rien n'est plus attrayant que cette escalade peu fatigante et si variée.
De ce point, la vue est sublime. Autour de nous s'affolent d'innombrables cascades. A droite, les Sarradets prennent une inclinaison fantastique et on a peine à croire que tout à l'heure, au retour, on y courra. A gauche, la grande cascade, dans un jet dru, sort du rocher, par enchantement semble-t-il, comme si cet endroit précis eût été touché de la baguette de quelque génie au goût parfait. Que cette muraille serait donc austère si elle ne ruisselait de tant de pierreries !
De ce point, une dernière cheminée facile débouche sur des rochers arrondis plus faciles encore, qui mènent enfin au terme de notre escalade : le Mur des 100 mètres est gravi. Il est 15 heures. Le soleil déjà bas à l'horizon, baigne encore la vallée de lumière et irise les lambeaux de neige qui restent accrochés aux flancs de la Tour et du Casque dont les pointes rosissent. La végétation commence à prendre des tons d'améthyste brûlée qui annoncent la mélancolie de l'automne. Le grondement sourd de la cascade, éternelle mélodie du cirque, renforce cette impression de torpeur dans la nature. Ces signes avant-coureurs des frimas de l'hiver contrastent avec l'enthousiasme débordant de tous. Chacun commente avec verve tel passage ; chacun s'adresse de secrètes félicitations et ce n'est que justice, car tous firent preuve de sang froid et d'adresse remarquable, notamment nos deux gracieuses compagnes Mesdemoiselles Denise Rodicq et Maïté Cabanne.
Le jour baissait rapidement aussi l'échelle des Sarradets fut-elle dévalée à toute vitesse trop vite au gré des montagnards volontiers enclins à rêver, car de cet endroit le Cirque, vu d'enfilade, se montrait dans ses atours les plus somptueux : des profils lisses que soulignaient d'or les cascades avec au dessus les à-pics tourmentés du Marboré, monarque incontesté de ce monde de solitude. Spectacle inoubliable que l'indigo du couchant rendait d'une plus imposante grandeur !
Vers la fin de cette belle après-midi, un fraternel banquet réunissait à l'Hôtel du Cirque grimpeurs et spectateurs amis qui avaient suivi de loin, avec un intérêt palpitant, toutes les phases de l'escalade. Les délices culinaires de l'ami Pierre Vergez-Bellou ne furent pas l'un des moins agréables moments de la journée. Au dessert, M. Jean Baylaucq remercia les organisateurs de cette belle «varrappe» qu'un temps magnifique et des conditions exceptionnelles du rocher avaient rendue si attrayante. Il espère qu'elle aura donné à chacun le vif désir de recommencer et émet le vœu que des courses collectives en haute montagne soient organisées cet hiver au sein de notre club. Enfin, il remet à Robert 0llivier, de 1a part de ses amis et admirateurs, un souvenir, et le remercie d'avoir ramené dans notre région paloise, par ses belles réalisations en montagne et ses écrits, le prestige de la haute montagne. 0llivier, aussi modeste que valeureux, très ému, remercie.
Des chants pyrénéens terminèrent cette belle fête et ils retentissaient encore cependant qu'aux lanternes, en théorie clignotantes, la caravane rejoignait Gavarnie.

Le 23 décembre 1934. JEAN SANTÉ.
Bulletin Pyrénéen n° 215, 1935
Le Mur vu des Sarradets
Le Mur vu des Sarradets
Grande Cascade vue du Mur
Grande Cascade vue du Mur
Sur une vire intermédiaire du Mur
Sur une vire intermédiaire du Mur
Dans le Mur de la Cascade, cordées à la queu leu leu
Dans le Mur de la Cascade, cordées à la queu leu leu
Bernard Fauqué sur une vire du Mur
Bernard Fauqué sur une vire du Mur
Au relais
Au relais
Grande Cascade vue du Mur
Grande Cascade vue du Mur
La collective émerge sur le premier étage du Cirque
La collective émerge sur le premier étage du Cirque
14 des 22 participants sur le premier étage du Cirque (récit)
14 des 22 participants sur le premier étage du Cirque (récit)
Sur le premier étage : Robert de Villeneuve, Jean Santé et Maïté Cabanne
Sur le premier étage : Robert de Villeneuve, Jean Santé et Maïté Cabanne
Marboré et Pics de la Cascade au coucher du soleil
Marboré et Pics de la Cascade au coucher du soleil
Mur et Pics de la Cascade
Mur et Pics de la Cascade
Collective au Mur de la Cascade (Gavarnie)
Collective au Mur de la Cascade (Gavarnie)